Si beaucoup n'ont d'yeux que pour le pétrole, ce qui se comprend aisément, le gaz naturel n'en constitue pas moins un centre d'intérêt majeur pour de nombreux spécialistes des questions liées à l'énergie en général et aux hydrocarbures en particulier, en ces temps marqués par la remontée spectaculaire des prix depuis quelque temps déjà, du pétrole comme du gaz. Une remontée inespérée à la fin de la très singulière année 2020, qui avait vu les prix du gaz naturel s'affaisser, à l'instar de ceux du pétrole, par la faute de la pandémie de coronavirus. L'évolution des cours, à partir de la fin de l'année dernière, sur les marchés mondiaux du gaz, est principalement due à la vague de froid ayant touché l'Asie d'où une forte demande en gaz qui émanait jusqu'à pratiquement la fin du mois de mars. C'est, en effet, en avril dernier que les prix du gaz ont offert quelque répit aux consommateurs, mais juste pour quelques semaines puisque, en mai, une nouvelle hausse est venue perturber le marché, causée par une forte demande en Chine et en Inde, d'une part, et d'autre part, des niveaux de stockage, en Europe notamment, plus faibles que d'habitude au printemps, saison marquée par des températures en dessous des normes de saison. Des perturbations du marché qui ont, en tous les cas, fait flamber les factures de gaz des consommateurs en mai et en juin dans de nombreux pays d'Europe. Si l'on doit se fier à plusieurs analyses de marché, il est à s'attendre que la nouvelle hausse entamée en mai se confirme en ce mois de juillet pour atteindre 9,96% pour le prix à la consommation du kWh par rapport au mois de mai en France. La reprise de l'activité post-Covid a entraîné une hausse des prix du gaz de 7,8% sur les marchés mondiaux. En fait, les cours n'ont pas été aussi hauts depuis 2008, portés par les conséquences d'un hiver long et la demande chinoise, cette fois, et en conséquence, les prix du gaz en Europe ont dépassé les 30 euros du mégawattheure sur le marché de gros de référence aux Pays-Bas. Les compagnies européennes n'ont jamais autant tiré sur les stocks pour répondre à la demande de chauffage. Il devient donc impératif d'accroître les stocks dans la perspective de l'hiver prochain. De quoi booster encore la demande au même moment où la consommation est toujours aussi élevée en Asie, soutenue par la reprise de l'activité économique, notamment en Chine. Et puis, il y a le rôle que joue la Russie sur le marché, elle qui assure à 40% l'approvisionnement de la très consommatrice Europe. « L'évolution de l'approvisionnement européen et les tendances des prix dépendront fortement de la stratégie commerciale de Gazprom », soutenait l'Institut français du pétrole, la semaine dernière. La compagnie russe dont les recettes ont gonflé ces derniers temps, après avoir réduit le flux de ses livraisons transitant par l'Ukraine en direction de l'Europe, et ce, en attendant l'automne pour la mise en service de son gazoduc Nord Stream 2, auquel les Américains ne s'opposent plus. Une situation qui, bien entendu, fait les affaires des pays producteurs qui ont tant souffert de la chute des prix du gaz déjà bien avant que survienne la crise sanitaire. Ainsi, l'Algérie qui, de plus, éprouvait des difficultés de production, a de quoi espérer des jours meilleurs pour son gaz. D'autant que l'effort fourni durant les cinq premiers mois de cette année a permis à Sonatrach, selon son P-dg, d'augmenter sa production d'hydrocarbures de 4%, et 66% de cette augmentation a été enregistrée dans le gaz naturel. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, il est maintenant à s'attendre que le «problème» que posait jusqu'à il y a quelques jours le renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe avec la partie marocaine soit résolu, nos voisins de l'Ouest ayant apparemment décidé de mettre de l'eau dans leur vin. Selon une publication locale, très bien informée sur des questions stratégiques pour le Makhzen, il est fait état de la disponibilité des autorités marocaines à renouveler ledit contrat. En fait, nos voisins se seraient rendus à l'évidence qu'ils ont beaucoup à perdre si d'aventure ils décident de ne pas renouveler le contrat pour le gazoduc Maghreb-Europe. Déjà, cela n'empêchera pas l'approvisionnement de l'Espagne en gaz naturel algérien, le gazoduc Medgaz, propriété de Sonatrach et de l'ibérique Naturgy, étant «prêt à l'emploi». Et puis c'est le Maroc qui devra se débrouiller pour acheter son gaz à un moment où les prix flambent, le prix du gaz étant indexé sur celui du baril de Brent. Azedine Maktour