Par Kader Bakou L'homme jure que ce village existe quelque part en Algérie. Il en parle comme d'un paradis terrestre. Mais il ne veut pas en donner le nom ni nous donner une idée de sa situation géographique. Pour lui, tant que ce village reste inconnu, il restera à l'abri des nuisances de la vie moderne. Le village est entouré de montagnes et de forêts. On ne peut y accéder que par un seul chemin et à pied uniquement. Il y a une abondante pluviométrie, même en été. La végétation est si dense que les villageois sont obligés (à contre-cœur) de débroussailler un peu pour ne pas voir la forêt envahir le village. Les sources et les cours d'eau sont abondants. L'été est court et dès la mi-août les nuits deviennent très fraîches. Les habitants vivent de l'élevage et surtout de l'agriculture. Il n'y a pas d'électricité dans ce village qui vit aux rythmes des saisons et de la nature. L'homme croyait qu'il allait s'ennuyer en allant dans ce village, après l'invitation d'un ami d'enfance. La première chose qu'il remarque, c'est cette verdure partout. Aucune barrière ne sépare les champs tous cultivés. L'Algérois entre dans un champ de tomates mûres. Elles dégagent une agréable odeur qu'il n'avait jamais sentie dans les tomates vendues en ville. C'est peut-être une terre bénie de Dieu. Tous les fruits et légumes sentent bon et ont un merveilleux goût, inconnu dans les fruits et légumes commercialisés en ville. Le raisin à un goût de miel, la pêche aussi. Dans les champs, sur les sentiers et les chemins, on trouve aussi des cerisiers, des pommiers, des figuiers, des néfliers, des oliviers et d'autres fruits qui poussent tous seuls, à partir de graines tombées par terre. L'Algérois entre dans la grande forêt. Des senteurs agréables, inconnues chatouillent ses narines. Il ressent comme un air de jouvence qui emplit son corps et son cœur. Il a envie de chanter, mais se ravise et préfère respecter le silence des lieux et le chant des oiseaux. La nuit est tombée. Le ciel est immense et les étoiles infinies. L'obscurité totale lui offre l'occasion d'admirer le firmament dans toute sa splendeur. Au loin, il entend le jappement d'un chacal, plus près, hululement d'un hibou.Son sommeil n'est perturbé par aucun bruit désagréable. Le lendemain, il se réveille très tôt et en pleine forme. L'ancien Algérois vit aujourd'hui dans ce village. Il ne peut plus passer plus de trois jours dans une ville dite moderne. Le chef indien Sitting Bull (1831-1890) avait raison : «Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors le visage pâle s'apercevra que l'argent ne se mange pas...» K. B.