Par Mohamed Lemkami, auteur du livre Les hommes de l�ombre. Le Quotidien d�Oran ayant �voqu�, tout r�cemment, un appel lanc� aux membres de l�Association nationale des moudjahidine du MALG � l�effet d�apporter leur contribution aux r�formes projet�es par les instances politiques du pays, j�en profite pour participer, selon ma modeste exp�rience, � ce d�bat. Je ne peux qu�exprimer, tout d�abord, ma conviction que ces moudjahidine sollicit�s apporteront, sans doute, des apports pertinents, inspir�s par le seul souci de servir l�int�r�t sup�rieur de l�Alg�rie, celui-l� m�me qui a guid� leur trajectoire dans les rangs de la R�volution. De nombreux dirigeants historiques, encore de ce monde, peuvent, cependant, mieux que nous tous, livrer les pr�cieux enseignements qu�ils ont pu tirer d�une longue vie de militantisme et d�exercice des responsabilit�s. Mohand Sa�d Ma�zouzi, R�dha Malek et Abdelhamid Mehri, pour ne citer que ceux-l�, connaissent bien la soci�t� alg�rienne au sein de laquelle ils ont v�cu et continuent de vivre. Ils peuvent, sans doute, contribuer � �lever le niveau du d�bat et � enrichir son contenu. J�ai lu et relu, � cet �gard, la lettre rendue publique par Abdelhamid Mehri dont j�approuve, parfaitement, l�esprit et comprends, pleinement, la substance. Cette lettre analyse, objectivement, les r�alit�s nationales du pays qu�elle d�crypte, en termes simples et clairs, accessibles � tous les Alg�riens. Je n�ai pas la pr�tention de pouvoir livrer une meilleure compr�hension de la situation nationale que celle que propose Abdelhamid Mehri. Je rel�ve, seulement, qu�il ressort de sa lettre, en filigrane, deux constats majeurs : - Ce sont les pratiques d�voy�es qui nous ont �loign�s du message du 1er Novembre 1954 qui sont � l�origine de la crise profonde que traverse le pays, une crise ouverte, en r�alit�, depuis la guerre de Lib�ration nationale ; - Le peuple alg�rien a endur� tant d��preuves violentes qu�il faut tout essayer pour que la transition politique � venir � in�luctable en tout �tat de cause � se d�roule pacifiquement. Je dois souligner, dans le m�me esprit d�apaisement, qu�il faut renouer avec la symbiose unitaire qui avait impr�gn� le cours de la R�volution alg�rienne. Une symbiose qui avait permis le brassage, dans le feu du combat, de toutes les composantes de la soci�t� alg�rienne, sans diff�rence d�appartenance politique, sociale ou r�gionale, avait forg� l�unit� ind�fectible de la nation alg�rienne. Faut-il rappeler, � ce propos, que ce sont de jeunes Alg�riens et Alg�riennes, � peine arriv�s � la fleur de l��ge, issus de toutes les couches sociales et de toutes les r�gions qui ont constitu� la s�ve vivifiante du FLN et de l�ALN ? Peut-�tre, est-il n�cessaire de pr�ciser que l��lite intellectuelle qui avait jou�, alors, un r�le inestimable dans le succ�s de la guerre de Lib�ration nationale avait constitu�, sans �quivoque, l�ossature du MALG sous la responsabilit� du regrett� Abdelhafidh Boussouf. Abdelhafidh Boussouf lequel, selon le t�moignage de son coll�gue au GPRA, Abdelhamid Mehri : �C�est, lui disait-il, � rechercher des collaborateurs plus instruits et plus cultiv�s que moi, pour en tirer avantage au profit de la R�volution, que je m�attelle, pas � m�entourer de personnes moins instruites ou moins cultiv�es !� Soucieux de demeurer fid�le � ce message d�humilit�, je me permets de d�velopper les points suivants d�une contribution que j�entends bien sans pr�tention : 1- Le pays est en panne de visibilit�, l�administration est gagn�e par l�incomp�tence et la corruption se d�veloppe � une vitesse exponentielle. C�est l� le lot pour tous les pays qui tournent le dos � la jeunesse et aux �lites. L�Etat alg�rien est malade, c�est une �vidence. Toute r�forme s�rieuse doit commencer par le haut car, comme le dit si bien le proverbe, �le goulot de la bouteille se trouve toujours en haut�. Si personne, en particulier, n�est vis� par l��nonc� de cette maxime, il est clair, cependant, que le constat est limpide ; pas d�avenir radieux pour l�Alg�rie tant que la jeunesse sera m�pris�e et les �lites marginalis�es. La consid�ration pour la jeunesse et la r�habilitation de l�intelligence constituent, par cons�quent, un passage incontournable pour toutes les r�formes envisag�es. 2- Dans le m�me ordre d�id�es, les �lus locaux, � l��chelon de la commune comme de la wilaya, doivent, d�sormais, provenir de l��lite nationale, parmi les dipl�m�s universitaires, disponibles � profusion. Le crit�re de comp�tence doit �tre remis � l�honneur et combattues, sans rel�che, les pratiques mercantiles qui consistent en l�achat par des personnes fortun�es de postes �lectifs sur les listes de scrutins locaux, l�gislatifs et m�me pr�sidentiel. La comp�tence et la moralit�, en aucune mani�re la fortune mat�rielle, doivent constituer les seuls crit�res exclusifs pour le choix des candidats aux postes �lectifs. 3- Intimement associ� � cette exigence, il faut affirmer, haut et fort, le principe selon lequel que l�avenir de l�Alg�rie ne pourrait se construire au d�triment de la femme alg�rienne. La R�volution alg�rienne qui a lib�r� la femme dans notre pays du joug de l�asservissement lui a permis de contribuer, avec la sueur et le sang, � la lib�ration de la patrie. Un pays, tout comme l�oiseau, ne peut voler que par ses deux ailes. La m�re des r�formes n�est-elle pas de permettre au peuple alg�rien de se r�approprier sa dignit� ? Une d�marche qui passe, indiscutablement, par la restitution � la femme alg�rienne de sa dignit� et de son statut l�gitime. 3- Dans les pays ins�r�s dans un processus d�unification europ�enne, la r�gionalisation constitue un choix de d�veloppement strat�gique qui a donn� des r�sultats probants sans comporter un risque essentiel pour l�int�grit� territoriale des pays concern�s. Pourquoi imaginer, stupidement, que le peuple alg�rien est immature pour des formes modernes de pratique d�mocratique ? Avec pareil raisonnement, nous serions encore sous domination coloniale ! Le temps n�est-il pas venu o�, sereinement, sans r�miniscence tribale, sur la base d��valuation rationnelle, certaines wilayas pourraient �tre regroup�es sous forme de r�gions ou de provinces avec des dirigeants �lus au suffrage universel ? 4- L�Islam, ce legs culturel enracin� dans les entrailles de la soci�t� par des pratiques ancestrales, elles-m�mes p�tries par l�histoire mill�naire de l�Alg�rie, n�a gu�re besoin d��tre fig� dans un article 2 constitutionnel. Sans vouloir para�tre provocateur, je m�interroge, honn�tement, si cet article n�a pas, plut�t, servi de pr�texte � des pr�dicateurs ind�licats qui ont voulu importer des mod�les th�ologiques sans rapport avec les r�alit�s propres de l�Alg�rie arabe, amazighe et musulmane ? Il est entendu que notre identit� religieuse ne tient pas � son �nonc� dans un texte de loi, ce texte f�t-il la Constitution. 5- Ceux de ma g�n�ration ont, certainement, accompli leur devoir en assumant des responsabilit�s historiques durant la guerre de Lib�ration nationale et accompli des missions exaltantes au cours de la premi�re phase de l��dification nationale. Faisons confiance, � pr�sent, � nos jeunes comme nous qui avions b�n�fici� de la confiance de chefs � peine plus �g�s que nous. Le temps est arriv� pour nous de laisser la place � nos cadets, c�est le meilleur service que nous puissions rendre � notre pays.