Yachir [email protected] Le visage blanc, les yeux � peine entrouverts, la main accroch�e � sa canne blanche, le jeune homme, la trentaine bien entam�e, se dirige vers l�arr�t de bus o� des femmes palabrent. Sans mot dire et le voyant avancer, ces dames, dans un �lan de solidarit� et de compassion, se serrent, lui laissent une petite place sur le banc, et avec des yeux pitoyables se lamentent sur le sort de ce non-voyant. �Pauvre de lui, si jeune, si beau !� Lui, assis confortablement, call� entre deux ravissantes jeunes femmes, sourit, l�air heureux et pas du tout press� que le bus arrive. Les femmes, quant � elles, impatientes de voir la grosse chenille, continuent � raconter leurs d�boires oubliant leur indu occupant. Lui, prie Dieu qu�il n�y ait pas de bus afin qu�il puisse jouir de ces moments de plaisirs, son corps effleurant ceux de la gent f�minine. Cette derni�re, bien s�r, ne se doute pas un instant de son �petit man�ge�. Tout � coup, et dans un branle-bas de combat, les femmes d�un seul bond, se l�vent, se bousculent, jouent des coudes et bouchent les porti�res du bus laissant leur compagnon de quelques instants seul. Sto�que, notre homme � la canne blanche se l�ve � son tour, ajuste son veston et va tout droit retrouver ses compagnes. Il est pris en sandwich entre celles-ci qui gesticulent, hurlent pour que le chauffeur ouvre les porti�res. Lui, le visage rubicond, les mains tremblantes, semble planer sur un nuage, loin de ce brouhaha. Il est heureux, l� o� il est. Soudain, un homme d�un certain �ge s�avance vers lui, lui prend la main et, croyant bien faire, l�extirpe de cette foule en furie. L�homme � la canne blanche, comme pris par une folie furieuse, jette son venin sur son bon Samaritain. - Mais qu�est-ce qui vous prend ? Je ne vous ai rien demand�, laissez-moi tranquille ! - Mais vous �tes prioritaire, je vais vous conduire � l�avant, loin de cette marr�e humaine qui risque de vous �craser ! Exc�d�, et d�un geste brusque, il retire sa main de son bienfaiteur, quitte l�arr�t du bus et se dirige vers un autre, tenter sa chance ailleurs, laissant derri�re lui des hommes et des femmes �berlu�s, sans voix, oubliant que le quidam � la canne blanche n��tait pas au-dessus de tout soup�on.