Angoissé par le nombre impressionnant de dossiers de corruption dans lesquels il est poursuivi, l'ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a crié fort sa colère ce jeudi au tribunal de Sidi-M'hamed qui l'a auditionné à nouveau. «Cela doit s'arrêter», a-t-il lancé, dépité. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Au deuxième jour du procès des propriétaires du groupe Amenhyd, spécialisé dans l'hydraulique, les frères Chelghoum, l'ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal n'a pas caché sa colère quant à la multiplication des dossiers de corruption dans lesquels il est poursuivi et sa présentation à chaque fois devant les juges. Il a surtout insisté sur la nature « politique » de sa fonction qui ne devait pas le mener en prison, expliquant qu'il n'y a aucun pays au monde où un Premier ministre est en détention. « Je ne sais pas ce que je fais ici. Cela doit s'arrêter », a-t-il crié, expliquant que sa fonction était politique et que les prérogatives du gouvernement étaient souveraines. Dans cette nouvelle affaire, Sellal est poursuivi pour abus de fonction, dilapidation de deniers publics et attribution illégale de marché au groupe Amenhyd. Il concerne un projet d'alimentation en eau potable de plusieurs communes des wilayas de Bouira et de Bordj-Bou-Arréridj. Le marché a été attribué en 2014, suite à une visite du ministre des Ressources en eau de l'époque, Hocine Necib, de gré à gré à un groupement d'entreprises, à savoir Amenhyd 60% et l'entreprise publique Foremhyd 40%. Pourquoi le marché a-t-il donc été accordé selon la formule de gré à gré ? À cette question, l'ancien Premier ministre a évoqué le caractère « urgent » du projet, justifiant son attribution au groupement public-privé par les prix demandés par les deux sociétés et les délais raisonnables qu'il a soumis. Auditionné dans le même cadre, l'ancien ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, a réfuté toutes les accusations à son encontre, affirmant que le marché a été attribué au groupement des deux entreprises sur décision du gouvernement. Il a toutefois affirmé qu'il n'a donné aucune instruction pour adopter la formule de gré à gré, tout en expliquant que le projet était urgent et qu'un avis d'appel d'offres prendrait au minimum 18 mois. «Le DG de l'ADE m'avait envoyé une correspondance pour me demander de privilégier le gré à gré, en me recommandant Amenhyd et l'entreprise publique Foremhyd. J'avais transmis au gouvernement qui avait pris, par la suite, sa décision », a-t-il souligné, ajoutant que le montant proposé par le groupement n'était pas exagéré puisque c'est les prix appliqués en 2012 qui étaient demandés pour ceux attribués en 2014. Lors de son audition, l'ancien DG de l'ADE, A. A. M. qui a comparu en liberté, s'est défendu contre toute dilapidation de deniers publics, affirmant que, par contre, le Trésor public était gagnant « puisque le projet accordé en 2014 est fait sur la base des prix de 2012 qui étaient plus bas». Il a rappelé que l'étude du projet a été réalisée en 2012 et qu'il était arrivé à la tête de l'ADE en janvier 2014. Le projet a été scindé en deux lots : le premier concerne 5 communes de Bouira et le deuxième 5 communes de Bordj-Bou-Arréridj. «Le maître de projet était l'Etat à travers le ministère des Ressources en eau. Lors d'une visite de travail en 2014 à Bouira, l'ancien ministre des Ressources en eau a demandé d'accélérer la passation du marché de gré à gré vu l'urgence du projet. J'avais fait une demande dans ce sens pour demander une autorisation du gré à gré conforme au code des marchés publics. Le projet avait un caractère urgent et c'était un groupement national public-privé qui a été choisi », a-t-il expliqué, insistant sur les compétences de l'entreprise privée et le fait que son matériel était sur place. Ce n'est que tard dans la soirée de jeudi que les auditions des accusés ont pris fin. Le procès reprendra demain avec le réquisitoire du procureur et de la République et les plaidoiries des avocats de la défense. K. A.