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Persistance de l'historiographie coloniale
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 07 - 2020


Par Messaoud Boularès
On peut faire l'économie de lecture de la plupart des écrits historiques français sur la question coloniale pour ne retenir en fin de compte que quatre références. Il suffit en effet de compléter Histoire d'un parjure, de Michel Habart, sur les motivations profondes qui ont convaincu le microcosme parisien de se lancer à la conquête d'Alger, par L'honneur de Saint-Arnaud, de François Maspéro, Coloniser exterminer, d'Olivier Lecour Grandmaison et, enfin, La France et l'Algérie en
guerre : 1830-1870, 1954-1962, de Jacques Frémeaux, paru chez Economica.
Ces quatre ouvrages, tous réédités et traduits chez nous, à l'exception du dernier, suffisent amplement à constituer une bibliographie synoptique pour une bonne compréhension de l'histoire coloniale sous le prisme de la pensée anticoloniale française.
Si les trois premiers ouvrages concernent la conquête, le dernier tente une comparaison entre les deux guerres qui ont opposé les deux pays, à un peu plus d'un siècle d'intervalle, par une profonde introspection des parties ou forces en présence.
L'intérêt documentaire de l'ouvrage tient principalement au caractère inédit de certaines archives consultées pour compléter la documentation écrite sur la guerre d'Algérie : une vingtaine de cartons appartenant, pour l'essentiel, à la série 1 H du Service historique de l'Armée de terre (SHAT). De quoi permettre à l'auteur d'esquisser une synthèse, un juste milieu qui délimite la part des choses entre le fait historique, froid et têtu, d'une part, la légende et l'idéologie, d'autre part. Il traduit une sorte d'équilibre, de «retour de balancier», entre les thèses chauvines qui, d'outre-Méditerranée, œuvrent à la reproduction du discours colonial.
Société pluriethnique classée comme une «variante d'Orient», l'Algérie de la conquête se prêtait mal à une nouvelle fusion, surtout par refus des Algériens. La constante religieuse a immanquablement, fortement puis fatalement, contrarié les idéaux «de chrétienté et de civilisation» qui ont accompagné l'entrée des troupes françaises, aussi bien lors de la guerre sainte de l'Emir Abdelkader et les insurrections qui l'ont suivie que pendant la Guerre de libération nationale.
À la conquête ont succédé les insurrections, puis la guerre avec deux conflits «asymétriques» et de basse intensité : ils opposent des contingents de guerriers, courageux et indomptables, mais sommairement équipés à des armées modernes.
C'est, toutefois, une guerre de conquête totale visant à annexer le territoire d'un autre Etat et à se subordonner ses sujets, dirigée par une autorité militaire, avec au sommet un général en chef qui est également gouverneur général, autorité à laquelle la Ve République s'emploiera, tardivement et imparfaitement, à substituer un pouvoir civil. Dans cette guerre, les deux principes d'exigence morale empreints de modération (celui de discrimination qui veut qu'on ne combatte que les combattants et celui de proportionnalité qui limite les destructions à celles qui sont nécessaires à l'accomplissement de la mission) prennent valeur de contre-exemples. Pour ne citer que les plus marquants : Bugeaud est le nom d'un monstre par lequel les mères musulmanes menacent leurs enfants, Pélissier est coupable d'enfumades, l'inévitable Saint-Arnaud reconnaît avoir emmuré vivants les insurgés de la tribu des Sbihas en août 1845, Lamoricière est surnommé Bou Haraoua (l'homme au bâton) et le général Byeor gagne, à Oran, le sobriquet de «Pierre le Cruel». On comprend que l'identification des ogres (Ghouls) et des chefs militaires français, ou des Français tout court, était chronique et congénitale, courante, inconsciente et naturelle dans l'esprit des populations rurales.
Comme l'a courageusement rappelé Jean-Michel Aphatie, journaliste politique français, lors d'une émission diffusée récemment par une chaîne française, le maréchal Thomas Robert Bugeaud, responsable de la mort de milliers d'Algériens lors de la colonisation française de l'Algérie, est surtout réputé pour avoir «inventé les chambres à gaz» utilisées plus tard particulièrement par l'Allemagne hitlérienne dans le cadre du programme génocidaire des nazis.
«On a brûlé des villages, on a tué des gens», a-t-il souligné, déplorant le recours par ce maréchal à «l'enfummade» : une technique qui consiste à asphyxier des personnes réfugiées à l'intérieur d'une grotte en mettant le feu devant l'entrée. Ces feux consomment l'oxygène disponible et remplissent les cavités de fumée.
«Bugeaud a fait enfermer des femmes et des enfants, combattants ou pas, dans des grottes, allumer le feu devant la grotte et tout le monde meurt par asphyxie», a-t-il rappelé.
Du 18 au 20 juin 1845, le lieutenant-colonel Pélissier fait périr par asphyxie toute la tribu des Ouled-Riah, alliés au Cheikh Boumaza, qui avait trouvé refuge dans les grottes de Ghar-el-Frechih près de Nekmaria, dans le massif du Dahra. Ce sont entre 700 et 1 200 personnes, selon les sources, guerriers, mais aussi femmes, enfants et vieillards, qui moururent après que Pélissier eut fait allumer de grands feux devant les entrées des grottes. La systématisation des razzias par le général Lamoricière est un autre volet des crimes contre l'humanité.
Colonisation de peuplement
La longue présence française en Algérie est une colonisation de peuplement destinée à substituer une communauté humaine d'importation à une autre, dite indigène.
Le recensement approximatif de 1872 fait état de la disparition de près de six cent mille musulmans à partir de 1861, à la suite de la désagrégation du système économique traditionnel précipitée par la politique de «cantonnement» que le général Lapasset résuma en deux mots : « vol et spoliation».
À l'instar de ce qui s'était produit en Amérique lors de l'arrivée des Européens, à «une diminution inéluctable des populations indigènes frappées par le choc d'une civilisation supérieure et d'aucuns, en Algérie surtout, on œuvrait à la disparition fatale de la race indigène».
La rage de vivre, de résister et de vaincre des Algériens est toutefois indomptable et l'occupant n'a jamais pu imposer sa loi :
«Les convertir est impossible : jamais leur Dieu ne capitulera devant la Trinité chrétienne !... Les détruire, comme des Peaux-Rouges, est également impossible : à défaut du monde civilisé, leur nombre et leur vaillance les protégeraient.»
La politique coloniale a légalement trouvé une parfaite expression dans la loi du 27 juin 1881 qui a confié aux administrateurs pour une durée de sept ans, le droit de punir directement les populations locales, appelées «indigènes» pour une série de fautes spéciales qui a reçu dans l'usage le nom de Code de l'indigénat.
Le régime de l'indigénat, voire l'indigénat, tout court, furent les réalités les plus sinistres de la période coloniale, dit en substance le professeur Claude Bontems, dans une brillante contribution récemment parue dans La Revue Algérienne.(i) Il assimile le régime en question à un ensemble de pratiques répressives, des sanctions exorbitantes du droit commun, mises en œuvre par des institutions qui n'ont aucune vocation judiciaire.
De fait, une monstruosité juridique», comme tant d'autres dans la longue nuit coloniale.
Malgré la répression, l'Algérie est pour le corps expéditionnaire un territoire militaire où règne la peur. Surtout la peur d'un peuple inconnu, insoumis et, naturellement et légitimement, hostile, massacré avec acharnement
Dans la structure de pensée coloniale, raciste et obscurantiste, les «indigènes» représentent «une population inférieure qui doit être traitée avec des méthodes primitives, les seules qu'elle soit capable de comprendre et d'accepter. Ainsi, la confiscation des biens, juridiquement baptisée séquestre, fait son apparition dès les premiers mois de la présence française».
«Ainsi, dès les débuts de la présence française, alors même que le maintien d'une présence coloniale n'a pas encore été décidé, des peines, qui vont devenir constitutives de l'indigénat, font leur apparition sous des appellations diverses, mais à travers lesquelles il est possible d'identifier : le séquestre, l'internement arbitraire, l'amende individuelle ou collective et l'assignation à résidence.»
Retraçant brièvement le statut de l'indigénat, Bontems(*) envisage la forme qu'il revêt, c'est-à-dire les structures successivement installées pour en assurer la mise en œuvre ; avant d'exposer son contenu, à savoir la population à laquelle ce statut est appliqué, les infractions et les peines qui les sanctionnent.
Il découvre alors, «des structures hors normes», monstrueuses, «un arsenal répressif d'exception».
La confiscation trouve sa source dans les pratiques militaires, en particulier dans le pillage. La résistance populaire confine l'armée française à une occupation restreinte qui l'empêche d'accaparer des terres, de 1830 à 1845. Elle s'exerce alors à la destruction des récoltes sur pied, le pillage des silos à grains et l'enlèvement des troupeaux, «des pratiques courantes pour affaiblir économiquement, pour forcer à la soumission les populations voisines».
L'internement, loin d'être une mesure exceptionnelle, est des plus sommaires, revêtant des formes multiples, aboutissant toutes au même résultat : restriction de la liberté de circuler. L'enfermement dans un pénitencier peut être aggravé par la déportation.
S'agissant de l'amende collective, elle s'apparente à un acte de pillage. La troupe d'occupation s'empare des troupeaux d'une tribu et cette prise est considérée comme la juste sanction des actes de rébellion de cette tribu.
Tels sont quelques faits avérés de «l'œuvre civilisatrice» française en Algérie que des médias lourds de l'Hexagone, et nombre d'invité(e)s de leurs plateaux, ne peuvent malheureusement pas admettre.
M. B.
(i) Claude Bontems, Le «Code de l'Indigénat dans l'Algérie coloniale : Une monstruosité juridique bâtie sur la peur et... en voie de résurrection ?», Revue algérienne des sciences juridiques, politiques et économiques, volume 57, numéro 4, 2019, pp. 33 -102.


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