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Ed-darija et taqbaylit mises au silence de fait !
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 10 - 2020


Par Abdou Elimam, linguiste
Certaines polémiques se font jour— sans surprise, à vrai dire — et ont ceci de particulier : elles font diversion par rapport à la préservation des langues maternelles de la nation.
Opposer l'arabe (langue supranationale à usage administratif et théologique) à tamazight (langue symbole en cours de développement) pour saturer l'espace de dialogue et de débat au détriment des langues de la nation relève de la manipulation (consciente ou pas, d'ailleurs). Examinons cela sans passion, mais avec raison.
Le choix de la langue arabe en tant que langue d'Etat est doublement légitimé : par la préexistence de cette langue partagée par le monde arabe, d'une part, et, de l'autre, par son ancrage chez les élites maghrébines depuis plus de dix siècles. Cette langue aura servi de support à une civilisation mondialement reconnue et qui a eu l'Andalousie comme phare, quelques siècles durant. Par ailleurs, notre indépendance nationale voit le jour dans un contexte d'euphorie panarabiste – dans la foulée de la renaissance politique symbolisée par Gamal Abdenasser. La seule erreur commise par nos anciens fut de choisir la langue arabe CONTRE les langues maternelles ! Du coup cette option s'est révélée bien peu productive et le bilan de l'arabisation dans le système éducatif national est, le moins qu'on puisse dire, bien peu probant. Que d'argent, que de moyens, que de supports, que de personnels, pendant un demi-siècle, pour des résultats bien éloignés de nos légitimes attentes. Tous les efforts et moyens mis en place pour pallier ces graves insuffisances ont été vains. Mais au lieu d'en tirer des enseignements scientifiques, ce sont toujours des idéologues qui ont été sollicités pour refaire la même chose avec les mêmes moyens. Pourtant, la qualité de l'enseignement et les niveaux des apprenants sont critiquables et critiqués universellement (rapports PISA sur plusieurs années). Le pire, c'est que nous vivons dans une forme de république où les initiateurs de projets sociétaux (tels que les langues) ne rendent des comptes à personne. On peut donc jouer à l'apprenti sorcier et provoquer une crise identitaire profonde et lorsque l'on se rend compte que cela ne va pas... on refait la même chose rejetant la cause des échecs sur des adversaires fictifs. Outre un problème d'absence de décisions informées (analyses effectives des besoins, études comparées, expériences pilotes, etc.), il y a bien une lacune de gouvernance béante.
Pourtant, la solution est à la fois simple et économique : intégrer les langues maternelles au système éducatif au moins durant les quatre premières années. En d'autres termes, introduire les langues de naissance des élèves (darija, kabyle, chaoui, mozabite, etc.) dans l'enseignement dès le primaire a pour conséquence immédiate de développer le potentiel cognitif et d'assurer des transferts de savoirs et de savoir-faire au moment où ils apprendront l'arabe. Toutes les expériences de cette nature effectuées dans le monde témoignent de progrès effectifs (pas ceux basés sur un réflexe de mémorisation sans pertinence). Nos experts nationaux en systèmes éducatifs ne sont-ils pas au courant de cela? N'ont-ils pas eu vent de ces expériences et de leurs réussites ?
Certes, il y a un complexe («haine de soi») à utiliser le kabyle (voilà pourquoi on lui préfère une langue purifiée et «classique» — alors qu'elle est en devenir seulement) ou la darija. Mais un complexe, cela se soigne ! Il ne faudrait pas que la pathologie des uns impacte la vie intellectuelle et culturelle de la collectivité. Ceux qui disent que la darija est une «fourre-tout», un mélange de «français, d'espagnol, etc.», parlent d'eux-mêmes et pas de la langue, en réalité. D'une part, un darijaphone ne s'exprime pas de la même manière lorsqu'il s'adresse à un vénérable grand-père ou à sa bien-aimée ou à son avocat, voire à ses enfants. Les registres linguistiques, comme les définissent les linguistes, changent avec les situations et selon ce dont nous parlons. Ceci est une règle universelle. Les adversaires de la darija ne retiennent que les situations relâchées pour «dénoncer» des usages «fautifs» et dévalués. D'autre part, ces compatriotes haineux d'eux-mêmes ignorent tout simplement la littérature maghribie (essentiellement entre le Xe et le XVIIIe siècle). Il est vrai que s'ils avaient évolué dans un environnement culturel qui n'aurait pas chassé cette langue des espaces publics, ils n'auraient pas à en rougir. Bien au contraire. Quant à ceux qui disent que c'est de l'arabe (souillé ou pas, d'ailleurs), ils méconnaissent l'histoire de nos langues. La darija était déjà parlée au Maghreb avant l'arrivée des Arabes ! Les langues natives ne sont pas des marchandises, mais des attributs naturels qui participent du développement humain. Personne ne sait (encore) comment les langues natives s'apprennent après la naissance parce que personne (parmi les humains) ne sait (encore) comment on fabrique une langue. Même des «patchworks» faits de bouts de langues différentes ne parviennent pas à devenir des langues natives. Seule la nature sait faire cela et le témoignage de l'histoire de l'humanité peut en attester. Les langues maternelles ou natives possèdent des virtualités neurologiques que nous ne savons pas créer. Voilà le secret des langues naturelles et natives.
Cela m'amène à faire cette observation : nos compatriotes qui s'affairent à nous concocter un tamazight «sur mesure», «moderne», «scientifique», etc. font fausse route. Ils ne sauront pas ; ils ne pourront pas nous fabriquer une super-langue native. Par contre, ils vont créer chez les locuteurs berbérophones un conflit interne qui va exposer les enfants à une double diglossie pour reprendre le diagnostic du linguiste
A. Dourari. L'imposition administrative de tamazight va imposer une régression chez les enfants berbérophones et un rejet chez les autres.
D'ailleurs, n'assistons-nous pas déjà à des phénomènes de rejet de la part d'enfants berbérophones de naissance ? Mais au lieu d'aborder le problème en recourant à la science (linguistique, psychologie et sciences de l'éducation, au moins), les militants de l'unification «top-down» (par le haut) privilégient la fuite en avant idéologique. Une de ces fuites en avant consiste à demander la généralisation et l'obligation de la «langue en cours de montage de sorte que l'échec (programmé) soit mis sur le compte d'autrui ; peu importe le prix à payer !
On voit bien que les enjeux véritables sont du côté de la préservation des langues maternelles et non pas dans ce combat symbolique de langues extérieures aux locuteurs natifs. Sauvons nos langues maternelles et sachons appliquer ce que les sciences nous enseignent plutôt que de nous laisser piéger par ces discours de haine, cycliques, qui, depuis un demi-siècle pour ce qui nous concerne, se sont avérés contreproductifs et générateurs de fitna.
A. E.


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