Football/Coupe des magistrats : le ministre de la Justice préside la finale    Opep+ : augmentation de la production pétrolière de 548.000 barils/jour en août prochain    Recouvrement de la souveraineté nationale : l'Algérie renforce sa sécurité hydrique avec des réalisations majeures    Port d'Alger : remise en service de trois quais pour renforcer le traitement des conteneurs    Hidaoui préside une cérémonie à l'occasion du 63e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan grimpe à 57.338 martyrs    HCA : ouverture des candidatures pour la 6e édition du Prix du Président de la République de la littérature et la langue amazighes    Bejaia se remémore les scènes de joie du 5 juillet 1962    63e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale : le président de la République se recueille à la mémoire des martyrs de la Révolution    Boughali : la fête de l'Indépendance de l'Algérie "une source de fierté pour un peuple digne"    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan s'alourdit à 57.268 martyrs    Sahara occidental occupé: les médias sahraouis parviennent à briser le blocus marocain    Jijel: 4 morts et 35 blessés suite au renversement d'un bus    Qualifs Mondial 2025: l'Algérie accueillera le Botswana le 5 septembre à Tizi Ouzou    L'Algérie dispose de capacités logistiques et d'infrastructures sportives pour accueillir tout événement mondial    Coupe d'Algérie/USMA-CRB: une finale de prestige entre deux spécialistes    Ghardaïa: le M'naguer fait son apparition sur les étals des marchands de fruits et légumes    Résultats du baccalauréat: appel à recueillir les informations auprès des sources officielles    Retour de la théorie de la «toile d'araignée»    Les raisons de l'écart du cours du dinar algérien entre le marché officiel et celui du marché parallèle : quelles solutions ?    CRB – USMA : Deux clubs pour un trophée    Zouhir Ballalou se félicite des résultats d'une étude ciblée    Prolongation du délai de soumission des candidatures    « Si nous venons à mourir, défendez notre mémoire »    L'Algérie plaide à New York pour une action sérieuse en faveur de l'Etat palestinien    Entrée de l'usine de dessalement de l'eau de mer « Fouka 2 » en phase de production à pleine capacité    Des pluies orageuses attendues mercredi sur des wilayas de l'Est    Un été sans coupures    Il est nécessaire de limiter le droit de veto au sein du Conseil de sécurité    Ça démarre ce 5 juillet, les Algériennes face aux Nigérianes !    Le CNC sacré champion national de water-polo dans quatre catégories    Ooredoo mobilise ses employés pour une opération de don de sang    220 victimes déplorées en juin !    A peine installée, la commission d'enquête à pied d'œuvre    «L'Algérie, forte de ses institutions et de son peuple, ne se laissera pas intimider !»    Le président de la République inaugure la 56e Foire internationale d'Alger    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



MOHAMED CHAFIK MESBAH AU "SOIR D'ALGERIE"
"J'ai commis des erreurs d'appr�ciation"
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 12 - 2004

Dans un entretien accord� � notre journal et publi� en plusieurs parties, le politologue Mohamed Chafik Mesbah r�vise certaines de ses analyses et se livre � un tour d'horizon sur la conjoncture nationale : �Il fallait laisser passer la cur�e. L'ordre naturel des choses reprend ses droits et il devient possible de s'aventurer dans la sph�re de la raison�. Apr�s un long silence consacr� au r�examen de certaines analyses qu'il avait d�velopp�es avant le dernier scrutin pr�sidentiel, Mohamed Chafik Mesbah, politologue et officier sup�rieur de l'ANP � la retraite, accepte, dans l'entretien qu'il nous a accord�, de proc�der � son autocritique – sur le plan conceptuel, comme il le pr�cise - tout en apportant un �clairage compl�mentaire sur les �volutions de conjoncture.
Entretien r�alis� par Hani Mostghanemi, 1re partie
L. S. : Apr�s le long silence que vous avez observ� depuis le scrutin du 8 avril 2004, vous acc�dez � la demande de notre quotidien pour revenir sur cette �lection et ses cons�quences. Comment expliquez-vous le moment choisi pour vous exprimer ?
MCM : Commen�ons par le choix de votre journal. Avez-vous une id�e, � ce propos, du nombre de relations qui m'ont reproch� d'avoir choisi votre quotidien pour m'exprimer ? Ignorant les conditions vraiment fortuites qui m'ont conduit � vous, ces m�mes relations m'ont bl�m� de vous avoir confi� mes �crits � vous dont les positions seraient diam�tralement oppos�es aux miennes et dont le journal, qui plus est, serait �trop l�ger pour recevoir des r�flexions �labor�es � . Je salue en vous, pour ma part, le journal qui avait accept� de m'ouvrir ses colonnes sans m'adjurer de renier mes amiti�s ou de renoncer � mes convictions. Ce n'est pas rien. Il est naturel que je r�cidive en vous confiant mon autocritique. Sur le choix du moment, il me suffit de dire que le temps �coul� m'a paru suffisamment long pour effectuer un retour critique, au titre d'une d�marche purement scientifique, sur le scrutin pr�sidentiel et ses cons�quences. Etant entendu que ma d�marche n'est pas li�e � des contingences politiques. Jouer un r�le sur la sc�ne politique ne me passionne gu�re. C'est agir par l'esprit qui me fascine. Il me suffit d'�tre cet intellectuel organique qui, par son savoir, s'efforce d'�clairer son peuple bien aim�.
L.S. : Revenons au silence observ� depuis le dernier scrutin pr�sidentiel. Ce silence s'explique par la peur que vous pouviez �prouver � exposer des positions publiques tranch�es ou par la crainte de ne pouvoir justifier des analyses qui se sont av�r�es erron�es ?
MCM : De nombreux amis, en cercle restreint, des responsables politiques, en milieu plus �largi, ainsi que des citoyens anonymes, dans la rue, n'ont cess� de m'interpeller � propos des analyses que j'ai eu � d�velopper le long de la derni�re campagne �lectorale. Non pas que leur sollicitation fut hostile ou inamicale. Bien au contraire, ces interpellateurs demandaient, simplement, un �clairage nouveau, plus plausible, sur les r�sultats du scrutin. Certaines relations m'ont m�me reproch� de les avoir abus�es en les transportant en r�ve par mes �crits. Ce compliment poignant me renseigne sur le tort, probablement, caus� aux compatriotes qui ont pu construire leur vote sur la base de mes �crits et � ces personnalit�s qui se sont fi�es, par trop, � mes analyses. Qu'ils m'en excusent s'ils consid�rent que je les ai tromp�s. Ceci dit, je ne disposais gu�re, � l'annonce des r�sultats du scrutin pr�sidentiel, de grille de lecture satisfaisante pour justifier mes erreurs d'appr�ciation et expliquer l'�volution de la conjoncture. Certes, je m'�tais rendu compte, rapidement, que j'avais manqu� de vigilance �pist�mologique, cette r�gle si pr�cieuse pour la connaissance scientifique. Il ne fallait pas, par la pr�cipitation, r�cidiver dans l'erreur. Il �tait n�cessaire de laisser s'�couler le temps n�cessaire � la remise en ordre des id�es et � la r��valuation des diff�rents param�tres qui ont concouru � ces r�sultats inattendus du scrutin. Bien entendu, il a fallu, �galement, v�rifier, de visu, sur le terrain ou par la documentation, la validit� contest�e de certaines affirmations avanc�es dans mes analyses. Voici pour les consid�rations m�thodologiques. Il reste l'aspect moral attenant � votre question. N'ayant pas pour habitude d'assister aux festins des nouveaux conqu�rants qui pensent avoir r�duit toutes les consciences � d�faut de les avoir achet�es, il fallait laisser passer la cur�e. Regardez comment, apr�s d�cantation, l'ordre naturel des choses reprend ses droits. C'est maintenant, seulement, qu'il devient possible de s'aventurer dans la sph�re de la raison.
L. S. : Vous �tes, par cons�quent, dispos� � proc�der � votre autocritique conceptuelle ?
MCM : Oui, j'ai ressenti cela comme une obligation morale. Il fallait lever l'ambigu�t� qui a pu entourer ma d�marche lors de la campagne pr�sidentielle. En acceptant l'hypoth�se d'une d�faillance m�thodologique dans l'analyse, mais en r�futant, sans concession, l'hypoth�se d'une participation � une manœuvre destin�e � manipuler l'opinion publique. Cela �tant, il doit �tre clair que je refuse de me livrer � un d�bat politicien. J'avais appel� � voter en faveur de M. Ali Benflis le candidat du FLN. Faut-il renier ce choix au motif que le candidat a �t� recal� ? Pour avoir toujours œuvr� � r�concilier morale et politique en mon pays, je ne me r�signerai jamais � cette conduite d�testable qui consiste � pourfendre les perdants. Vous faites bien de pr�ciser, par cons�quent, �autocritique conceptuelle�. Attardonsnous, alors, sur l'aspect conceptuel de votre question. C'est, tout d'abord, l'humilit� scientifique qui exige, naturellement, de revenir sur ses erreurs d'appr�ciation. Faut-il, pour autant, pr�ciser que ce n'est pas la substance de l'analyse qui est en cause ? Ce sont essentiellement des ph�nom�nes collat�raux li�s � la conjoncture qui ont �t� mal appr�ci�s. Sinon observez les tendances lourdes de l'analyse. La qualit� de la gouvernance ne s'am�liore pas, la classe politique est toujours peu performante, le foss� soci�t� r�elle-soci�t� virtuelle ne se comble gu�re, le secteur �conomique public se meurt, l'intelligentsia se compla�t dans la d�mission, enfin les maux chroniques de la soci�t� – malvie, pauvret� et injustice - persistent obstin�ment. Si le sc�nario tendanciel se confirme, la manne financi�re ne pourra que diff�rer l'implosion du syst�me.
L. S. : Pouvez-vous, justement, �num�rer les erreurs d‘appr�ciation que vous estimez avoir commises en relation avec ce scrutin du 8 avril 2004…
MCM : Notez bien que, dans mes analyses, j'avais, parfaitement, pr�vu l'hypoth�se de l'�lection au forceps de M. Bouteflika. C'est-�-dire avec le concours de toute la logistique de l'administration mobilis�e � cette fin. De m�me dans la critique de la biographie de M. Bouteflika par Mohamed Benchicou, j'avais mis en garde contre cette propension exag�r�e � nier les talents de tacticien politique du pr�sident de la R�publique. Il n'en reste pas moins que les divergences des services de renseignements – �tatmajor de l'ANP m'ont �chapp� ainsi que l'engouement populaire pour le discours emphatique de M. Bouteflika. Sur un plan tr�s prosa�que, mes analyses avaient omis, aussi, d'int�grer le param�tre de la roublardise comme facteur d'influence pr�dominant sur le cours des �v�nements. Il y eut, � l'�vidence, une manipulation psychologique de l'opinion publique qui a profit� � M. Bouteflika. Il s'agit-l� d'un ph�nom�ne subjectif li� � un mode de comportement psychologique plut�t qu'� des projections de dimension strat�gique. Mais le fait est que cet aspect a eu son importance.
L. S. : Finalement, o� se situent vos erreurs de m�thode, comme vous le dites ?
MCM : La premi�re erreur se rapporte � une �valuation incorrecte de la position de la haute hi�rarchie militaire. Habitu� � la coh�sion traditionnelle qui caract�risait la d�marche de toute l'institution, je n'ai pas per�u les variations qui, de mani�re imperceptible, avaient affect� les positions respectives des services de renseignements et de l'�tatmajor de l'ANP. J'ai manqu�, � l'�vidence, de vigilance �pist�mologique. C'est, sans doute, la proximit� affective avec mon ancienne corporation qui a alt�r� mon jugement. Dans mon appr�ciation, en effet, les services de renseignements et leur hi�rarchie �taient cr�dit�s d'une capacit� d'anticipation strat�gique et d'une facult� d'adaptation au sens de l'histoire universelle qui devaient, logiquement, les conduire � favoriser l'approfondissement du processus d�mocratique. Le contexte s'y pr�tait d'autant plus que l'image de l'institution militaire commen�ait � se r�tablir, s�rieusement, au sein de la soci�t�. Je reste persuad� que cette option a pr�valu m�me si elle n'a pas �t�, unanimement, partag�e.
L. S. : Vous insistez, tellement, sur cette notion de �vigilance �pist�mologique � que vous attribuez au sociologue Pierre Bourdieu. C'est un comble que vous ayez pu commettre une telle m�prise dans l'introspection de votre propre soci�t�…
MCM : Ces pr�notions qui favorisent l'amalgame entre des appr�hensions empiriques fond�es sur le sens commun et des v�rit�s scientifiques m�thodiquement construites sont � la base de graves m�prises dans le raisonnement intellectuel. J'avais ordonn�, pour ma part, mon raisonnement autour d'un pr�suppos� fond� sur une confusion conceptuelle entre mon appr�ciation personnelle de la candidature de M. Abdelaziz Bouteflika et celle du reste de la population. C'est, probablement cette confusion qui a chloroform� mon esprit critique et provoqu� cette �coute biais�e de l'opinion publique. Pourtant, les signaux d'alerte �manant de la soci�t� r�elle n'ont pas manqu�. A commencer par le positionnement favorable � M. Bouteflika de la part de cette multitude de jeunes d�sœuvr�s et de femmes au foyer que je percevais jusque dans mon environnement familial. Pour l'anecdote, d'ailleurs, je fus, totalement, d�sar�onn� par cette d�claration favorable � M. Bouteflika que le cher Abderazzak Belhaffaf publia, en pleine campagne �lectorale, dans la presse nationale. Issu d'une honorable famille alg�roise, ce brillant intellectuel qui, au plus fort de la Bataille d'Alger, fut sous le pseudonyme de Houd, le compagnon de Larbi Ben M'hidi est un condamn� � mort, miraculeusement sauv� de la guillotine. D�sabus� par les luttes fratricides postind�pendance, il avait, d�finitivement, pris ses distances avec la politique et ses acteurs restant � l'�coute de la soci�t� � partir d'un modeste local familial de la rue Bouzrina. Ce r�sistant de la premi�re heure, compar�, volontiers, � Saint-Just par ses compagnons, est, �videmment, inaccessible � la compromission. Il ne pouvait avoir exprim� qu'une conviction. Cette conviction a-t-elle �t� forg�e par l'analyse et la d�duction ou bien a-t-elle �t� forc�e par le compagnonnage des modestes gens qui d�ambulent, sans fin, dans l'ex-rue de La Lyre ? Allez savoir, mais comment, Dieu, ne pas avoir per�u ce signal singulier ? La simple vigilance vis-�-vis de ces signes que d�livre, parfois, le syst�me, aurait d� m'inciter � accorder l'importance qu'il se devait au rejet du dossier de candidature � l'�lection pr�sidentielle du Dr Ahmed Taleb El Ibrahimi. L'�limination de la course du seul candidat capable d'affronter M. Bouteflika sur le th�me de la r�conciliation nationale – leitmotiv de la campagne – indiquait que, quelque part, les jeux �taient d�j� faits. Sur un autre registre, maintenant, il est anormal que certains facteurs de mobilisation de la population li�s, malheureusement, � une r�gression dans le comportement social, � travers la substitution d'un islam de confr�ries, scolastique et f�tichiste, � l'islam moderne des ul�mas, n'aient pas, suffisamment, frapp� mon attention. Vous avez bien raison de tancer l'adepte de Bourdieu qui a laiss� �chapper � son observation vigilante cette nouvelle forme de r�surrection de l'islam populiste. D'autant que, sous cette forme, cet islam avait d�j� s�vi durant la colonisation. Il faut, � pr�sent, s'attarder sur cet �pisode pour en tirer les enseignements pratiques et th�oriques.
L. S. : En somme, vous d�gagez votre responsabilit� morale, c'est une d�faillance de m�thode, purement intellectuelle, qui serait � l'origine de vos analyses erron�es…
MCM : Levons toute �quivoque sur l'aspect politique de la question. L'engagement en faveur de M. Ali Benflis, candidat du FLN, ne m'a �t� ni sugg�r�, ni impos�. Je l'assume m�me si le candidat n'a pas recueilli les suffrages populaires. C'est au plan m�thodologique qu'il faut s'int�resser pour �tablir ma part de responsabilit� en tant qu'analyste. J'ai, incontestablement, commis des erreurs d'appr�ciation provoqu�es par ces pr�notions qui, tel un avatar de la connaissance scientifique, ont perturb� la rigueur du raisonnement. Un Artefact, cette alt�ration des ph�nom�nes �tudi�s provoqu�e par la m�thode d'observation utilis�e - � l'insu m�me de l'observateur qui n'en a pas conscience - a d�, probablement, contrarier, � son tour, la puret� de la d�marche m�thodologique. J'assume ces erreurs de m�thode.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.