L'ampleur que prend la protestation dans le secteur de l'éducation nationale a incité la tutelle à ouvrir la voie du dialogue, appelant les partenaires sociaux à une série de rencontres dès lundi prochain. Si cette tentative est perçue comme une volonté d'apaiser les tensions grandissantes chez le personnel de l'éducation, les parties invitées au débat ne l'entendent pas de la même oreille. Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - La démarche du ministre de l'Education nationale d'engager des rencontres avec les syndicats du secteur qui sont au nombre de 27 a suscité des réactions immédiates des parties concernées. Peu enthousiastes, les représentants de la majorité des organisations syndicales y voient une énième ruse de la tutelle dont le but, disent-ils, n'est aucunement la satisfaction des revendications du personnel en colère, mais plutôt une tentative de « gagner du temps » et par conséquent faire traîner davantage la situation. Nombreux sont les syndicalistes qui expriment leur perplexité vis-à-vis de « cet appel au dialogue », cela est notamment le cas du coordinateur du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), Zoubir Rouina, qui estime que cet appel du ministère n'est pas tellement différent du précédent. Dans la mesure où « ce n'est pas la première fois que les points liés au pouvoir d'achat ainsi qu'à la retraite proportionnelle auront été traités par la tutelle », explique-t-il. Le problème qui se pose est que les responsables du secteur s'inscrivent dans la même logique que celle du passé. « Il faut savoir que ces dossiers ont fait l'objet d'études et de débats par les services de Benghabrit avant d'être mis dans les tiroirs pendant une période de trois ans », rappelle-t-il, en refusant que ce scénario se reproduise. Le syndicaliste dit ne plus vouloir perdre de temps, estimant par conséquent que « les rencontres qui ne débouchent que sur des garanties verbales ne serviraient pas à grand-chose », si ce n'est, dit-il, à exacerber la colère « des travailleurs du secteur ». Zoubir Rouina a d'ailleurs même fait part de la possibilité de boycotter cette rencontre. « On statuera toutefois sur la décision après la réunion du bureau national du CLA », a-t-il souligné. Les principales doléances portées par l'ensemble des syndicats et du mouvement de protestation des enseignants né à Oran tournent autour de l'amélioration du pouvoir d'achat et le retour à la retraite proportionnelle. Pour les représentants du mouvement de grève enclenché depuis plusieurs semaines dans les wilayas de l'Ouest avant de s'étendre dans le pays, l'appel « à un dialogue de façade ne résoudra pas les problèmes qui minent le secteur et son personnel ». L'un des enseignants grévistes et adhérent au même mouvement va jusqu'à accuser la tutelle de vouloir « casser et saboter cette dynamique de protestation ». Allant dans ce sens, le président du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef) Boualem Amoura doute de la bonne volonté du ministère de l'Education nationale. Il juge que ce n'est pas normal d'appeler les syndicats qui sont très nombreux à des rencontres individuelles, alors que la situation exige des solutions urgentes. Il signale que pour le Satef, par exemple, « la date de la rencontre est fixée au 27 mai prochain ». Chose qui pousse le président du Satef à penser qu'il s'agit d'une « tentative insidieuse dont l'objectif est de gagner du temps ». En sachant que la fin mai marquera déjà la fin de l'année. « Cela remettra à jour, encore une fois, la prise en charge de nos revendications », explique-t-il. Ainsi, comme le CLA, le Satef peut éventuellement ne pas répondre à l'invitation de la tutelle, estimant que « c'est une perte de temps ». D'autant plus que certaines doléances à l'image du pouvoir d'achat ne relèvent pas des prérogatives du département de l'éducation. Si le sentiment de méfiance à l'égard de la démarche du ministère prime chez les membres de nombreuses organisations syndicales, quelques-unes se disent au contraire prêtes à aller au dialogue dans l'espoir d'arracher des acquis. « On ne perd rien, nous irons rencontrer le ministre et c'est seulement là que nous verrons si oui, l'échange débouchera sur des solutions adaptées », dira l'un des représentants de l'Union nationale du personnel de l'éducation et de la formation (Unpef). Selon lui, rejeter l'option du dialogue n'est pas la meilleure posture à adopter si l'on veut sortir de cette crise. Pour l'heure, les syndicats semblent partagés quant au boycott des réunions tutelle-syndicats prévues à partir de lundi prochain. Ce qui est certain, en revanche, c'est que les contestataires doutent sérieusement de la bonne foi des autorités quant à répondre favorablement et concrètement aux préoccupations des corps du secteur. Ils promettent, par ailleurs, de se pencher cette semaine sur l'option de durcir la contestation. M. Z.