[email protected] Il est 8h du matin, et l�on a l�impression que le soleil est d�j� au z�nith. L�air est irrespirable et la chaleur �touffante. Rafik est en retard pour son travail ; il est contraint de prendre le premier bus qui marque l�arr�t. L�engin est bond�, mais il n�a pas le choix. Il se fraie un chemin et r�ussit � trouver une petite place en face de la fen�tre. C�est pire ! On a l�impression de bruler. Les passagers ont la mine patibulaire. Les femmes n�h�sitent pas � sortir de leur sac � main leur �ventail en ayant l�illusion de se procurer un peu de fra�cheur. Rafik, lui, se sent mal. Son cong�n�re, le front d�goulinant, des aur�oles sous les aisselles d�gagent des effluves qui lui montent au nez, � lui donner des naus�es. Il essaye de se retourner et colle son visage contre la fen�tre. Mais le sirocco lui coupe la respiration. Il joue des coudes et arrive � se placer pr�s d�un homme qui, visiblement, a l�air tout ce qu�il y a de propre. �Ouf, au moins celui-l� ne pue pas�. Il d�chantera vite. Son voisin, une diarrh�e verbale � l�haleine f�tide, empeste l�air. Rafik, le visage rubicond, les nerfs � fleur de peau, a envie de cracher sa col�re contre son �agresseur � puis balaie le bus du regard pour trouver un autre moyen de fuir de toute urgence l�endroit. Rien � l�horizon. Pas le moindre millim�tre vacant. Il prend son mal en patience et guette toujours. Son voisin, lui, continue ses palabres sur la politique, la chert� de la vie, la m�teo et le mois de Ramadhan qui avance � grands pas. Ses voisins sont accroch�s aux l�vres du conf�rencier et ne semblent pas �tre incommod�s outre mesure par cette mauvaise odeur ; bien au contraire, les d�bats s�encha�nent et chacun s��rige en meilleur gouvernant, voire m�me, et pourquoi pas, en super Pr�sident. Rafik, exasp�r�, bouillonne, il a envie de descendre au prochain arr�t mais il se sent pris au pi�ge par tous ces gens coll�s les uns aux autres ; mais voil� qu�une place juste � son niveau se lib�re. �Enfin la d�livrance !� pensa-t-il. �Il faudrait que je fasse vite avant que ces dizaines de personnes qui ont les regards braqu�s sur cette femme la prennent d'assaut�, se disait-il. Il lui fallait beaucoup d�astuce et surtout une rapidit� de l��clair, pour qu�enfin, il se l�approprie, soulag�. Heureux de sa victoire, il se retrouve pr�s d�une dame d�un certain �ge, sentant la lavande et tenant un petit gar�on sur ses genoux. Il sourit, �ponge son front et tourne son visage, faisant mine d�appr�cier le paysage, en jurant par tous les dieux qu�il ne se l�vera pas pour c�der sa place, m�me pas � son grand-p�re ! Son bonheur n�aura dur� que quelques secondes. Il entendit � peine la dame s�adresser au petit gar�on : �Attention, retient-toi, ne vomit pas, on descend au prochain arr�t !� qu�un jet de vomis l��claboussa. Il fit un bond, les yeux exorbit�s, et, pris d�une folie furieuse, hurla de toutes ses forces devant une assistance m�dus�e. �Chauffeur, ouvrez la porte tout de suite.� Le prenant pour un fou dangereux, le bus s�arr�te. Rafik descend, sa chemise macul�e. Il h�le un taxi et retourne chez lui. Ainsi, Rafik ne sera plus en retard. Il n�ira pas travailler ce jour-l�. Et il aura toutes les excuses du monde !