Par Ahmed Halli [email protected] Les Occidentaux ont finalement d�clench� des frappes a�riennes contre le clan Kadhafi, apr�s des semaines d'atermoiements et de tergiversations. Ce qui a donn� tout le temps au dictateur pour reprendre du terrain, et faire le maximum de victimes, ainsi que des d�g�ts qu'il faudra bien r�parer. Il faudra bien reconstruire tout �a un jour prochain, et ceux qui ont profit� de Kadhafi se feront de nouveaux amis, � moins qu'ils ne les aient d�j� et qu'ils s'appr�tent � les installer. Cela rappelle �trangement l'Irak, avec de l�g�res variantes, comme le fait que la France, nagu�re en retrait, se retrouve en premi�re ligne en Libye. La d�cision et le moment d'intervenir ayant �t� arr�t�s depuis longtemps, il s'agissait juste d'organiser un simulacre de conf�rence d�cisive � Paris. �a consistait surtout � tester la volont� des pays arabes, soup�onn�s pour certains de versatilit�, d'en finir avec Kadhafi et d'obtenir leur participation m�me symbolique � la coalition. Bush a d�j� fait mieux, et plus, en la mati�re, car il avait affaire � plus forte partie : le Saddam au petit pied qui s'accroche � Tripoli n'a rien � voir avec l'ancien tyran de Bagdad. Les m�mes causes ne produisent pas n�cessairement les m�mes effets et n'engagent pas des pointures identiques. Encore une fois, les puissances occidentales, �tats-Unis en t�te, d�montrent qu'elles peuvent faire ce qu'elles veulent, o� elles veulent, et au moment qu'elles choisissent. Sarkozy a enfin l'occasion de d�montrer que ses avions Rafale, dont personne ne veut, sont utiles contre des cohortes tribales en rase campagne. Le pr�sident fran�ais pourra m�me en vendre quelques-uns de plus au Qatar qui s'est retrouv�, mine de rien, au sein de la coalition militaire et intronis� leader arabe des ��radicateurs� du syst�me Kadhafi. On ne sait pas encore de quelle mani�re le Qatar va apporter son b�ton aux frappes a�riennes, mais on peut se demander pourquoi intervenir dans les airs, alors qu'on est d�j� pr�sent au sol. L'�mirat entretient, de fait, sur le sol libyen une force d'intervention redoutable et �tonnante d'efficacit�, la cha�ne Al- Jazeera, en l'occurrence. Pour ce qui est pr�cis�ment de la Libye, �Al-Jazeera fait la r�volution� serait plus seyant que �le peuple libyen fait la r�volution�. La cha�ne satellitaire du Qatar a redoubl� d'efforts et de moyens pour entretenir la flamme autour des insurg�s. Il ne manquait, � Benghazi, que la pr�sence galvanisante de Karadhaoui qui a toutefois charg� l'un de ses adjoints de dispenser aux Libyens le r�confort de la religion. Rendons gr�ce � Al-Jazeera, la �Che Guevara� des cha�nes satellitaires islamistes, qui nous a appris au fil des jours qu'il y avait des �musulmans engag�s� � Benghazi. Al- Jazeera qui nous fait de tr�s gros plans sur la plus petite pancarte brandie par des manifestants � Amman et proclamant : �Le peuple veut que l'islam soit appliqu�.� Ce qui ne veut pas dire que la cha�ne et ses commanditaires ne seraient pas pr�ts � changer leur fusil d'�paule, au cas o�. Oui, il ne faut pas sous-estimer le Qatar et son arme fatale, Al-Jazeera, la cha�ne d'images qui va finir m�me par supplanter le �Qat� qui fait planer les Y�m�nites. Le Qatar et sa cha�ne, c'est l'enrobage qui fait avaler aux Arabes l'amertume des pilules am�ricaines. Avec sa cha�ne, le Qatar va finir par r�duire l'Arabie saoudite au r�le de comparse, et il ne serait pas �tonnant de voir le peuple saoudien faire bient�t sa r�volution, film�e en direct par Al-Jazeera. Conscient du danger, le roi Abdallah, � l'instar des autres monarques d'extraction r�publicaine, multiplie les gestes de bonne volont�. Ce qui se traduit par des d�cisions �sonnantes et tr�buchantes�, comme dirait un banquier suisse � ses clients alg�riens. De l'argent, il en faut, en effet, pour emp�cher le poil de Muawya de rompre au d�triment de son manipulateur. Ainsi, le ch�meur saoudien percevra chaque mois une allocation de 2000 rials, ce qui fait environ 375 euros. Au taux de change actuel, c'est une somme qui ferait le bonheur de n'importe quel �hittiste� ou retrait� de Bab-el-Oued, victimes principales des fuites dans le syst�me de redistribution de la rente. Cependant, � l'aune du train de vie des membres de la famille royale, c'est une aum�ne d�risoire qui ne vaudra pas un rial au jugement dernier. On appr�ciera mieux l'indigence de cette pension en la comparant au salaire moyen per�u en Arabie saoudite. Selon les statistiques disponibles sur le Net, le salaire moyen serait de 12 000 rials, pour les hommes et de 4 000 rials pour les femmes. Ce qui veut dire que pour toucher ce salaire de r�f�rence, un Saoudien ch�meur et polygame devrait faire travailler ses trois femmes. C'est le lieu de rappeler que les in�galit�s hommes-femmes en mati�re de salaires existent aussi en Occident, sauf qu'en Occident la Charia n'est pas appliqu�e aux femmes, notamment en mati�re d'h�ritage. Comme vous l'avez sans doute remarqu�, pendant ce temps, il ne se passe jamais rien au Qatar, on n'entend m�me pas le clapotis de vagues autour de ce porte-avion g�ant. C'est d�sesp�rant de voir un tel �lot de prosp�rit� alors que la Libye est � feu et � sang. D'ailleurs, Kadhafi ne serait pas la cible principale de Washington, et d�j� se profile l'intervention contre la Syrie. Du moins, le perspicace r�dacteur en chef du quotidien Al-Qudsy croit dur comme faire. Il affirme dans un �ditorial aux accents alarmistes que la Libye n'est qu'un terrain de man�uvres pour une future exp�dition militaire contre la Syrie. Avec un peu moins d'antipathie pour le r�gime de Damas, on serait presque tent� de lui donner raison, pour une fois. En tout cas, il est certain qu'Isra�l profite pleinement du d�sordre arabe actuel, m�me s'il est annonciateur de bouleversements majeurs et salvateurs. Personne ne fait attention aux p�tards mouill�s tir�s par le Hamas contre les colonies isra�liennes, et encore moins � la riposte meurtri�re et destructrice des Isra�liens. Choisir un moment pareil pour provoquer une riposte isra�lienne, c'est faire preuve de c�cit� ou �tre simplement manipul� par le camp d'en face. Et comme toujours, c'est la deuxi�me hypoth�se qui emporte ma conviction. Il ne serait pas �tonnant que le Hezbollah libanais mette � son tour � titiller la face nord d'Isra�l et � agiter le chiffon rouge. Curieuse attitude que celle du parti inf�od� � l'Iran : il y a tr�s longtemps qu'il n'a pas tir� un seul coup de feu, il n'a pas lib�r� le moindre m�tre carr� de Palestine, mais il garde ses armes point�es sur ses adversaires politiques au Liban. Comble de duplicit�, T�h�ran qui a mis pratiquement le Liban sous sa tutelle accuse l'Arabie saoudite d'ing�rence dans les affaires d'un autre pays arabe, le Bahre�n. Ce r�gime despotique et r�pressif pousse m�me le culot jusqu'� demander aux autorit�s de l'�mirat de ne pas user de violence envers les manifestants. Ces derniers sont chiites, �videmment, et ils r�clament, � juste titre, plus de droits et de libert�s. Mais la �solidarit� iranienne est dict�e par des consid�rations purement religieuses, comme tout ce qui se fait dans cette r�gion. Il fallait bien qu'un jour le fondamentalisme sunnite dominant se heurte � un fondamentalisme chiite ambitieux et conqu�rant. Qui s�me le vent�