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L'entretien de la semaine
Larbi Mehdi Sociologue et Maître de conférences à l'Université d'Oran au soirmagazine : «Ne pas dire merci quand une personne réalise quelque chose interrompt la relation»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 10 - 2014

Dans cette interview, Larbi Mehdi, sociologue, retrace la place de la gratitude et la relation qu'entretiennent les Algériens avec le merci.
Soirmagazine : Dire merci est-il inné ?
Dr Larbi Mehdi : Généralement, dire merci fait partie d'un langage courant. Ce langage s'est construit sur la base d'une forme de politesse ou d'une éducation que toute personne peut exprimer quand elle se sent redevable. Dire merci à quelqu'un qui nous a orientés sur le bon chemin par exemple, ou rendu service grâce à une information mérite d'être récompensé par des mots merveilleux comme «merci bien, vous êtes bien aimable.» Les gestes et les mots d'amabilité entretiennent des rapports humains. Il y a ici une forme de reconnaissance dont toute personne a besoin quand elle sent qu'elle la mérite grâce au geste ou à l'aide qu'elle a fournie. Ne pas dire merci quand une personne réalise quelque chose interrompt la relation et laisse la personne qui a entamé la parole ou le geste désemparée et bloquée. Donc merci n'est pas uniquement un simple mot mais il opère au fonctionnement et au bon déroulement des relations humaines et il sert aussi au développement et au maintien des actions d'entraide entre les hommes.
La reconnaissance est-elle vraiment utile ?
En effet, la reconnaissance est très utile dans notre vie car elle fait partie du jeu social et humain Toutes les personnes quelles que soient leurs positions sociales développent le sentiment de la reconnaissance. Son absence stoppe les relations humaines et la vie sociale cesse d'avoir un sens.
La reconnaissance d'être aidé, d'être soutenu ou d'être écouté même, entretient le mouvement de la vie sociale. L'exemple des parents est illustratif dans ce sens. Nous souhaitons toujours rendre à nos parents ce qu'ils ont fait pour nous. Nous reproduisons leur façon d'être avec nous envers nos enfants et ainsi de suite. Cet exemple est valable aussi envers les autres personnes avec lesquelles nous partageons notre vécu social. Cette reconnaissance est chargée de qualités humaines, jugées positives ou bien pour la continuité de la vie.
Elle peut avoir une définition comme «reconnaissance passionnelle et affective». Mais, il faut dire que la question de la reconnaissance prend une autre signification plus complexe quand il s'agit de la production de l'ordre social et politique.
Il y a lieu de dire que cette reconnaissance est différente de celle développée entre les membres qui partagent avec nous notre vie privée ou celle construite sur la base d'amitié et de fraternité. Cette reconnaissance essentielle à la production de l'ordre social peut prendre la signification de «reconnaissance fonctionnelle et opérationnelle» car elle contribue à la production du monde politique. Notre société souffre énormément de ce problème complexe. L'absence de la «reconnaissance fonctionnelle et opérationnelle» ferme toutes les voies de la production d'une organisation sociale et humaine en Algérie.
Ne pas se sentir reconnu malgré le savoir-faire ou la compétence d'une personne peut désintégrer et soustraire les personnes du monde social.
En Algérie, nous vivons véritablement une désintégration sociale et le premier responsable de cette catastrophe sociale est le régime politique, détenu par des personnes qui ignorent complètement le rôle de la «reconnaissance fonctionnelle et opérationnelle» dans la production de l'ordre social. Au lieu de reconnaître les personnes par rapport à leur compétence, à leur savoir et à leur expérience professionnelle, ces personnes qui détiennent le pouvoir par la force demeurent attentives aux personnes qui entretiennent avec elles la reconnaissance passionnelle et affective. Ce type de reconnaissance ne participe pas au développement des ressources humaines utiles pour construire l'ordre social et le développement économique et politique.
Quelle est la relation de l'Algérien avec la gratitude ?
Tout dépend des lieux et des contextes où la personne se trouve. Il est vrai qu'il n'y a pas une grande frontière entre reconnaissance et gratitude mais il faut reconnaître que la gratitude renvoie à une dette qu'une personne peut sentir comme un poids et du coup, elle exprime le besoin de dédommager ou de compenser pour rétablir l'acte de donner. Il y a un va-et-vient ou ce que les anthropologues appellent le système de «Don» «Donner-recevoir-donner».
La gratitude fait partie de la vie sociale des Algériens (nes). Quand un Algérien apprécie un acte ou un service rendu, il exprime sa gratitude et sa reconnaissance. Les mots yerham waldik, Allah ejazik, merci utilisés par une majorité d'Algériens (nes) expriment d'une certaine façon une gratitude.
Il faut rappeler que la gratitude fait partie d'un héritage culturel et religieux. Toutes les personnes éduquées sur ce modèle culturel réagissent automatiquement pour un acte charitable ou une aide quelconque par les expressions citées. Les personnes indifférentes aux actes généreux et aux aides qu'elles peuvent avoir dans leur vie sont considérées comme des personnes anormales ou mal éduquées.
En général, sommes-nous plutôt des ingrats ?
C'est absurde d'avancer un jugement sans connaître les histoires et les trajectoires des uns et des autres. On ne peut pas dire que les Algériens sont ingrats sans vérifier et sans citer des exemples. Dans tous les cas, les personnes ingrates sont détestables à cause de leur attitude et de leur comportement vis-à-vis des autres qui ne leur ressemblent pas. Nous pouvons rencontrer des hommes et des femmes ingrats dans toutes les sociétés et l'Algérie ne fait pas exception. Ces personnes sont désagréables car elles n'éprouvent pas une reconnaissance pour des biens reçus par exemple.
Dans la vie quotidienne, dire merci n'est pas anodin et peut-il être assimilé à une dette ?
Le mot merci est une réponse langagière par rapport à un acte ou à un service. Dire merci à quelqu'un sans raison n'a aucun sens et laisse la personne qui l'écoute dans le questionnement. En revanche, l'exprimer pour remercier quelqu'un sur son geste généreux équilibre en quelque sorte la situation entre celui qui fait l'acte et celui qui reçoit.
Dans le management des ressources humaines, rares sont les responsables qui disent merci à leurs collaborateurs ? A quoi cela est-t-il dû ?
Cette situation renvoie à la question du travail en Algérie. Quelle signification peut-on donner au travail en Algérie ? Qu'attendons-nous des collaborateurs ? Sommes-nous réellement dans un rapport de production ? Existe-t-il réellement un marché et une concurrence qui exigent des responsables de maintenir et d'entretenir ses ressources humaines par l'écoute, la participation et le respect afin qu'ils s'impliquent davantage pour développer l'organisation du travail et la production? Si ce constat s'avère vrai alors le responsable se transforme malgré lui pour devenir le «manager», qui ne voit aucun complexe, ni aucune menace à dire à ces collaborateurs merci pour le travail qu'ils font. Malheureusement, la gestion autoritaire et individuelle, l'absence de décentralisation des décisions ont favorisé l'émergence d'un type de responsables orgueilleux, qui se méfient de tout changement et interdisent la communication fructueuse dans l'entreprise et dans l'administration publique.
Le refus des responsables d'exprimer un merci explique qu'ils exercent un pouvoir pour ne pas développer la communication. Cette réalité renvoie à la culture de l'entreprise en Algérie et les avis des experts sont unanimes à dire que le management des ressources humaines dans les entreprises et dans les services publics en Algérie n'existe pas.
Nous n'avons jamais pensé à la production et à l'amélioration du rendement et des services. Tout le monde navigue seul pour préserver son poste ou pour avoir une promotion loin des principes de la gestion de ressources humaines.
Ne pas dire merci est-il une expression de méfiance vis-à-vis d'autrui ?
Ça dépend du type de rapport qu'on a avec autrui. Dans les entreprises et les administrations publiques algériennes, il y a une grande probabilité que les responsables développent une méfiance vis-à-vis de leur collaborateur car tout le monde est pris dans une logique de domination qui dépasse la logique de l'entreprise et ses propres règles.
Il ne faut pas oublier que la notion de pouvoir dans l'entreprise est loin d'être une réalité en Algérie.
Les responsables savent bien qu'ils peuvent avoir des instructions de leur tutelle «d'en haut» pour exécuter des opérations qui n'ont pas été prévues dans la planification. Dans cette situation particulière à l'Algérie, on ne sait pas à qui on a affaire alors il vaut mieux garder ses distances dans les lieux de travail par rapport aux collaborateurs ou autres membres du personnel.
En dehors des lieux de travail, il n'y a aucun enjeu qui pousse les individus à se méfier des autres et s'abstenir de dire merci quand le contexte l'exige.
Comment inculquer la gratitude aux enfants ?
Cette question est en rapport direct avec l'entreprise familiale et les moyens culturels et humains dont elle dispose pour faire apparaître la gratitude chez sa progéniture. Généralement, les parents reproduisent leur qualité dans leurs enfants. Il y a lieu de dire que l'instruction publique assurée par l'école peut jouer aussi ce rôle pour inculquer la valeur de la gratitude chez les enfants, mais il reste à voir combien les parents croient en cette qualité pour voir sa manifestation chez leurs enfants. Pour finir, il faut dire que toutes les religions monothéistes incitent les croyants à éduquer leurs enfants à aimer la valeur de la gratitude comme dit le dicton : «Parents, élevez vos enfants dans une discipline aimante que le Seigneur puisse approuver».


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