La fragilité sécuritaire et politique de la Libye, deux années après la chute du régime de Kadhafi, vient d'être mise à nu par trois événements qui se sont enchaînés durant la semaine : la capture, à Tripoli, par les Américains d'un chef d'Al Qaïda, l'enlèvement jeudi du Premier ministre Ali Zidan et l'attentat vendredi contre le consulat de Suède à Benghazi. Une déliquescence sécuritaire qui fait craindre le pire pour un pays qui peine toujours à ériger l'échafaudage institutionnel. C'est une image de quasiment non-Etat que la dernière actualité sécuritaire donne de la Libye où les milices continuent d'avoir pignon sur rue, deux années après la révolte qui a ébranlé le régime du dictateur Kadhafi. Les milices, armées, jouent à la fois le rôle de la police et de l'armée. Au service d'entités politiques, elles opèrent au vu et au su des autorités, mais surtout avec une facilité déconcertante comme cela a été le cas jeudi avec l'enlèvement du Premier ministre Ali Zidan. Relâché ou libéré quelques heures après son kidnapping, le Premier ministre libyen a accusé un parti politique, qu'il n'a pas nommé, d'être l'instigateur du rapt. «C'est un parti politique qui veut destituer le gouvernement par tous les moyens», a-t-il déclaré sur France 24, ajoutant qu'«après avoir parlé avec ceux qui m'ont enlevé, j'ai compris les raisons qui se trouvaient derrière mon enlèvement. Ils veulent destituer le gouvernement par la force, par les voies démocratiques ou non démocratiques, en fait par n'importe quel moyen». Ali Zidan a promis de donner plus d'informations sur ce parti politique dans les jours qui viennent. La riposte du gouvernement à cet enlèvement apparaît tiède. Ali Zidan en parle comme s'il s'agissait d'un fait politique regrettable mais banal. Vingt-quatre heures après, aucune mesure à l'encontre dudit parti n'est annoncée. Cette attitude timorée laisse supposer que le gouvernement libyen s'érige uniquement en façade institutionnelle, le pouvoir étant, en réalité, détenu et exercé par des groupes politiques qui se sont dotés de milices propres. A l'ombre de ces entités politiques, les islamistes, qui se sont impliqués dans la révolte contre le régime de Kadhafi, travaillent à renforcer leurs assises. L'enlèvement d'Ali Zidan est d'ailleurs lié à la capture à Tripoli, cinq jours auparavant, d'Abou Anas Al-Libi par les Américains lors d'une opération éclair. Le Premier ministre a confirmé que ses ravisseurs l'ont interrogé sur cette incursion d'un commando américain jusqu'à Tripoli et la capture d'Abou Anas Al-Libi. Ali Zidan leur aurait avoué qu'il ne s'avait rien de cette opération et que s'il l'avait su, il aurait alerté le présumé chef d'Al Qaïda. «Pensez-vous qu'un citoyen ou un musulman ou n'importe quelle personne puisse apprendre qu'on va faire du mal à une autre personne l'accepte ? Si je l'avais su, je l'aurais informé à l'avance. Je ne le connais pas, mais quand même je l'aurais informé», a-t-il déclaré. Avec l'intervention américaine, c'est la souveraineté de la Libye qui est mise à mal. Une faiblesse du gouvernement que les islamistes essayent, pour leur part, d'exploiter à leur compte. Vendredi matin, ils ont frappé à Benghazi. Ils ont fait exploser une voiture piégée devant le consulat de Suède. Un attentat qui n'aurait pas fait de victimes, selon les agences de presse, mais qui a provoqué d'importants dégâts matériels au bâtiment et aux constructions voisines. Cette attaque, non encore revendiquée, vise, selon les commentateurs locaux, à faire fuir les représentations diplomatiques occidentales de Libye. La plus spectaculaire attaque avait visé le consulat américain le 11 septembre 2011, provoquant la mort de l'ambassadeur américain Chris Stevens et de trois autres Américains.