Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] O� va l�Egypte de l�apr�s- Moubarak ? Incertitude politique et �conomie dans le rouge : les Egyptiens sont inquiets. On entre dans le sixi�me mois de la �r�volution du 25 janvier� et la situation politique est toujours confuse. C�est un coll�gue politologue �gyptien qui me rappelait : �On sait ce que l�on a cass� mais en ne sait toujours pas ce que l�on va construire � sa place, ni comment s�y prendre !� Allant plus loin, la jeunesse �gyptienne est sans retenue : �Notre r�volution s�effondre !� peut-on lire sur la page du r�seau social Facebook qui appelle � participer � la �2e r�volution de la col�re� le 8 juillet 2011. On en veut � l�arm�e et � son �conseil supr�me des forces arm�es� qui chercherait � gagner du temps et aurait oubli� ce pourquoi le peuple �gyptien s�est soulev�. L�arm�e semble vouloir continuer � gouverner selon les m�mes m�thodes du syst�me Moubarak : r�pression, iniquit� dans la justice rendue, non-respect des droits et des libert�s. La jeunesse �gyptienne soup�onne l�arm�e de vouloir g�rer une transition � la faveur de la continuit� du syst�me. Les analystes politiques vont m�me plus loin et avancent l�hypoth�se selon laquelle l�arm�e �gyptienne travaillerait, avec l�accord des USA et l�appui de l�Arabie saoudite, � la r�alisation d�un sc�nario � la pakistanaise qui consisterait pour elle � rester aux commandes mais d�l�guant le pouvoir aux religieux. L�ex-secr�taire g�n�ral de la Ligue arabe, dont le mandat vient d�arriver � son terme, Amr Moussa, fera, � n�en pas douter, un excellent candidat � l��lection pr�sidentielle aussi bien pour le Conseil supr�me des forces arm�es que pour les Etats-Unis d�Am�rique. L�hypoth�se n�est pas du tout saugrenue ni irr�aliste. La soci�t� turque aussi fonctionne bien avec un parti religieux au pouvoir et une puissante arm�e qui veille au grain mais ici les grands principes de la d�mocratie repr�sentative sont respect�s et la gouvernance �conomique est jusqu�� pr�sent bien performante. En Egypte, les diff�rents sondages r�alis�s sur les l�gislatives pr�vues pour septembre 2011 donnent une large victoire des Fr�res musulmans qui, par l�interm�diaire de leur nouveau parti l�galis�, le Parti de la libert� et de la justice PLJ, remporteraient la majorit� des si�ges dans le futur Parlement. Ce nouveau parti (le PLJ) compterait 8 000 membres fondateurs dont 80% viennent de la confr�rie des Fr�res musulmans. Un sondage r�alis� par le �Pew Research Central� durant la p�riode du 24 mars au 7 avril 2011 r�v�le que 75% des Egyptiens ont une opinion favorable ou tr�s favorable des Fr�res musulmans. Et, fait int�ressant � relever, Hilary Clinton a expliqu� lors d�un point de presse tenu r�cemment � Budapest qu��avec le changement politique en Egypte, il est dans l�int�r�t des Etats- Unis de dialoguer avec toutes les parties se montrant pacifiques et non violentes �. Et elle a pr�cis� : �Les Etats- Unis continuent leur approche de contacts limit�s� avec les Fr�res musulmans. Et ce mercredi au Caire, Wiliam Burns, un de ses proches collaborateurs, a invit� les autorit�s �gyptiennes � conduire �un processus politique ouvert et qui rassemble�. Les Fr�res musulmans, s�rs de leur position favorable sur l��chiquier politique �gyptien, ont d�ailleurs rejet� fermement l�id�e, �voqu�e par le Premier ministre, d�un �ventuel report des �lections l�gislatives. Mais, pr�cise le PLJ, il ne pr�sentera pas de candidat � l��lection pr�sidentielle. Enfin, et pour terminer le tableau, les Fr�res musulmans soutiennent ouvertement le gouvernement militaire, d�non�ant les derni�res protestations de la rue et attaquant les �la�cs et communistes� pour les avoir organis�es. �Notre �conomie est en danger� Sur le plan �conomique, la situation n�est pas plus rassurante. La croissance �conomique en 2011 ne sera que de 1% si l�on en croit le FMI contre 6% pr�vus. Les exportations vont baisser de 40% et le taux de fonctionnement de l��conomie ne sera que de 50%. Le secteur du tourisme, secteur crucial pour l��conomie �gyptienne, a enregistr� d�j�, depuis le soul�vement populaire des pertes de recettes de 2,27 milliards de dollars. (Le tourisme a rapport� en 2010 des recettes de 13 milliards de dollars pour 15 millions de visiteurs, un record !). Enfin, les gr�ves pour hausse des salaires ont d�j� fait perdre � l��conomie 1,1 milliard de dollars. Dans le domaine des d�penses publiques, la hausse de 15% des salaires des fonctionnaires et des pensions promise par Moubarak va co�ter 750 millions d�euros et les r�parations des d�g�ts occasionn�s par les manifestations et les �meutes co�teront 840 millions d�euros. Pour r�sumer la situation financi�re de l�Etat �gyptien, on peut rappeler que la dette publique interne et externe va atteindre en 2011, 90% du PIB (dont 73% pour la dette interne). Les r�serves de change sont de 28 milliards de dollars. Pour remettre l��conomie �gyptienne en marche, le besoin de financement pour 2011 est �valu� � quelque 12 milliards de dollars. Les autorit�s �gyptiennes comptaient sur les accords qu�elles �taient sur le point de signer avec le FMI (3 milliards de dollars) et la Banque mondiale (2,2 milliards de dollars), accords qui ont �t� annul�s sous la pression populaire qui refusent les programmes d�aust�rit� qu�auraient impos�s ces institutions financi�res internationales. Le soutien financier du G8 a, de son c�t�, �t� d�cevant puisqu�il renvoyait l�Egypte � des accords bonifi�s avec les banques commerciales qui auraient alourdi le fardeau de la dette. Pauvret� et in�galit�s sociales sont toujours l� La population �gyptienne qui vit avec deux dollars par jour est estim�e � 30 millions de personnes. Cette situation de plus en plus insoutenable inqui�te les �conomistes �gyptiens qui mettent en garde les autorit�s : �Attention � la r�volte des pauvres !� qui risque d��tre la seule r�ponse des Egyptiens aux insupportables in�galit�s sociales et l�absence de perspective pour la jeunesse avide de changement. Enfin, les syndicats rappellent quotidiennement qu��il faut donner maintenant aux travailleurs �gyptiens les moyens d�une vie digne !� L�Egypte est � la crois�e des chemins. Trois probl�mes complexes restent � r�soudre dans un contexte o� l�Etat lui-m�me est sujet � controverse : 1/ Prendre en charge les fortes attentes sociales 2/ R�duire l�incertitude politique 3/ Stopper la pouss�e de violence interconfessionnelle. Mais c�est Tocqueville qui rappelait : �Il n�est rien de plus ardu que l�apprentissage de la libert� Il se fait g�n�ralement au milieu des temp�tes et se perfectionne dans la discorde civile.� (in �La d�mocratie en Am�rique�) S�il y avait une seule le�on � retenir de cette exp�rience �gyptienne de transition d�mocratique encore en cours (et la le�on est valable pour l�exp�rience tunisienne), c�est celle d��tre � l��coute des souffrances et des attentes de la soci�t� et surtout de �jouer r�ellement et avec conviction le jeu du changement � qu�exige la situation.