Les deux périodes d'enregistrement de cette saison 2019-2020 ont connu un flux migratoire de nombre de nos jeunes footballeurs. Vers la Tunisie, mais pas seulement. Tous ont cette ambition de découvrir un «monde meilleur», moins hypocrite et plus juste. Il faut remonter à loin pour trouver traces d'un mouvement de joueurs aussi poussé. Le football algérien, accusé à tort ou à raison de ne pas produire des talents, a réussi la prouesse de transférer quelques-unes de ses pépites vers l'étranger. Si beaucoup d'entre eux, qui comptent parmi les espoirs du sport-roi en Algérie, ont été tentés par l'aventure chez le voisin de l'Est, la Tunisie où le championnat est plus stable, la réglementation plus souple et les clubs plus enclins à mettre le prix pour avoir de bons produits, certains ont choisi, malgré des offres financières des plus insignifiantes, de rejoindre les championnats européens. En France, au Portugal, en Belgique de même qu'en Espagne, ces footballeurs osent une aventure pleine d'incertitudes. L'expérience manquée de Tayeb Meziani au Havre AC en 2017-2018 et en Lituanie (FC Stumbras), et celle moins rayonnante de son ex-coéquipier du Paradou AC, Farid El-Mellali, en France (SCO Angers) n'ont pas refroidi les ardeurs de ces jeunes «dépités» par le traitement que leur réservent les «maquignons» qui rôdent autour de la pratique footballistique en Algérie. C'est pourquoi, l'été dernier a vu le départ d'un contingent plus ou moins important à destination de l'Europe. L'effet PAC ! Ce sont les trois sociétaires de l'académie du PAC, Hichem Boudaoui, Zakaria Naïdji et Haythem Loucif qui feront le premier pas. La direction de leur club en Algérie, sans être trop gourmande, a négocié leur départ en posture de force. Et pour cause ! Ce sont un champion d'Afrique (Boudaoui), le meilleur buteur de la Ligue 1 (Naïdji) et une doublure par défaut au phénoménal Youcef Atal. Une belle affaire pour l'OGC Nice, le SCO Angers et Gil Vicente qui peuvent se frotter les mains d'avoir engagé des footballeurs formés à la bonne école et de surcroît jeunes et perfectibles. Donc, en mesure de constituer une «marchandise» porteuse à très court terme. La preuve : à peine sa phase de préparation (entamée tardivement en raison de vacances prolongées du fait de sa participation à la CAN-2019 avec les Verts, le néo-Niçois Boudaoui s'imposera comme un élément-clé dans l'échiquier de Patrick Vieira, le coach des Aiglons. S'il est vrai que l'international Algérien a profité d'une cascade de blessures au sein de l'effectif du club français, ses qualités de placement et de percussion ont offert des solutions inimaginables à l'ancien Gunner. Régulier, Boudaoui sera cet élément qui peut donner le ballon qu'il faut et, mieux, se présenter en position idéale pour soutenir ses attaquants et marquer des buts décisifs. Pour le moment, et malgré sa récente suspension contre Nîmes (ça lui a valu trois matchs) pour un tacle appuyé mais involontaire sur un adversaire, Boudaoui est le porte-flambeau de cette nouvelle vague d'expatriés. Une réussite que les autres joueurs transférés l'été dernier n'ont pas connue même s'il faut reconnaître que l'ancien latéral droit du MC Oran, Mohamed-Réda Helaïmia dispose d'un carnet de route assez éloquent avec 22 matchs joués et un but inscrit au profit de son club belge, le K. Beerschot VA (Division 1 B, l'équivalent de la Ligue 2). C'est le cas de le dire pour l'ancien buteur du Paradou AC et du championnat d'Algérie Zakaria Naïdji. Le natif de Bordj Bou-Arréridj, qui a opté pour les Portugais de Gil Vicente, affiche un tableau de notes relativement squelettique. En l'occurrence 17 apparitions dont 12 comme remplaçant avec l'équipe première de la Liga Nos pour un total de 621 minutes jouées, un but marqué (contre le Sporting de Lisbonne) et une passe décisive offerte. Durant ces 5 titularisations, Naïdji a été aligné 3 fois en tant qu'avant-centre et deux fois comme ailier droit. On est loin de ses 31 buts signés en deux saisons (53 matchs) sous le maillot du PAC. Lors du récent mercato hivernal, des rumeurs annonçaient un probable retour du joueur dans le championnat algérien. Une option qui nous rappelle bien l'échec essuyé par un autre ancien buteur de la Ligue 1 algérienne, Okacha Hamzaoui, au sein du Nacional CD de Madère avec qui l'enfant de Aîn Kermès (Tiaret) a livré 43 matchs et inscrit 8 buts avant d'être prêté à l'USM Alger pour disparaître à nouveau des radars avant de le retrouver en Iran, chez le Tractor Sazi de Tabriz. Un beau gâchis, en somme, pour un footballeur qui frappait aux portes de la sélection mais qui a fait de mauvais choix dans sa carrière. De ces choix hasardeux, l'on peut citer celui fait par Mohamed Benkhemassa. L'ancien médian de l'USM Alger faisait partie de l'effectif élargi sur qui Belmadi comptait. Ses prestations sous le maillot de l'USMA et en sélections (U23 et A') ne laissaient personne indifférent. Beaucoup pensaient que l'enfant d'El-Bahia était voué, à 25 ans, à une carrière professionnelle singulière. Son choix d'aller monnayer son talent en Espagne, chez les Andalous de Malaga CF (La Liga 2), paraissait en parfaite harmonie avec ses ambitions. Et flop ! Depuis son transfert qui a valu à l'USMA d'encaisser 100 000 euros, Benkhemassa a joué 585 minutes représentant des bouts de match durant ses 13 apparitions (14 si l'on ajoute un match du coupe du Roi). Soit une moyenne d'une mi-temps (45 minutes) par apparition dont la dernière (sur le banc) fut le 1er février face à Elche. Il faut remonter au 21 décembre 2019 pour voir l'ex-Usmiste disputer l'intégralité d'une rencontre (face à Lugo CD). S'il est vrai que les Malaguistas vivent une saison complexe sur le plan de la gestion, le club étant la propriété du Qatari Chikh Abdallah ben Nasser ben Abdallah Al Thani, il n'en demeure pas moins que le choix de Benkhemassa d'opter pour une équipe qui compte en son sein 11 étrangers était un pari risqué. Difficile de dire en définitive si Benkhemassa ira au terme de son contrat le liant au club espagnol jusqu'en juin 2022. Fuir la médiocrité Les trois derniers footballeurs algériens qui ont «fui» le championnat national sont relativement jeunes. Et ont signé des contrats «apprentis». Il s'agit du Paciste Haythem Loucif (23 ans) qui a choisi le SCO Angers où il émarge au sein de l'équipe B (National 2), du défenseur sétifien Aïssa Boudechicha (19 ans) qui a opté pour les Girondins de Bordeaux où il évolue en équipe B et le tout frais homme de couloir de Bordeaux Naoufel Khacef (NAHD) qui a fêté ses 22 ans en octobre dernier. Si le premier cité a rejoint son camarade Farid El-Mellali avec un statut d'international A (en mars de l'année dernière, il était titulaire face à la Gambie en qualifications de la CAN-2019), la cause semble entendue puisque les entraîneurs angevins projettent de l'intégrer progressivement en équipe première à la fin de cette saison. Il n'en est pas de même pour l'ex-longiligne défenseur de l'ES Sétif, international U20 certes, qui doit prouver ses qualités d'abord en équipe «réserve» afin d'espérer décrocher une place au sein de l'équipe première. Au cours du dernier mercato hivernal, la direction du club bordelais avait songé prêter le natif de Medjana pour un club belge, chose que le manager du joueur a refusée. Si pour l'ancien joueur du CABBA la durée du contrat (4 ans) est en elle-même une forme de protection, cet impératif (durée) risque de s'avérer un handicap dans la poursuite de l'aventure de l'attaquant du NAHD Naoufel Khacef chez les Girondins de Bordeaux. Signataire d'un contrat de prêt avec option d'achat au bout des 6 premiers mois, Khacef qui a rallié la Gironde la semaine dernière se doit de convaincre rapidement ses entraîneurs de l'équipe «réserve». Sur un plan technique, le natif de Kouba a les moyens de rivaliser mais vu son manque de compétition (159 minutes dont 90' lors de son dernier match sous le maillot du NAHD remonte au 21 décembre 2019 face à l'USB à Biskra au cours duquel il a inscrit le but de la victoire, 2-3), il devrait s'atteler à améliorer sa condition physique avant d'entamer la besogne de convaincre Manu Giudicelli au sein d'une équipe B qui occupe le bas du tableau (9e sur 14 clubs) de la National 3. Khacef pourrait faire sa première apparition sous le maillot de l'équipe «réserve» de Bordeaux dès le 1er mars avec un déplacement à Pau pour le compte de la 17e journée du National 3. C'est, en résumé, la situation des joueurs algériens nouvellement transférés vers des clubs européens. Que doit-on conclure six mois (hormis pour Khacef qui est arrivé en France depuis peu) après ? Six mois qui, raisonnablement, peuvent juste constituer une phase d'adaptation pour ces footballeurs qui ont fait un choix cornélien, celui de réussir une carrière professionnelle dans le très difficile contexte du football européen alors qu'ils avaient la possibilité d'opter pour la solution de facilité en optant pour des transferts plus rentables sur le plan financier en Tunisie ou les pays du Golfe. Un dilemme pour des jeunes dont la quête de la gloire parmi la sphère des grands du football mondial est doublée par cette ambition de convaincre un sélectionneur national, Djamel Belmadi et tous ceux qui l'ont précédé à la barre technique des Verts, qui croit fondamentalement que les footballeurs nés et élevés en Algérie n'ont pas bénéficié de la meilleure des formations et, par conséquent, très peu d'entre eux sont éligibles à rejoindre les rangs des champions d'Afrique. M. B.
