De notre envoyé spécial aux Ouacifs, Mohamed Kebci Comme à chaque dure épreuve, les villages et hameaux de Kabylie puisent dans leur trésor inépuisable de valeurs de solidarité, d'entraide et d'altruisme pour y faire face. Un peu partout en Kabylie, et une fois de plus, on fait appel aux valeurs d'antan de solidarité et d'entraide pour confronter une dure épreuve, une épreuve inédite tant il s'agit de livrer bataille à un «ennemi invisible», la pandémie de coronavirus qui peut frapper à tout instant et en tout lieu. Et faute d'un traitement médical efficace à la trousse duquel plusieurs laboratoires de recherche sont engagés aux quatre coins du monde, seule la prévention, la prévention et encore la prévention est à même de constituer une parade face à ce terrible mal de ce nouveau siècle. Une prévention fort contraignante ,tant elle s'étale sur plusieurs facettes et fait un pied-de-nez aux libertés individuelles et collectives les plus basiques, celle de circuler librement. Il s'agit, en effet, d'un confinement partiel ou total des populations à l'effet de contenir cette pandémie et la faire reculer un tant soit peu. Ce qui requiert bien des sacrifices et, surtout, l'implication du plus grand nombre car il s'agit d'une question de vie ou de mort. Une épreuve à laquelle on fait face un peu partout en Kabylie en regardant, encore une fois, dans le rétroviseur du riche legs des ancêtres empreint de solidarité, d'entraide et d'altruisme. Quoi de mieux pour s'imprégner de près de cette immersion dans ce qu'on qualifie de véritable patrimoine inestimable, que de vivre au quotidien cette ambiance de défi lancé à la face d'un mal dont on ne sait que très peu. Agouni-Fourrou, ce vaste et populeux village de la trentaine que compte la région des Ouacifs, à une cinquantaine de kilomètres de Tizi-Ouzou, on vit, depuis quelques jours, comme partout à travers ses semblables hameaux et villages de la Kabylie, au rythme de cette guerre menée contre le coronavirus. La cellule de crise mise sur pied par le comité de village, avec l'implication de jeunes acteurs associatifs et de simples citoyens ,multiplie les réunions et les concertations à l'effet d'agir crescendo dans l'adoption des mesures. «On a préféré agir en amont en se préparant à la mesure extrême de l'isolement total du village, qui doit intervenir ce samedi, tôt dans la matinée», affirme Rabah Kadi, le jeune président du comité de village pour qui il s'agit de «rendre le moins contraignant possible ce confinement». C'est ainsi que cette nouvelle entité villageoise a pris d'abord l'initiative de mener une vaste campagne de sensibilisation quant à la dangerosité de la situation, insistant, via de nombreuses affiches placardées à travers tout le village, sur certains réflexes de prévention, comme l'interdiction des regroupements, le respect de la distance d'un mètre au minium entre deux individus, l'évitement des embrassades et autres éternuements et toux qui doivent se faire dans le creux des bras. Des opérations de désinfection des lieux publics et autres endroits susceptibles d'accueillir des citoyens comme les magasins et autres devantures de maisons sont régulièrement menées. En sus de l'action des autorités locales, le comité s'est doté de son propre stock de produits et autres outils de désinfection et de protection, dons de citoyens du village. Il s'est agi, par la suite, d'assurer l'approvisionnement des villageois en fruits et légumes pour leur épargner les déplacements, porteurs de risques de contamination au chef-lieu de daïra, Ouacifs. Un point de vente est instauré depuis une semaine au niveau du rez-de-chaussée de la mosquée du village et un second point est opérationnel depuis ce samedi au lointain quartier de Agouni-Mellidi. La vente est assurée dans le strict respect des recommandations de distanciation sociale des scientifiques, avec port de bavettes. Autre denrée alimentaire de base pour les ménages qui fait perdre la raison en pareille situation, la semoule. Celle-ci est distribuée équitablement parmi ceux qui en ont besoin, loin des attroupements constatés par endroits, à travers le pays, avec des listings des chefs de ménage établis au préalable. Toutes ces actions sont menées avec succès tant l'adhésion des citoyens est totale et le comité s'attelle à passer à l'ultime phase, le confinement du village, entré en vigueur, depuis ce samedi. Deux postes de vigie sont assurés de 7h du matin à 19h par deux équipes de sentinelles placées aux deux bouts du village : Asyax en descendant vers Ouacifs et Ticcewt n tbubert en allant vers Agouni-Gueghrane et les Ouadhias. Les vigiles, avec bavettes, procèdent à la vérification scrupuleuse des entrées et des sorties des citoyens. Des sorties et des accès qui obéissent, selon Hamid Landri, membre dudit comité de village, à des cas de force majeure comme les fonctionnaires et autres employés contraints de se rendre dans leurs lieux de travail, ou autre situation d'exception comme les visites aux proches ou parents résidant au village. A ce propos, notre interlocuteur invite les membres de la très large diaspora du village installée partout dans le pays et à l'étranger à réduire au maximum leurs virées au village. Ces sorties et entrées sont portées dans des feuilles de suivi avec mention des noms et prénoms des concernés, l'objet de leur sortie ou entrée, en sus de leur soumission aux mesures de prévention contre cette épidémie comme la désinfection des personnes et de leurs véhicules. Aussi, des rondes nocturnes de membres du comité de village, épaulés par des volontaires, sont régulièrement menées à travers le village pour traquer d'éventuels veilleurs. Autre facette de la solidarité villageoise en cette période cruciale, ces citoyens qui se proposent de prendre en charge, qui l'approvisionnement un jour, voire plusieurs jours, en pain, qui en denrées alimentaires pour des ménages en difficulté, ou en divers produits de désinfection, ou carrément des dons en espèces au comité de village pour faire face aux dépenses inhérentes à ces actions et autres activités. M. K.
