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Transplantation d'organes en Algérie : des lignes rouges à ne pas franchir et des normes à respecter
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 01 - 2021


Par Dr Rekhif Yassin(*)
Le directeur de l'Agence nationale de greffe, sur le site Facebook de cette agence, révèle sa vision sur l'organisation de l'activité de transplantation d'organes, les perspectives qu'il lui envisage, aussi il livre son avis sur le commerce d'organes et son appréciation sur certaines équipes qui pratiquent la greffe rénale.(1)
À mon sens, ce qui a été développé par mon confrère comporte des écarts considérables par rapport aux normes éthiques et organisationnelles concernant cette activité et aussi suscite de fausses attentes, en termes de chiffres, d'un apport non fondé du privé à l'activité chirurgicale de cette discipline.
Notre loi de la bioéthique est-elle injuste ou plutôt protectrice ?
Mon collègue trouve anormal que cette activité de transplantation rénale soit autorisée dans des cliniques privées en Turquie et en Jordanie et qu'elle ne le soit pas chez nous, sans qu'il puisse trouver une explication auprès de nos politiques.
Tout d'abord, la logique veut, concernant un tel sujet scientifique, que ce soient les politiques qui cherchent et demandent des explications auprès de l'expert et non pas l'inverse.
Une telle confrontation, «les autres sont autorisés alors que les nôtres ne le sont pas», sous-entend, non seulement une injustice de nos lois de bioéthique, mais une injustice qui concerne un domaine vital, celui de l'offre de soins, ce qui n'est pas le cas.
Quand on aborde une question aussi délicate, on n'a pas le droit de faire l'impasse sur ce qui différencie cette activité interdite dans le secteur privé par rapport aux autres activités chirurgicales autorisées, à savoir le donneur vivant.
Le grand public doit d'abord être averti que le don d'organes expose un individu indemne de toute pathologie à des risques chirurgicaux. Ce donneur, qui vient en aide à son proche et à notre système de santé, doit être protégé par des lois.
Il faut rappeler que la transplantation, au même titre que les activités médicales qui utilisent des éléments du corps humain, soulève, dans toute société, des inquiétudes légitimes, auxquelles les autorités doivent apporter des réponses claires, cadrées par des principes universels d'éthique qui se traduisent par des lois dites de la bioéthique.
La majorité des rapports financés et publiés par des instances crédibles et enquêtant sur les transplantations commerciales pointent du doigt les hôpitaux privés comme étant l'élément-clé facilitant ces activités illégales et que très rarement des hôpitaux public s'y soient mêlés.
Au niveau de ces cliniques privées pratiquant le tourisme de transplantation, les praticiens prennent le risque de prendre en charge des greffes illicites en contrepartie d'un paiement à l'acte qui dépasse largement une rémunération équitable du service presté, alors qu'au niveau des hôpitaux publics de ces mêmes pays, leurs praticiens, dont la rémunération reste inchangée, ne prennent aucun risque s'ils ont des raisons de croire qu'il s'agit de greffes commerciales.
Les conséquences de ces pratiques immorales ont souvent conduit à des scandales médiatiques, à l'arrêt de cette activité, à l'arrestation de praticiens et à une rupture de confiance du grand public envers leurs autorités sanitaires et vis-à-vis du don d'organes.
Pour mettre notre pays à l'abri de ces dérives et leurs conséquences, ne faut-il pas agir en amont, par des mesures qui visent à prévenir leur développement et à anticiper tout ce qui peut les faciliter ?
Ou se contenter de punir les contrevenants tout en contemplant le désastre qui va retentir sur tout un programme national de greffe.
Pour toutes ces raisons, nos législateurs ont conjugué aux dispositions punitives des dispositions préventives et parmi ces dispositions, il y a celle qui n'autorise cette activité que dans le secteur public et celle qui interdit toute rémunération à l'acte (lois n°366, n°367 et n°432).
D'ailleurs, pour éviter ces mêmes dérives, la collecte de sang dans notre pays est gérée uniquement par des structures du public.
Et malgré les pénuries récurrentes de ce produit humain, on n'a jamais entendu la directrice de l'Agence nationale de sang demander l'accréditation de centres privés pour la collecte de ce produit, qui, très souvent, est vital pour les patients.
Je rappelle, à cet effet, la position sans équivoque de l'actuel président du conseil scientifique l'ANG, le Pr T. Rayane, exprimée devant la journaliste Souhila E. H, au micro de la Chaîne III, il y a plus d'une année : «Tant que je serai en vie, cette activité ne sera jamais réalisée dans les cliniques privées.»
Maintenant, est-il vrai que la greffe rénale dans les cliniques privées réduirait la liste d'attente de nos patients ?
De l'avis de mon confrère, c'est le privé qui va débloquer la situation pour atteindre le chiffre de 1 200 greffes par an et pour cela il a déjà sollicité la Cnas pour l'aider dans ce sens.
Selon les différents modèles de transplantation réussis et publiés, est-il vrai que la greffe rénale dans les cliniques privées réduirait la liste des patients en attente de greffe ? Concernant les pays où cette activité repose essentiellement sur les donneurs décédés, le modèle espagnol étant le leader, les responsables de ce modèle attribuent leur réussite principalement au nombre de coordinations et de coordinateurs mis à disposition de la détection et la gestion des personnes en état de mort encéphalique (EME) à leur formation et à leur profil.
Et pour les pays dont le don de rein à partir de donneurs vivants représente une source importante, en plus du don apparenté, ces pays se sont appuyés sur le don croisé, le don altruiste, l'élargissement du cercle des donneurs familiaux et sur les greffes en incompatibilité ABO.
Par ailleurs, les transplantations pour couples étrangers ne résidant pas dans les pays qui les pratiquent ne réduisent en aucun cas la liste d'attente de leurs concitoyens candidats à une greffe, le seul chiffre qui va augmenter est le chiffre d'affaires de ces cliniques privées.
À ce jour, il n'y a aucune étude ou recommandation qui cite le privé ou ses cliniques chirurgicales comme un facteur qui permet de réduire la pénurie de greffons ou d'augmenter les donneurs.
Peut-on passer de 300 à 1 200 greffes rénales/an, qu'avec le don des vivants ? Et le frein est-il réellement un défaut de mobilisation de nos ressources humaines, notamment celles du privé ?
Pourquoi n'a-t-on pas dépassé les 300 greffes/an, l'équivalent de 7.5 greffes pmh, alors que la norme est de 35 greffes pmh, ce qui correspond à 1 400 greffes/an pour notre population d'environ 40 millions d'habitants ?
À travers les pays où le don issu des vivants occupe une grande partie de cette activité, on constate que cette source de don présente des limites en termes de chiffres et il est illusoire de croire qu'on peut atteindre 1 200 greffes/an uniquement avec cette source et juste en mobilisant nos ressources humaines, notamment celles du privé.
- Les USA, en 2017, ont atteint les 43,6 greffes rénales pmh à partir de donneurs décédés et concernant le donneur vivant ils n'ont pu réaliser que 18,06 Tx rénale pmh, dont seulement 12,2 pmh étaient issues du don apparenté.
- En Europe, un rapport de 2016, réalisé sous l'égide de l'UE, a montré que la moyenne des greffes rénales à partir de donneur vivant pmh des 28 Etats membres de cette union était de 8,4 pmh. En regardant de près cette source de don, parmi ces 28 pays membres : 14 pays (soit la moitié) réalisaient moins de 5 greffes pmh ; 9 pays (le tiers) entre 5-15 greffes pmh et 5 pays seulement (soit 1,8% de l'ensemble de ces pays) plus de 15 greffes pmh.
- En Asie, le Japon, où les greffons sont dans 90% des cas issus du don vivant pour des raisons culturelles connues, n'a réalisé, en 2015, à partir de ce type de don, que 11,75 greffes rénales pmh et si on enlève les 30% réalisées en incompatibilité ABO, ce taux sera de 8,22 greffes pmh. La Corée du Sud a réalisé 24,33 greffes à partir du don vivant pmh en 2017, un pays dont le tiers de cette activité est réalisé en incompatibilité ABO.
En ôtant cette modalité, on sera à 16,2 greffes pmh, sachant que dans ce taux, il y a des greffes réalisées à partir de donneurs non apparentés. Et en 2018, la Chine en a réalisé 1.8 pmh à partir de donneurs vivants, pour une population de 1.39 milliard et l'Inde, en 2019, 5 greffes pmh pour une population de 1.35 milliard.
- Concernant les pays du Moyen-Orient du groupe Mesot (Middle East Society for Organ Transplantation), un document ayant réuni leurs résultats annuels de 2013, ce qui permettait d'atténuer le biais de certains de ces pays qui pratiquent le tourisme de transplantation, a montré que la moyenne de leurs résultats regroupés ne dépassait pas les 11,5 transplantations rénales pmh et dont seulement 8 greffes pmh étaient issues des donneurs vivants.
Finalement, si on tient compte uniquement de cette source de don, «les vivants», et si on ôte le don non apparenté et les transplantations en incompatibilité ABO, ce taux de 7.5 pmh réalisé actuellement chez nous n'est pas loin de la moyenne des greffes de 8,4 pmh des pays de l'UE réunis, celle des pays du Moyen-Orien groupés et celle du Japon et tout en étant très au-dessus de ce que réalise la Chine et l'Inde, deux pays où on peut espérer recruter le plus de donneurs vivants.
Et même si on arrive à atteindre les 12, 13 ou 16,2 pmh (et on y arrivera, parce qu'il en faut) des trois pays très développés sus-cités (USA, Japon, et Corée du Sud), ces ratios restent très loin des 35 greffes pmh.
Or, ces trois pays attribuent l'augmentation des chiffres de cette source de don, notamment ces dernières années, au développement par leurs néphrologues de la greffe en incompatibilité ABO et non pas à la réalisation de cette activité dans les cliniques privées. Trois pays dont les lois de la bioéthique sont scrupuleusement respectées.
L'autre source pour pouvoir atteindre les 1 200 ou 1 400 transplantations rénales/an n'est autre que le prélèvement sur donneur décédé qui, d'ailleurs, reste l'unique espoir pour ceux ne disposant d'aucun donneur vivant ou encore ceux qui attendent un organe vital, des patients condamnés à mourir s'ils ne sont pas greffés dans les quelques mois à venir.
Rendre à nos néphrologues ce qui leur appartient
Et là je tiens à rendre hommage aux néphrologues de nos CHU, sans eux, ce chiffre de 300 greffes, avancé par mon confrère, ne serait jamais atteint, pour les tâches ardues qui leur sont dévolues, entre la préparation et le suivi de ces couples, qui, malgré les difficultés du terrain, continuent à pousser les limites des indications, comme pour les candidats diabétiques, les hyperimmunisés avec des DSA et d'autres cas encore plus compliqués que même nous les chirurgiens et médecins anesthésistes avions du mal au départ à saisir l'intérêt de les faire greffer.
Et malgré ce dévouement de nos néphrologues, il arrive que nos équipes chirurgicales (médecins anesthésistes, réanimateurs et chirurgiens) ne réalisent pas de greffe pendant une à deux semaines, voire plus, souvent par manque de couples suite au manque de donneurs. Et pour pallier cette insuffisance, ces mêmes néphrologues n'hésitent pas à se déplacer dans les zones les plus reculées du pays pour sensibiliser et développer des réseaux avec les médecins en charge de nos malades en dialyse.
Les cas de nos patients qui se font greffer du rein à l'étranger, est-ce par défaut de prise en charge de nos CHU ?
Rapporter l'argument des couples qui partent à l'étranger pour se faire greffer du rein dans le privé, sans pour autant rapporter leur nombre ni évoquer les raisons qui les y poussent, rend cet argument dérisoire.
Il ne s'agit que de quelques couples et la société savante de nos néphrologues (puisque c'est eux qui auront la charge de leur suivi post-greffe), la «Sandt», peut le confirmer.
Ces quelques couples, qui font l'exception, se résument principalement à quatre catégories dont le statut illégal pour certains et l'aisance financière pour d'autres n'autorisent en aucun cas mon confrère à solliciter la Cnas, pour les aider à se faire greffer. Il y a :
- ceux dont les donneurs ne font pas partie du cercle familial autorisé et le seul moyen de contourner notre loi de santé, c'est d'aller se faire greffer dans un autre pays après avoir falsifié des documents, si nécessaire, pour prouver un lien de parenté ;
- ceux qui achètent un rein : soit parce qu'ils n'ont pas de donneur, soit qu'ils s'opposent à ce qu'un de leurs parents s'expose aux risques chirurgicaux du don.
Pour ces deux premières catégories de patients, il est évident que la Cnas ne va pas participer à une prise en charge financière de ces greffes dont le don de rein est illicite.
- Troisième catégorie, certains malades impatients, dont le terrain nécessite plus d'investigations, rendant ainsi le délai de leur bilan pré-greffe plus long et surtout parce qu'ils sont financièrement aisés, préfèrent se faire greffer rapidement à l'étranger dans des cliniques privées qui ne s'encombrent pas de l'exhaustivité de ce bilan.
- Quatrième catégorie, financièrement très aisée, ceux que je compare aux patients européens qui préfèrent aller se soigner aux USA, bien que leur pays leur offre le même type de soins, ceux qui ne font pas confiance au système de santé de leur pays.
Pour ce qui est de ces deux dernières catégories qui disposent, selon mon collègue, d'un milliard et... des centimes, ils n'ont besoin de personne pour se prendre en charge à l'étranger, là où ils souhaitent se faire soigner.
Existe-t-il une forme de commerce d'organes plus tolérable qu'une autre ?
Concernant le commerce d'organes, mon confrère, dans un premier temps, condamne vigoureusement qu'un individu vende son rein à quatre ou à cinq mille dollars pour changer un cadre de vie misérable, ensuite, il dit : «Si on pouvait acheter ce rein à cent mille ou à cinquante mille dollars, à la rigueur, pourquoi pas si l'individu est libre de vendre ses organes, il peut le faire, ça se fait un peu dans certains pays, mais ici on a considéré que ce n'est pas éthique de procéder à la vente de ses organes.» Selon le constat de mon collègue, et là il ne s'agit plus d'une discussion philosophique, l'Algérie, sur le plan éthique, fait exception par rapport à certains pays ; or, aucun Etat de droit au monde ne considère l'«achat» ou la «vente» d'un rein humain comme une pratique éthique, encore plus grave, allant jusqu'à lui calculer une valeur monétaire en dollars «cent mille ou cinquante mille».
Quand on s'adresse au grand public, ces propos, qu'ils soient d'ordre philosophique ou autre, sont porteurs d'idées à la fois dangereuses et alléchantes pour nos jeunes chômeurs, s'ils parviennent à les mettre à exécution, «si on pouvait acheter ce rein à cent mille ou cinquante mille dollars, à la rigueur pourquoi pas, si l'individu est libre de vendre ses organes».
Par ailleurs, ce qui est discuté et préconisé par beaucoup d'Etats, c'est la compensation des donneurs et surtout ses modalités de cette compensation. Une compensation fixée par l'Etat, qui n'a rien à voir avec la vente ou l'achat.
Une compensation dont l'estimation est liée aux pertes financières causées par le don et non à l'estimation de la valeur monétaire d'un organe humain, qu'aucune morale n'accepte et qu'aucune loi n'autorise. D'ailleurs, cette compensation prend plusieurs formes, qui varient selon le type du préjudice financier subi.
Cette compensation est aussi une mesure incitative, pour que les frais médicaux liés à l'acte du don, les éventuelles répercussions sur la continuité de la vie professionnelle, comme des salaires perdus, ou le risque d'un non-suivi médical post-don, ne soient plus un frein aux personnes tentées par le don gratuit d'organes.
Parce qu'il n'existe pas de forme de marchandisation d'organes plus tolérable qu'une autre, je me permets de rappeler au doyen des chirurgiens transplanteurs du rein de ce pays, en tant que directeur de l'ANG, qu'une des principales missions pour lesquelles il a été désigné est celle de la promotion du don gratuit et la condamnation de toute forme de commerce d'organes avec des messages clairs et sans détour, des messages qui mettent en avant cette valeur éthique, humaine et universelle qui fonde avec d'autres la crédibilité de cette institution en tant qu'autorité morale.
Enfin, je n'ai aucun doute quant à la position immuable de mon pays et à l'attachement indéfectible de ses dirigeants envers les valeurs éthiques encadrant cette activité.
Le modèle réussi du travail multidisciplinaire algérois
Lorsque cette activité de greffe rénale sur Alger est évoquée par l'un des journalistes en la qualifiant de très peu, mon collègue confirme cette fausse information en disant : «Pour ne rien cacher, le problème des équipes à Alger, au lieu de travailler, elles passent leur temps à se neutraliser.»
Un constat qui manque à la fois de vérité et d'équité : sur Alger, il y a plusieurs équipes de greffe rénale, dont une majorité travaille durement et régulièrement et l'équipe chirurgicale ayant le bilan le plus élevé en 2019 est une équipe algéroise, qui n'a rien à voir avec le privé.
Le partenariat inter-hospitalo-universitaire entre les équipes des CHU de Parnet et de Beni-Messous pour la néphrologie de transplantation et celles du CNMS pour la chirurgie et réanimation-anesthésie de transplantation, qui dure depuis 2006, est un modèle en matière de travail multidisciplinaire, d'organisation, d'autonomie, de résultats et de pérennité.
Un modèle fondé sur des bases claires où les quatre partenaires sont égaux, les rôles et les responsabilités de chacune des équipes sont clairement déterminés, où aucune de ces trois spécialités ou ses praticiens n'ont le statut de subalternes au service des deux autres spécialités.
Une multidisciplinarité hospitalo-universitaire cadrée par un staff hebdomadaire dédié uniquement à cette activité où la présence des trois spécialités est obligatoire. Un partenariat dont la devise est : compétence, confiance et loyauté.
Dans l'organisation de ce modèle, il n'y avait pas de place au volontariat et au bénévolat durant les week-ends, ni besoin de compensations financières ou de récupérations durant les autres jours ouvrables. Grâce à ce partenariat ont été réalisées 530 greffes rénales adultes dont 60 pédiatriques au niveau du CNMS, soit près de 40% de toutes les greffes rénales effectuées en Algérie. Ce centre reste à ce jour celui qui a le bilan chirurgical le plus élevé, non seulement dans ce pays, mais dans tout le Maghreb.
Cette multidisciplinarité algéroise, sous l'autorité de l'ANG, lors du premier PMO de notre pays réalisé au CHU de Constantine, avait efficacement et largement participé, avec celle des autres hôpitaux universitaires de l'est du pays, aux prélèvements de trois greffons attribués à trois régions différentes (Constantine, Alger et Batna) et à la transplantation de deux greffons, le foie et un rein. Les deux véritables ennemis de cette activité et des autres activités médico-chirurgicales sont le monopole d'antan, celui d'avant 2006 et le conflit de leadership qui résiste encore à l'état résiduel, ce sont ces maux qui doivent être plus que neutralisés.
Ce qui m'oblige à rendre hommage aux initiateurs de ce partenariat structurant pour nos équipes pluridisciplinaires, les Prs A. Bertal, M. Benabadji, A. Zerhouni et J. Cinqualbre, qui ont été rejoints, environ une année après, par le Pr. F. Hadoum.
Ces quatre visionnaires, qui, avant de partir à la retraite avec une conscience tranquille, avaient érigé ce partenariat en modèle structurant, en lui apportant les quatre pierres angulaires qui lui sont nécessaires, celles :
Des normes de lieu et d'organisation, qui ont donné à cette activité une place parmi toutes les autres activités réglées et programmées, sans aucune forme de favoritisme par rapport aux autres activités voisines de nos CHU ;
de la formation, notamment celle des chirurgiens, une formation assurée dans des services universitaires où le rythme de cette activité est très soutenu, évitant ainsi des durées de formation trop longues injustifiées, voire contre-productives ;
de l'accompagnement par une équipe multidisciplinaire qui a fait que la courbe d'apprentissage soit courte et qu'une entière autonomie des équipes concernées soit acquise au bout d'une année et demie d'accompagnement ;
et celle de la succession : ayant évité à leurs dignes successeurs le conflit de leadership et ses effets dévastateurs.
Les chirurgiens de ce centre
Enfin, j'ai aussi l'obligation morale envers mes deux anciens chefs de service et aînés A. Bertalet J. Cinqualbre, pour qui le savoir-faire a toujours prévalu sur le faire-savoir, de rectifier celui qui prétend avoir formé tous les chirurgiens greffeurs du rein de l'Algérie : aucun des huit chirurgiens vasculaires du CNMS pratiquant cette activité ne l'a vu un jour faire une greffe rénale, ni lui ni un de ses élèves comme il préfère les désigner et à cet effet, je me permets de lui rappeler deux certitudes parmi tant d'autres :
- Quand on a commencé la greffe au CNMS, on ne faisait pas la même technique, aussi bien chez le receveur concernant le montage artériel et l'anastomose urinaire que chez le donneur à propos de la voie d'abord.
- Les compétences des chirurgiens vasculaires du CNMS dépassent celles de la greffe rénale, pour s'étendre non seulement au prélèvement multi-organes sur donneurs décédés (PMO) mais aussi à la greffe hépatique et à celle du pancréas.
Faut-il encore rappeler, 35 ans après la réalisation de la première greffe rénale, que :
- La transplantation d'organes est avant tout une discipline avec des normes reconnues, une activité (don et greffe) régie et surtout protégée par des lois de la bioéthique ;
- le commerce d'organes, quelle que soit sa forme, est un crime portant atteinte à la personne humaine et à sa dignité ;
- autoriser la réalisation de la greffe rénale dans les cliniques chirurgicales privées, outre les craintes légitimes, justifiées et réelles que cela suscite, ne fait que basculer une partie des patients disposant d'un donneur du secteur public vers celui du privé, sans pour autant contribuer à une quelconque solution pour les patients ne disposant d'aucun donneur.
- Les vraies solutions, dont les lignes directrices ont été apportées dans notre nouvelle loi de santé, sont : puiser dans les autres formes de don à partir des vivants, idéalement le don croisé et à défaut celui en incompatibilité ABO (le coût et un risque de morbimortalité plus élevés durant la première année) et surtout développer et associer à cette source de don celle des donneurs décédés.
Et avant de terminer, à propos des deux pays cités comme exemple et les filières de leurs cliniques privées, je rapporte ce passage du Pr. J. Cinqualbre, président honorifique de la Société algérienne de transplantation d'organes, la Sato, dans son livre Greffe d'organes, un des pionniers de la transplantation multi-organes en France, un ouvrage de 2004, préfacé par le père de la transplantation moderne T. E. Starzl :
«... de nouveaux centres de greffe à donneurs ‘'rémunérés'' fleurissent en Turquie, en Jordanie ou en Irak, avec un approvisionnement moldave pour servir une clientèle solvable, qui veut se soustraire à la sujétion de la machine à dialyse... et les receveurs viennent de partout, y compris d'Europe et de plusieurs Etats du Moyen-Orient. Il faut y voir l'expression de la convergence de la pauvreté des uns, de la rareté des greffons pour d'autres et de l'appât du gain pour ceux qui profitent de ces situations de handicap.»
R. Y.
(*) Chirurgien hospitalo-universitaire. Maître de conférences «A», Faculté de médecine d'Alger.
email : [email protected]
1) https://www.facebook.com/10968 3913775050/videos/570670953592237/


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