Un terroriste abattu et deux éléments de soutien arrêtés à Bordj-Badji Mokhtar    En application des instructions du président de la République, arrivée d'enfants palestiniens blessés en Algérie    Agrément de la nouvelle ambassadeure d'Algérie auprès de la République de Slovénie    Oran: plus de 1.000 visiteurs au Salon international du transport et de la logistique "Logistical"    Réunion du Gouvernement : communication sur la revalorisation des pensions et des allocations de retraite    La scène médiatique nationale en phase avec le processus d'édification de l'Algérie nouvelle    Merad réaffirme l'approche globale et intégrée de l'Algérie face à la migration clandestine    Accidents de la route: 62 morts et 251 blessés en une semaine    Sport automobile/Rallye "Raid Discovery Algeria": 35 motards étrangers et un bon nombre d'Algériens attendus à la 3e édition    Championnat d'Afrique de Judo: quatre athlètes d'Ouled El Bahia honorés à Oran après leurs performances au Caire    L'Algérie établit des relations diplomatiques avec le Commonwealth des Bahamas    Le ministre de la Santé préside l'ouverture d'une Journée scientifique sur "l'histoire de la médecine légale en Algérie"    Hasna El-Bacharia, une icône de la musique Diwane    Plus de 1,5 million de candidats aux examens du Bac et du BEM 2024    Ligue 1 Mobilis: USMA-JSK décalé au lundi 6 mai au stade de Baraki    Port d'Alger: recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste de l'OAS du 2 mai 1962    Batna: décès du moudjahid Saïd Douha    AG de l'ONU : Riyad Mansour critique le véto américain contre l'adhésion de la Palestine    L'Algérie abritera les assemblées annuelles 2025    Pas de recours à l'endettement extérieur, réaffirme le président Tebboune    «Le non-sens juridique et le non-sens tout court ont pris le dessus»    Mondial féminin 2027 : les USA et le Mexique retirent leur candidature commune    Nadal fait ses adieux à Madrid    Un outil essentiel pour l'expression de la vérité    Forum de Doha : Les efforts de l'Algérie en soutien à la cause palestinienne largement salués    Les martyrs palestiniens découverts dans des fosses communes mutilés et dépourvus d'organes    La santé s'équipe en matériel    Le corps d'un troisième noyé porté disparu jeudi retrouvé sur le littoral à Mostaganem    Saisie de viande blanche impropre à la consommation à Oued Kheir    L'Université de San Francesco rejoint le mouvement de soutien à Gaza    Les troupes israéliennes désobéissent aux ordres    LG Electronics MEA innove avec sa nouvelle gamme de produits de divertissement à domicile    Nécessité de renforcer l'arsenal juridique lié à la protection du patrimoine culturel immatériel    Aux origines sionistes de la stigmatisation des musulmans et de la criminalisation de l'islam    Plus de 150 permis de recherches archéologiques octroyés ces 4 dernières années    «Faire avorter les plans et menaces qui guettent l'Algérie sur les plans interne et externe»    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De �l��uvre positive� de la France coloniale : d�culturer, ensauvager
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 12 - 2012

Cent quatre-vingt-deux ans apr�s le d�but de l�occupation coloniale, de larges secteurs de ce qu�il est convenu d�appeler les �lites fran�aises(1) � politiques, artistiques, m�diatiques, scientifiques, universitaires � sassent et ressassent �l��uvre positive� de la colonisation.
De telles postures r�v�lent a minima, non seulement l�ancrage et l�emprise �crasante de la �culture� coloniale, mais aussi l�id�ologie de la sup�riorit� � issue des th�ories sur les races � au sein de larges fractions de la soci�t� fran�aise. Elles r�v�lent tout autant, corr�lativement � cette �culture�, le m�pris de ces �lites pour des soci�t�s pour qui le syst�me colonial a �t� une �p�riode de deuil et de grande souffrance �(2) Ouvrons une parenth�se � ce sujet pour rappeler l�imp�rative n�cessit� de travailler sur les conditions de production des pseudos concepts et plus largement de la terminologie, qui ont structur� et structurent toujours les discours colonialistes et n�ocolonialistes( 3). Cet imp�rative critique concerne aussi les disciplines des sciences sociales et humaines, qui reprennent ces termes et l�gitiment ainsi une mystification. Cette approche peut contribuer, au-del� de l�interrogation critique, au d�montage du contenu id�ologique qui �entre en jeu dans ces imperceptibles falsifications�. D�fendre outrageusement, rageusement, comme le font certaines �lites fran�aises, la �mission civilisatrice ou l��uvre positive� de la France colonialiste c�est, pour citer Roland Barthes, �faire entrer une politique dans un monde de repr�sentations immuables et n�cessaires. C�est en un mot confondre l�ordre politique et l�ordre naturel�, pour inscrire le premier dans la logique du mythe et d�historiciser ainsi les faits politiques et sociaux. Or, il est entendu que �le mythe a pour charge de fonder une intention historique en nature, une contingence en �ternit� �. N�est-ce pas l� la fonction de l���uvre positive�, de la �mission civilisatrice� ou des bienfaits de la colonisation ? Ces termes, frapp�s du poids de l��vidence, con�us et induits, fondamentalement, par les th�ories sur les races, contribuent � former, formater, forger, objectiver � souvent en convoquant un discours � tonalit� scientifique � une vision du monde fond�e sur le paradigme des races, des civilisations et des cultures sup�rieures aux autres, lesquelles autres, par d�finition, n�ont ni civilisation ni culture. A propos de discours scientifiques, l�historien fran�ais C. Liauzu soulignait, en traitant du cas fran�ais, que �c�est bien au c�ur de notre culture scientifique qu�il faut chercher certaines des origines des crises racistes�, lesquelles, pourrions-nous ajouter ne sont pas sans lien organique avec le fait colonial.
�Civiliser, instruire, �duquer�
D�s les premiers temps de l�occupation coloniale �l��uvre positive� et �civilisatrice� �tait donn�e par les diff�rents acteurs � civils et militaires � comme l�une des priorit�s, sinon la priorit�, de la colonisation : �Civiliser, instruire, �duquer, r�g�n�rer�, telle �tait la devise. �Appel�e au beau r�le de coloniser une des r�gences barbaresques, la France a pris pour auxiliaire de sa marche le plus puissant moyen de civilisation, l�instruction. Pacifier et �clairer tour � tour ces contr�es, y r�pandre de nouveau les bienfaits de la science qui les ont fuies depuis des si�cles, telle est la noble mission qu�elle s�est propos�e et qu�elle accomplira�.(4) Les principes de la sup�riorit� de la civilisation fran�aise sont � un mot pr�s les m�mes que ceux que l�on peut lire ou entendre aujourd�hui : �Est-ce aux Fran�ais � civiliser les Arabes ou aux Arabes � civiliser les Fran�ais ? Mais les Fran�ais sont plus avanc�s que les Arabes en civilisation ; c�est donc � eux de donner la loi et les r�glements.�
Une soci�t� � la civilisation propre
Mais que trouve la France en envahissant l�Alg�rie ? Comme le notait M. Lacheraf(5), c�est �une soci�t� bien organis�e, � la civilisation propre, parfois comparable � celles du bassin m�diterran�en, peut-�tre imparfaite dans son d�veloppement, mais dont l�amour de la libert�, l�attachement � la terre, la coh�sion, la culture, le sens patriotique, les ressources et les id�aux communs � d�fendre contre l�ennemi national, donnent leurs preuves tout au long d�une guerre de conqu�te de pr�s de 40 ans�. Ces propos, confirm�s par de nombreux travaux, indiquent que l�Alg�rie, � l��vidence, aurait pu conna�tre un tout autre destin si le colonialisme ne l�avait pas plong�, puis maintenu dans la r�gression culturelle et dans la torpeur d�une existence infra-humaine pour la quasimajorit� de la population. La guerre totale men�e, un moment envisag�e et pratiqu�e dans une perspective �d�extermination totale� jusqu�� la d�faite de l�Emir Abdelkader, en 1847 et au-del� de cette date, a d�truit, ravag�, ruin�, les �tres, les liens sociaux, les institutions, les cultures, les animaux, le commerce, les biens de subsistance. La confiscation des biens collectifs, l�expropriation des terres, le s�questre des biens immobiliers ont syst�matis� la paup�risation des familles et la d�sint�gration des communaut�s et g�n�ralis� disettes, famines et maladies, provoquant au final un d�sastre d�mographique. D�s lors, est-il exag�r� de dire et de redire que ce syst�me � consid�r�, toute honte bue, par des historiens et des hommes d�Etat fran�ais, r�cemment, comme un �syst�me injuste� � a d�sagr�g� la soci�t� alg�rienne et lui a interdit toute possibilit� d�inventer, d�imaginer son �avenir historique �, de penser sa modernit�, de concevoir son rapport et son apport singuliers � l�universalit�, en un mot d�exister. Qui peut encore croire un instant que l�Alg�rie n�aurait pas pu mieux faire que ses millions de victimes des guerres coloniales, de la mobilisation forc�e des siens pour les guerres imp�rialistes, les famines organis�es et les �pid�mies induites par celles-ci. Qui peut penser un instant qu�elle n�aurait pas mieux fait que les lois d�exception, le code de l�indig�nat, les expropriations massives, la pratique syst�matis�e et g�n�ralis�e du racisme, la destruction de son syst�me g�n�alogique, ou encore les cinq techniciens en agriculture et les quelque 90% d�analphab�tes dans les deux langues. C�est cela, et la liste est ouverte, l�h�ritage laiss� par un syst�me de gouvernement m�, entre autres, par une logique de destruction culturelle et d���branlement du substrat mental� des individus et des groupes sociaux. Cette derni�re caract�ristique est-elle outranci�re ? La r�ponse nous est copieusement fournie par les nombreux documents, relatifs � l�instruction, produits par les acteurs de la colonisation (officiers, administrateurs, chefs de bureau arabes). Ces textes, � leur corps d�fendant, rendent compte de la destruction syst�matique des r�seaux d�instruction et de ce qui s�y apparente. Ces documents(6) r�v�lent, en outre, que le pouvoir colonial, au fur et � mesure que s��tendait son contr�le militaro- administratif sur les �tres et le territoire, d�couvre �tonn�, et inquiet, non seulement la place et le r�le de l�instruction, de l��ducation, dans la soci�t�, mais aussi l�int�r�t que lui accordent les habitants des villes et des campagnes : �Toutes les tribus, tous les quartiers urbains avaient un ma�tre d��cole avant l�occupation fran�aise.� �Il faut reconna�tre que les familles encourageaient les �tudes et se croyaient moralement oblig�es d�envoyer leurs fils s�instruire loin d�elles.�(7) �A une �poque o� l�on d�couvrait en Europe le r�le de l��cole publique, en Alg�rie, presque tous les enfants savent lire et �crire. Dans chaque village, il y a deux �coles� Tous les enfants de 6 � 10 ans fr�quentaient l��cole primaire.�(8) Ces notes indiquent bien que le monde urbain et rural �tait dot� de lieux d�di�s � l�instruction, certes, suite au long d�clin de la civilisation arabe, qualit�, niveau des connaissances, savoirs dispens�s �taient insuffisants et rudimentaires, compar�s aux avanc�es et au niveau des sciences et des techniques en Europe, � la m�me �poque. Ceci admis, il n�est pas sans int�r�t de noter que les familles et plus largement les communaut�s urbaines et rurales, �se croyaient oblig�es�, comme le note un officier, d�assurer le minimum scolaire : apprendre � lire et �crire. Aux seuls gar�ons(9), il est vrai. Consid�r�e alors comme �l�une des cinq plus belles villes de la M�diterran�e�, Alger comptait une centaine d��coles primaires et 132 mosqu�es.(10) Gr�ce aux revenus des biens communautaires, la ville entretenait ses institutions scolaires et cultuelles et r�mun�rait ses enseignants. D�s les premiers temps de l�occupation, et comme pour v�rifier l��tat de guerre totale impos� par l�ennemi, cette infrastructure cultuelle et scolaire est l�objet de convoitises et de destructions. Des dizaines de mosqu�es sont ras�es, une soixantaine occup�es, � quoi s�ajoutent la dispersion et la r�pression de l�encadrement humain. A propos de l�usage des mosqu�es, un voyageur fran�ais note que �quelques-unes sont appropri�es au culte catholique, d�autres sont converties en magasins, en pharmacies militaires. Une de ces derni�res est m�me occup�e, � honte ! par l�administration des lits militaires �.(11) Ce destructions, ces violences, le chaos instaur� par l�ennemi, provoquent dispersion, exode, exil de tous ceux, savants du culte, lettr�s, enseignants, qui dispensaient instruction, �ducation religieuse et s�occupaient des �uvres cultuelles. Dans un rapport officiel, l�administrateur civil d�Alger, Genty de Bussy, note que �plus de 80 �coles existaient � Alger avant la conqu�te, qu�elles ont �t� r�duites de moiti� par l��migration des instituteurs, des grandes familles(12) et par l�occupation de plusieurs classes, entendons de plusieurs mosqu�es�.(13) V�ritable saign�e, l�exil forc� des �lites urbaines vers les cit�s du Maghreb (T�touan, Tunis, Cyr�na�que), du Machreq (Alexandrie, Damas, El Qods) et de Turquie (Izmir, Istanbul)( 14), est suivi de celui, massif, d��l�ves et d��tudiants qui n�ont plus la possibilit� de parfaire leurs connaissances sur place. C�est ce que signale un chef de bureau arabe : �Les �coles du second degr� ont disparu presque en totalit� de la surface de l�Alg�rie. Les jeunes gens qui d�sirent acqu�rir quelques connaissances un peu �tendues vont chercher � Tunis, Tripoli, T�touan, en Egypte m�me un enseignement qui leur fait d�faut.� Les autres cit�s ne sont pas en reste, et subissent le m�me sort qu�Alger. C�est le cas d�Oran, qui poss�dait : �� pour 12 000 ou 14 000 �mes, trois coll�ges et 50 �coles�. Un chef de bureau arabe note qu�avant l�occupation, existait une �esp�ce d��cole publique o� �taient enseign�s l�arithm�tique, la grammaire, le droit musulman et la cosmographie �. �Cette �cole a disparu, mais rien ne l�a remplac�e�. Dans la r�gion de Tlemcen, une trentaine de zaou�as, pour une population estim�e � 125 000 habitants, assuraient un enseignement primaire, secondaire et sup�rieur. Dans les territoires administr�s par la r�sistance alg�rienne, l�instruction, malgr� l��tat de guerre totale impos�, n�est pas d�laiss�e. Un chef de bureau arabe pour la r�gion �crit que lorsque �El Hadj Abdelkader commandait dans le pays, il avait contraint presque chaque douar � poss�der un enseignant. Depuis, beaucoup ont disparu� (�), �les tribus sont plong�es dans les t�n�bres de l�ignorance les plus �paisses�. Avec la guerre les zaou�as de Mascara ont disparu et les �tudiants regagnent le Maroc pour poursuivre leur instruction, ajoute ce chef de bureau. Capitale, un temps de l�Emir Abdelkader et de la r�sistance organis�e, Mascara, depuis sa prise, n�est plus en mesure d�assurer une instruction sup�rieure, alors que celle-ci y a �� brill� d�un assez vif �clat�, renseigne un chef de bureau. L�est du pays n�est pas �pargn�. En 1837, ann�e de sa chute, Constantine, dont la r�putation intellectuelle est alors comparable � celle de Tunis et du Caire, poss�de 86 �coles primaires fr�quent�es par 1 350 �l�ves. A ce r�seau, s�ajoute une infrastructure cultuelle de 37 mosqu�es et 7 m�dersas. En 1849, apr�s 12 ann�es d�occupation, Constantine ne compte plus que 60 jeunes gens dans l�enseignement secondaire. Sur les 90 �coles primaires que fr�quentaient 1 500 �l�ves, il n�en reste plus qu�une trentaine pour 530 �l�ves(15). Si le syst�me �ducatif dans son ensemble subit les affres de la destruction coloniale, tout en maintenant, ici et l�, � travers quelques fragiles structures une pr�sence symbolique dans le primaire, l�enseignement secondaire et sup�rieur est tout simplement lamin�.
D�sarmement moral et mat�riel
C�est une action politique volontaire, consciente, d�lib�r�e qui a �t� implacablement men�e par l�arm�e fran�aise dans le but explicite de briser toute esp�ce d�unit� intellectuelle et spirituelle. Engag� d�s le d�but de l�agression coloniale, le processus d�ensauvagement des �indig�nes�, induit par leur d�culturation et leur d�s-alphab�tisation, fait partie des priorit�s durables de l�administration coloniale. Les Alg�riens s�y opposent. Leur r�sistance est telle que le g�n�ral Ducrot, membre de l��tat-major militaire, ordonne, en 1864, apr�s 34 ann�es de guerre totale : �Entravons autant que possible le d�veloppement des �coles musulmanes, des zaou�as. Tendons, en un mot, au d�sarmement moral et mat�riel du peuple indig�ne.�(16) Cette injonction criminelle est en phase, s�articule, pourrait- on dire, � celle qu�ordonne quelques ann�es plus t�t le g�n�ral-baron Bugeaud, adepte de la �guerre d�extermination totale�, en sa qualit� de chef des arm�es et de gouverneur g�n�ral d�Alg�rie, � ses �Colonnes infernales� : �Il faut emp�cher les Arabes de semer, de r�colter, de p�turer.� L�articulation entre processus de d�culturation et processus de destruction des cultures vivri�res, s�inscrit dans une strat�gie de paup�risation socio�conomique absolue et de d�sint�gration des communaut�s. Cette strat�gie est d�crite dans des documents �tablis par des chefs de bureau arabes qui, rappelons-le, sont les anc�tres des sinistres SAS � sections administratives sp�cialis�es �, cr��es en 1956. En 1846, le chef de l�instruction publique Lepescheux note qu�il ne reste plus que 400 �l�ves � Alger �les malheureux, dit-il, �taient autrefois entour�s de consid�ration et vivaient dans l�aisance ; aujourd�hui � l�exception de quelques-uns ils sont tous dans la mis�re�. Cette situation n�a rien d�exceptionnel. De nombreux rapports et enqu�tes(17) de l�arm�e r�alis�s durant les ann�es 1850, 1860 et 1868 � Cherchell, T�niet El-Had, Jijel, Mascara, en Grande et Petite Kabylie, rapportent que �la mis�re de cette population est surtout la principale cause d�emp�chement � l��gard de l�instruction �. Bien �videmment, cette �mis�re� n�est jamais, selon ces rapports officiels le produit, le r�sultat direct du syst�me de gouvernement colonial. A Orl�ansville, �les �coles sont d�sert�es. AAumale : �A la suite de la disette de 1868, les zaou�as ont �t� compl�tement d�sorganis�es, sauf dans les Beni-Dja�d o� l�on en trouve encore deux.� Pr�s de Batna, �la mis�re a fait dispara�tre la plupart des �coles musulmanes que l�on y comptait�. AA�n Be�da, �les Arabes, cela se con�oit, ne veulent pas payer l�instruction de leurs enfants � des tolbas alors qu�euxm�mes meurent de faim�. A Boghar : �Une mis�re hideuse p�se sur nos tribus, les familles sont oblig�es souvent � vivre de racines et de baie de gen�vrier� les �coles sont plus d�sertes que jamais.� A T�n�s, �beaucoup de familles sont oblig�es d�avoir recours aux racines du sol pour subvenir � leur entretien. Elles employaient � leur recherche leurs enfants, et un grand nombre d��l�ves se trouvaient distraits de leurs �tudes�. Innommable, ce d�sastre social, �conomique, culturel, qu�amplifie une r�pression(18) syst�mique favorise le repli sur soi, l�int�riorisation d�une psychologie de la d�tresse et de la d�sesp�rance et l�enfermement dans des comportements archa�ques. Cela �tant, ce syst�me de gouvernement d�exception et ses logiques de domination et d�exploitation totales n�entament pas la pr�servation, certes, dans les conditions les plus dures, de multiples formes de r�sistance anticolonialiste actives et passives, �mancipatrices ou �quivoques quant � leurs issues. On mesure mieux le ridicule, la mauvaise foi, le chauvinisme, ou l�ignorance, de ces larges fractions �litaires quant � �l��uvre positive� de la France coloniale dans le domaine de l�instruction, suite aux controverses qui ont entour� l�adoption de la loi du 23 f�vrier 2005. A cet effet, une cohorte h�t�roclite, mais solidaire, d�intellectuels, d�artistes et d�hommes politiques, parmi lesquels des r�publicains de droite et de gauche, d�fendront bec et ongles, � travers interventions, �missions m�diatiques, �crits journalistiques et d�ifications id�ologiques l��uvre positive coloniale de la civilisation. Tous, sans exception, mart�leront, � cor et � cri, que la colonisation a bien eu des retomb�es et des effets positifs, parmi lesquels, au-del� des routes et des h�pitaux, les id�es, la culture, mais aussi et surtout une dimension de celle-ci : l�instruction. Parmi eux, A. Finkelkraut, vant� par l�ex-pr�sident de la R�publique N. Sarkozy comme �la fiert� de la pens�e fran�aise�, aura �t� l�un des plus fanatiques d�fenseurs de cette ��uvre�. Dans un entretien accord� au journal isra�lien Haaretz du 18 novembre 2005, il ass�ne : �On n�enseigne plus que le projet colonial voulait aussi �duquer, apporter la civilisation aux sauvages ? On ne parle que des tentatives d�exploitation, de domination et de pillage.� L�avocat Arno Klarsfeld, actuel pr�sident de l�Office fran�ais de l�immigration et de l�int�gration, nomm� par Sarkozy, d�clare au journal Lib�ration du 30 d�cembre 2005 : �Je ne suis pas d�accord pour abroger l�article 4 de la loi du 23 f�vrier 2005. La France a construit des routes, des dispensaires, apport� la culture�� Et il conclut : �Le nier serait de l�aveuglement historique. � D�autres propos de la m�me veine tenus par des personnalit�s, des intellectuels, des artistes tr�s en vue, � l�image de l�essayiste m�diatique Pascal Bruckner, de l��crivain et n�anmoins d�fenseur-de-l�identit�-fran�aise-en-danger Max Gallo, de l��conomiste Jacques Marseille, de l�acad�micien Jean-Marie Rouart, du cin�aste Alexandre Arcady et ou encore du com�dien Roger Hanin, donneront la preuve que �le cr�ne colonial p�se encore sur la connaissance�. Mais bien avant cette apolog�tique coloniale, en 2001, suite � la publication du d�ballage morbide du tortionnaire Aussaresses, un homme d�Etat(19), r�publicain de gauche, rappelait avec vigueur �l��uvre positive� de la France. Dans un texte intitul� Cessons d�avoir honte, il �crit : �On ne peut juger la p�riode coloniale en ne retenant que son d�roulement violent, mais en oubliant l�actif, et en premier lieu l��cole, apportant aux peuples colonis�s, avec les valeurs de la R�publique, les armes intellectuelles de leur lib�ration (�) �On peut soutenir sans paradoxe que c�est la France qui a permis � l�Alg�rie d��tre la grande nation qu�elle est devenue�.(20) Nous ne d�battrons pas de ces non arguments, nous avons choisi de leur opposer quelques donn�es chiffr�es � ce sont celles de l�administration coloniale �, relatives � �l�actif� scolaire, et par extension � l��l�vation de l�Alg�rie au rang de �grande nation� par la France civilisatrice, donn�e comme v�rit� scientifique. Vers 1880, apr�s un demi-si�cle �d��uvre positive�, 10 000 enfants alg�riens, sur environ 500 000, soit 1,9% d�enfants d��ge scolaire avaient acc�s � une �cole publique ou priv�e(22). A titre comparatif, � la fin des ann�es 1880, 100% des effectifs des 6 et 11 ans sont scolaris�s en France, suite � la loi Jules Ferry(23) de 1882, auquel le pr�sident Hollande rendit hommage au lendemain de son investiture, sur une id�e, semble-t-il, de Benjamin Stora, son conseiller historique. Notons au passage que de nombreux historiens et publicistes proches des milieux de la colonisation, mais aussi des officiers, admettaient qu�avant l�invasion coloniale, tous les enfants de 6 � 10 ans fr�quentaient l��cole primaire. En 1898, dix ann�es apr�s la promulgation pour l�Alg�rie de la loi sur la scolarisation obligatoire , le recteur d�acad�mie en Alg�rie M. Jeanmaire, rapporte, certes dans le langage des dominants, que 97% d�enfants alg�riens ��taient rest�s �trangers � la langue fran�aise et � toute action de civilisation�. Vers 1908, 30 400 enfants sur 700 000, soit 4,3% d�enfants d��ge scolaire fr�quentaient, irr�guli�rement, l��cole coloniale. A la veille de la Premi�re Guerre mondiale, en 1918, 5% d�enfants d��ge scolaire, soit 47 000, pour 850 000 �taient inscrits � l��cole. En 1954, apr�s 124 ans d���uvre positive�, �l�actif scolaire� de J.-P. Chev�nement, �tait de 10% environ d�enfants d��ge scolaire, d�apr�s les chiffres de l�administration coloniale.
Attitude des Alg�riens face � l�instruction et � la langue fran�aise
Ces quelques donn�es doivent-elles �tonner ? En v�rit�, comme le notait en 1967 le sociologue Abdelmalek Sayad : �� Il n�a jamais �t� dans la nature de la colonisation d�assurer l��mancipation des colonis�s, m�me au moyen de la langue, de l��cole et de la culture coloniale. Convaincus que l�action de l��cole devait, t�t ou tard, porter atteinte au fondement m�me de l�ordre qu�ils avaient instaur�, les milieux de la colonisation ont toujours �t� farouchement oppos�s aux progr�s de l��cole fran�aise en Alg�rie�. Cette analyse est largement confirm�e par les pratiques et discours des colonialistes : �Lorsqu�il y aura partout des indig�nes instruits qui pourront se renseigner sur les derniers progr�s de la science, alors �clatera une formidable insurrection. � D�autres consid�rent que �� c��tait folie d�instruire les indig�nes�, et de leur permettre d�acc�der � une instruction susceptible de leur offrir �dipl�me et orgueil�, qui en �feraient des d�class�s et des concurrents, des agit�s ou des r�volutionnaires �. D�autres enfin avertissent : �Si pour cette foule de gueux� l�instruction se g�n�ralisait, le cri unanime des indig�nes serait l�Alg�rie aux Arabes.� Ce danger que l�instruction des �Arabes� pouvait faire peser sur le syst�me colonial relevait des fantasmes du colonat et d�une population de �petits Blancs� qu�effrayait l�hypoth�tique promotion par l��cole de quelques indig�nes, une promotion qui leur ferait concurrence. Pour en finir avec ces fantasmes, rappelons que c�est �avec un peuple compos� de 91% d�illettr�s qu�en novembre 1954 fut d�clench�e l�insurrection victorieuse. Cela ne veut nullement dire que le colonialisme a �t� vaincu par l�ignorance. Cela veut dire tout simplement que s�il avait fallu attendre pour d�clencher la lutte que l�ignorance fut vaincue, l�insurrection eut �t� renvoy�e aux calendes grecques�(24)
S. H. A.
1 - Il y a une constante, une continuit� historique des �lites fran�aises depuis 1830 dans la d�fense de l�id�e de la �mission civilisatrice� confinant celle-ci au statut de patrimoine national.
2 - Propos de l�historienne guadeloup�enne Maryse Cond�.
3 - Un exemple r�cent tr�s significatif. Lors des �d�clenchements � des pseudos printemps arabes, des politiques, de droite de gauche et de Navarre, des universitaires, des arabologues, islamogues et autres experts avaient tous dans la bouche un m�me mot : �Nous devons accompagner ces r�volutions� ; �Il faut accompagner ces gens�. Eternel et ind�crottable paternalisme
4 - Ainsi parlait, en 1834, l�intendant civil d�Alger, le gouverneur civil en quelque sorte, Genty de Bussy, dans un rapport adress� � ses sup�rieurs.
5 - Alg�rie, nation et soci�t�, M. Lacheraf. Maspero, 1965. 6 - Une partie cons�quente des informations mentionn�es tout au long de cet article provient de l�ouvrage d�Yvonne Turin Affrontements culturels dans l�Alg�rie coloniale. Maspero, 1971.
7 - G�n�ral Daumas.
8 - �Y. Turin. Op., cit.
9 - En 1892, un d�cret colonial r�glementant l�enseignement pour les �indig�nes� excluait les filles.
10 - Il est important de pr�ciser que les mosqu�es et les zaou�as �taient g�n�ralement pourvues d��coles, de m�dersas.
11 - E. De Lumone, Promenade � Alger1865.
12 - C�est nous qui soulignons
13 - Peupl�e de 50 000 habitants avant 1830, la ville d�Alger d�apr�s une �valuation coloniale n�en comptait plus que 12 000 en 1833. C�est donc 38 000 personnes qui ont fui la ville.
14 - Comme le note M. Lacheraf : �Ces choix d�notaient un ensemble de liens avec une cat�gorie de villes de l�Islam m�diterran�en.�
15 - La population de Constantine �tait estim�e � 20 000 habitants en 1849. 16 - Cf. Les zaou�as, Sma�l Hadj Ali, revue Maghreb-Machrek, n�135, 1992.
17 - Y. Turin, op, cit�.
18 - Des d�mographes fran�ais ont estim� entre 800 000 et 1 000 000 le nombre de victimes directes ou indirectes de la guerre de conqu�te, entre 1830 et 1871 pour une population de 3 millions de personnes. Voir les travaux r�cents du d�mographe alg�rien K. Kateb.
19 - Il s�agit de Jean-Pierre Chev�nement. Les graves divergences ici exprim�es n��tent en rien sa solidarit�, rare � cette �poque du c�t� des �lites politiques fran�aises, avec l�Alg�rie qui luttait contre la terreur th�ocratique. On comprend d�autant moins bien sa d�fense de la France coloniale, si ce n�est sa vision �troitement nationaliste du r�le de la France, laquelle occulte la nature imp�rialiste de sa politique ext�rieure. Cf la position fran�aise avec la Libye et la Syrie.
20 - Bachir Hadj Ali, �Culture nationale et r�volution alg�rienne� Alger, 30 mars 1963.
22 - Nous ne d�battrons pas de la qualit� de cet acc�s, ni des fonctions de dressage et de soumission de l�institution scolaire coloniale.
23 - On oublie, ou on feint d�oublier, que Jules Ferry, homme d�Etat raciste, joua un r�le consid�rable contre la commune de Paris et s�est enrichi en sp�culant sur les denr�es alimentaires durant celle-ci. Complice de Thiers dans le massacre des communards, il fut affubl� du nom de Ferry-Famine par les r�volutionnaires parisiens.
24 - Bachir Hadj Ali, �Culture nationale et r�volution alg�rienne� Alger, 30 mars 1963.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.