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Des alternatives à la fracturation hydraulique pour en limiter les impacts
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 04 - 2015

Les techniques alternatives de fracturation comme perspectives prometteuses pour un gaz de schiste propre
Depuis que l'exploitation du gaz et du pétrole de schiste est entrée en jeu, la mise au point de techniques alternatives de fracturation a été au centre des préoccupations de la recherche scientifique. L'intérêt principal de celles-ci réside dans la réduction de l'utilisation de l'eau et des additifs chimiques mais la réalisation d'un forage pour le drain horizontal et l'injection d'un fluide pour l'ouverture et le maintien des fissures demeurent nécessaires. Au-delà du souci environnemental, l'utilisation d'un fluide autre que l'eau dans les techniques alternatives est d'ordre technique et vise le maintien de l'intégrité et de la performance du puits. Dans certains types de formations géologiques, comme l'argile, l'eau peut abîmer sérieusement le puits et réduire l'efficacité de l'extraction des hydrocarbures. L'eau n'est pas, non plus naturellement compatible avec les hydrocarbures, ni un bon vecteur pour les agents de soutènement, d'où la nécessité d'additifs chimiques. Par ailleurs, la rareté de l'eau et les conditions extrêmes des régions froides rendent parfois son usage impossible. L'usage de fluides chimiquement compatibles avec la ressource recherchée, la réduction de l'usage de l'eau et d'additifs chimiques constituent autant de contributions positives à la préservation de la qualité de l'environnement dans le développement du gaz de schiste. C'est dans cette perspective que d'autres fluides ont été testés en substitution à l'eau, tels que le gaz de pétrole liquéfié (GPL, propane), les mousses d'azote (N2) ou de dioxyde de carbone (CO2) et l'azote ou le dioxyde de carbone liquides. Les fluides utilisés sont alors dits énergisés.
Plus récente, l'extraction exothermique non hydraulique ou fracturation sèche utilise l'hélium, un gaz rare et inerte. Injecté sous forme liquide dans la roche, il devient gazeux sous l'effet de la chaleur naturelle de la formation et voit son volume augmenter notablement permettant ainsi une fissuration pneumatique de la roche. Cette technique évite l'usage d'additifs chimiques et réduit le volume d'eau ainsi que les effets polluants des fluides de fracturation. A priori, c'est une technique qui peut ouvrir de nouveaux horizons à une extraction propre du gaz de schiste respectueuse de l'environnement et pourrait se généraliser progressivement une fois sa mise au point totale réalisée. Elle est déjà testée dans un gisement au Mexique et pourrait être intéressante pour notre pays.
Non moins intéressante, la technique de fracturation au fluoropropane ne nécessite pas l'ajout d'adjuvants chimiques et de gaspillage d'eau et se prête facilement au recyclage. La pollution en subsurface est limitée, mais en cas de fuite, le risque de pollution en surface est présent, le fluoropropane entrant dans la catégorie des gaz à effet de serre mais sans toxicité pour l'homme. Cette technique n'a pas été mise à l'épreuve pour le moment, mais elle reste prometteuse.
D'autres pistes moins connues ne nécessitant pas l'injection directe de liquide, notamment l'eau, sont également à l'étude. C'est le cas de la fracturation par arc électrique, qui consiste à créer des fissures dans la roche à l'aide d'une onde produite par effet électrique et peu d'eau. Cette technique ne nécessite pas d'adjuvants chimiques, mais elle a besoin d'installations conséquentes pour la grande production d'électricité, ce qui ne facilite pas sa mise en œuvre dans les zones particulièrement isolées. La firme à l'origine de cette technologie n'arrive pas à la rendre concluante comme elle n'a pas identifié toutes ses conséquences sur l'environnement. Enfin, la fracturation par procédé thermique suscite l'intérêt des pétroliers. Elle consiste à chauffer artificiellement la roche pour que la maturation du réservoir se termine. Avec l'écart de température, la roche se déshydrate, puis se rétracte et se fissure. Ce qui pourrait permettre au gaz de schiste de se libérer. Mais là encore le problème de chauffage nécessite de l'électricité ou un autre procédé de production de chaleur. Les réponses aux impacts environnementaux ne sont pas encore élucidées.
On voit que la recherche avance relativement bien dans la conception de nouvelles méthodes toutes aussi performantes que la fracturation hydraulique et avec moins d'impacts sur l'environnement. Ainsi, nous sommes en présence de pistes prometteuses qui, une fois à point, seront susceptibles d'être mises en œuvre à titre exploratoire en Algérie, surtout que les fluides utilisés ne présentent pas de danger majeur d'inflammabilité et restent abondants dans l'atmosphère. Cependant, quelles qu'elles soient, les techniques d'extraction ne constituent pas le maillon faible de l'exploitation du gaz de schiste tant que nos connaissances technologiques sur l'extraction restent limitées. Aujourd'hui, on sait fracturer la roche sur un rayon de 2 à 4 km, ce qui veut dire qu'un puits occupe environ 1 hectare, mais on ne peut en puiser radialement les hydrocarbures.
Par ailleurs, la durée de vie d'un puits est de quelques années, sa performance baissant de 40% et 50% durant les deuxième et troisième années, d'où la nécessité de forer continuellement de nouveaux puits pour maintenir le niveau de production. Cette densification peut conduire à une forme de «mitage» du paysage et à la perturbation des écosystèmes, autre inconvénient de l'exploitation du gaz de schiste sur lequel la recherche doit encore se focaliser. Cela étant, on devrait privilégier la confiance et la sérénité en allant vers une maîtrise des technologies d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste par la formation et la recherche par nos propres compétences, seule et unique voie garante de la maîtrise du risque et du respect de l'environnement sur la base du principe : on ne peut être mieux servi que par soi-même. Cette voie ne peut s'accommoder de la démarche prônée jusqu'ici qui consiste à confier l'exploration et l'exploitation à des entreprises étrangères souvent peu soucieuses des impacts environnementaux de la ressource. Comme il est capital de continuer les études exploratoires en vue d'une évaluation plus rigoureuse des réserves en fonction de la spécificité du contexte géologique de notre sous-sol pour envisager la durabilité et les coûts de l'exploitation en évitant la focalisation sur des sites idéaux pouvant biaiser cette évaluation et nous mener vers un optimisme démesuré et des lendemains illusoires.
La phase d'estimation des réserves récupérables du gaz de schiste primordiale pour l'élaboration d'une nouvelle stratégie énergétique
L'exploitation du gaz de schiste doit être resituée dans les contextes géologique, environnemental et démographique du Sahara algérien avec toutes les contraintes et les facilités que cela peut offrir. Cette approche est à inscrire comme une priorité avec l'explication du travail exploratoire qui n'est qu'une étape préliminaire qui peut ouvrir les portes à la phase d'exploitation comme elle peut les fermer pour des raisons de complexité géologique et, partant, de coût et d'impacts environnementaux non maîtrisables ou trop coûteux rendant cette seconde phase économiquement non viable.
En 2013, les réserves mondiales en gaz de schiste récupérables sont estimées à 220 000 milliards de mètres cubes assurant ainsi 65 années d'approvisionnement aux taux actuels de consommation. Mais ce chiffre n'est qu'une estimation préliminaire et reste discutable, l'ARI (Advanced Ressources International) ne précisant ni la marge d'erreur sur ces estimations ni quel volume de gaz pourrait être économique à l'extraction.
Placée aux premières loges, l'Algérie s'inscrit dans cette dynamique d'exploration des réserves en gaz de schiste et focalise légitimement les recherches sur de nombreux bassins dont la géologie est potentiellement favorable à ce type de ressources. L'estimation des réserves passe évidemment par de lourds travaux de géophysique exploratoire, dont certainement d'anciennes campagnes ont dû être exploitées pour l'imagerie de la subsurface et la modélisation des réservoirs potentiels, mais aussi par le forage de puits afin de mieux cerner leurs propriétés pétrophysiques.
Ces opérations permettent de mieux contraindre le volume des réserves et appréhender le mode opératoire, déterminé par la qualité des formations rocheuses ciblées. Une meilleure connaissance de ces paramètres va aider au choix des ingrédients de la fracturation et du forage horizontal à mettre en œuvre, avec une implication sur les coûts de revient et les impacts environnementaux. Ces derniers sont contraints par les propriétés géo-mécaniques des formations et la fabrique physico-chimique à utiliser pour améliorer la perméabilité des formations en vue de l'extraction. Plus cette perméabilité est faible, plus il faut fissurer la roche et plus le processus à mettre en œuvre sera complexe et coûteux, avec notamment l'implication de chimismes et de fluides spécifiques pour augmenter le volume des vides et assurer leur communicabilité. Ces forages visent à rassembler un faisceau d'informations et de données techniques en vue d'optimiser au mieux les processus de la phase d'exploitation si elle venait à être engagée. Ce qui semble avoir été déjà accompli au moins partiellement.
L'étape d'évaluation des réserves est importante et nécessaire en ce sens qu'elle participe à la configuration de la future politique gazière et énergétique de l'Algérie, en association avec nos potentialités en ressources fossiles prouvées, après une meilleure appréciation de la rentabilité économique du développement du gaz de schiste. Elle nous évitera de verser dans l'euphorie comme ce fut le cas de la Pologne pour qui l'ARI avait prédit en 2011 les plus vastes gisements en Europe pour ensuite réduire, en 2013, les estimations de plus d'un tiers, arguant que les essais n'ont pas abouti aux résultats escomptés.
Les études d'exploration et d'évaluation des réserves entreprises pour les mêmes gisements n'ont conduit qu'au dixième des estimations de l'ARI ! C'est-à-dire qu'il y a une part d'incertitude sur les réserves et d'inquiétude dans l'avenir de cette ressource, nécessitant une conciliation entre l'estimation fiable des réserves,les coûts de revient à l'exploitation et le management environnemental, et des conflits qui peuvent en surgir. Ce n'est que dans cette perspective que le gaz de schiste peut être envisagé comme un levier économique potentiellement viable.
Selon les données préliminaires, l'Algérie peut compter dans un premier temps sur l'énorme potentiel de la plate-forme saharienne. En effet, huit principaux bassins de gaz de schiste et de tight sand gas sont identifiés : Tindouf, Ahnet/Timimoun, Reggane, Mouydir, Berkine/Ghadames, Illizi. Tindouf, Reggane et Berkine sont à fort potentiel, Ahnet à potentiel moyen tandis les bassins du Mouydir et Illizi sont à faible potentiel. Ces bassins placent l'Algérie au troisième rang en matière de réserves techniquement récupérables. Pour aller vers l'exploration de cette ressource, l'Algérie a amendé en 2013 la loi sur les hydrocarbures, introduisant des mesures incitatives et assouplissant, par la même occasion, le régime fiscal pour encourager et promouvoir l'investissement étranger dans le secteur des hydrocarbures non conventionnels. Dans la nouvelle loi, les redevances sont réajustées sur la base du niveau de production et les impôts sur le revenu prenant en considération les difficultés d'exploration et les risques.
Dans une première approche, le gaz de schiste peut être envisagé comme un appoint non négligeable à notre économie et non comme une alternative à court terme aux hydrocarbures conventionnels, les coûts de revient à l'exploitation pouvant rester élevés et constituer un handicap à la vulgarisation de son industrie en plus des craintes suscitées par les impacts environnementaux qui restent discutables selon les cas et les pays, les comparaisons et les mimétismes pouvant biaiser les appréciations et les décisions. Il faut rester prudent et opter pour des techniques d'exploitation qui réduisent à la fois les coûts à la production et les impacts sur l'environnement pour entrevoir une industrie du gaz de schiste économiquement rentable. A ce titre, la sérénité doit prévaloir dans les débats tout en évitant de stigmatiser cette ressource comme le mal du siècle par des conjectures démesurées prédisant les pires conséquences à l'humanité. Et pourtant, l'ère du charbon continue de faire pire avec insouciance, infligeant de sérieux revers à l'atmosphère et à l'humanité !
La question de l'eau : une variable névralgique au cœur du développement du gaz de schiste par l'importance des volumes consommés et les risques de contamination
La fracturation hydraulique et le forage horizontal avec ses ramifications ou puits multilatéraux exigent des volumes d'eau considérables. L'expérience américaine montre que la fracturation hydraulique nécessite généralement de 8 000 à 80 000 m3 d'eau par puits selon les conditions géologiques et la profondeur des formations ciblées. Un besoin supplémentaire de 25% est associé au forage, l'extraction et l'exploitation minière du sable ou des agents de soutènement (sable tamisé ou billes de céramique). Il est d'usage de retenir un volume raisonnable de l'ordre de 2000 m3 par puits pour ces besoins selon le type de forage et les pratiques utilisés. Mais ces chiffres sont à replacer dans un contexte plus général pour saisir la signification de ces volumes d'eau. En fait, même s'ils paraissent substantiels, globalement ils demeurent relativement faibles comparés à ceux utilisés dans l'agriculture et la thermoélectricité par exemple, lorsqu'on les rapporte aux superficies impliquées dans chaque secteur. Pour illustrer ce facteur d'échelle, au Texas, la part d'eau utilisée dans la fracturation hydraulique représente moins de 1% du volume total d'eau consommé dans tous les secteurs.
Tandis que l'extraction de gaz de schiste dans les sites de Johnson, Parker et Wise, dans le Barnett, participe pour 10 à 30% dans le volume total utilisé, eaux de surface et souterraines comprises. Dans les régions de Haynesville, Eagle Ford et Barnett Shales, l'extraction de l'énergie non conventionnelle participe respectivement pour 11%, 38% et 18% dans l'usage total des eaux souterraines. Au futur, le volume d'eau correspondant au pic d'extraction variera entre 30 et 135% de la consommation totale selon les régions. Ainsi, les besoins en eau peuvent être élevés localement mais faibles sur de grandes échelles relativement aux besoins en eau dans l'agriculture et les grands centres d'énergie. On peut citer encore le cas de Marcellus Shale en Pennsylvanie où le boom du gaz de schiste a nécessité d'énormes quantités d'eau puisées des ressources locales entraînant des pressions sur les populations et l'intervention de l'Etat pour en réguler l'usage. Heureusement que le recours à d'importantes quantités d'eau est compensé par le recyclage des eaux usées générées par les forages et l'extraction.
Le recyclage connaît une tendance positive et atténue de plus en plus le recours à l'eau potable. En effet, avant 2011, seuls 13% des eaux usées étaient recyclés dans le Marcellus Shale dans les opérations de production et depuis, ce taux est de 56%, voire plus ! Comparé aux autres ressources énergétiques, le développement du gaz de schiste se situe à des niveaux comparables en matière de consommation d'eau, notamment si on rapporte la quantité consommée à l'unité d'énergie produite.
En fin de compte, ce ne sont pas les grands volumes d'eau consommés par l'exploitation du gaz de schiste ou la crainte de mettre sous pression les réserves des nappes phréatiques qui créent des tensions chez les populations, ce sont les risques de pollution que peuvent entraîner ces quantités d'eau à leur retour en surface.
En effet, celles-ci contiennent des additifs chimiques adaptés à la fracturation des roches en place dans des proportions de 1 à 3%. Ces chimismes présents dans les fluides de fracturation et drainés à partir des formations géologiques par les eaux de reflux constituent des polluants potentiels pour les eaux souterraines et de surface si les procédures en vigueur ne sont pas observées par les opérateurs dans les diverses étapes du développement des hydrocarbures non conventionnels. Le maintien de l'intégrité des puits, la réduction des déversements de surface et l'élimination incorrecte des eaux résiduelles sont autant de questions centrales dans la minimisation du risque de contamination de l'eau potable par les additifs chimiques des fluides de fracturation et par les contaminants naturellement présents dans les formations comme les sels, les métaux et parfois la radioactivité.
En principe, la fracturation hydraulique peut générer des amorces de rupture à des milliers de mètres sous terre connectant des aquifères peu profonds avec des formations plus profondes et offrant ainsi des voies de migration aux additifs chimiques de la fracturation et aux eaux salées vers le haut. L'expérience montre qu'en pratique, cette occurrence est peu probable en raison de la profondeur de la plupart des formations de schiste ou des réservoirs compacts ciblés qui se situent en général entre 1 000 à 3 000 m de profondeur et les données micro-sismiques prouvent que les hydro-fractures se propagent rarement au-delà de 600 m. Il est aussi probable que les fissures se connectent avec une faille ou une fracture naturelle, un puits abandonné, ou une voie souterraine permettant aux fluides de migrer vers le haut. Des études menées en Pennsylvanie sur ce type de risques dans 68 forages d'eau souterraine à proximité d'un champ de gaz de schiste n'ont montré aucune évidence d'augmentation des teneurs en sels, métaux et radioactivité dans l'eau potable des ménages dans un rayon d'un kilomètre autour des puits. Cependant, elles ont prouvé des concentrations de méthane 17 fois plus élevées dans cette eau, des concentrations relativement élevées d'éthane et la présence de traces d'isotopes de CH4 en liaison avec une source thermogénique. Les investigations menées pour identifier cette source sur la base d'analyses de l'eau dans 141 foyers ont établi une contamination parasite par du gaz de schiste dans certains foyers ayant leur propre puits d'eau et du gaz d'une formation plus superficielle pour d'autres foyers. Les chercheurs ont conclu à une contamination par des fuites de méthane à travers la cimentation et le tubage des puits qui ont pollué incidemment les aquifères superficiels. Dans le gisement de Marcellus en Pennsylvanie, la compilation des données officielles relatives aux hydrocarbures non conventionnels pour la période 2010-2013 révèle un taux d'échec des puits de 3 à 6% dans les trois premières années de leur durée de vie. De manière plus générale, les agences de régulation confirment 116 cas de contamination d'eau de puits en relation avec des activités de forage de gaz de schiste en Pennsylvanie, Ohio et Virginie de l'Ouest, pour ces dernières années. Enfin, l'analyse de l'eau d'un échantillon de 127 foyers du site de Fayetteville en Arkansas, n'a relevé aucune forme de contamination dans la région. L'un des défis majeurs à relever dans le problème de la contamination des ressources hydriques est la maîtrise des eaux usées produites lors des activités de forage. Aux Etats-Unis, celles-ci en génèrent près de 8 millions de mètres cubes par jour ! Les déchets de carottage et les eaux usées produits lors de l'exploration, le développement et la production d'hydrocarbures sont classés dans la catégorie des déchets spéciaux, exclus de la réglementation fédérale sur les déchets dangereux.
Les eaux usées provenant de l'exploration du gaz et du pétrole sont généralement classées comme eaux de reflux et eaux produites ! Les eaux de reflux consistent en des fluides qui retournent en surface après l'étape de fracturation hydraulique et avant le début de l'étape de production, principalement durant l'opération de complétion du puits. Elles représentent 10 à 40% du volume de fluides injectés pour la fracturation et des additifs pompés sous terre qui remontent en surface mélangés aux eaux naturelles salées des formations ciblées. Les eaux produites représentent les fluides qui affluent en surface en cours de production. Elles reflètent principalement le chimisme et la composition des eaux et des fluides capillaires des formations profondes. Elles sont salées à hyper-salées (35 à 200 g/l) et contiennent parfois des composés toxiques de baryum, d'arsenic et de radium radioactif. Les eaux usées issues de la fracturation hydraulique sont éliminées de diverses manières, mais l'injection souterraine profonde est à plus de 95% le mode d'élimination le plus utilisé aux Etats-Unis. Ce sont des millions de mètres cubes d'eaux usées qui sont éliminées quotidiennement par ce procédé. En revanche, l'injection des eaux usées en profondeur n'est pas autorisée en Europe à moins qu'elle ne serve à améliorer la récupération de pétrole et de gaz. Aux Etas-Unis, les eaux usées peuvent être confiées à des centres de traitement privés, ou sont de plus en plus recyclées et réutilisées. A titre d'exemple, en 2011, 56% des eaux usées issues du site de Marcellus en Pennsylvanie sont recyclés, alors que les 44% restants sont confiés à des centres privés dotés d'installations de pointe pour leur traitement, notamment le dessalement, atteignant des taux de recyclage de 90%. D'autres formes d'élimination, en particulier dans le secteur agricole, pouvant porter atteinte à l'environnement sont de moins en moins tolérées, voire interdites.
Evidemment, il existe toujours des manquements et on doit noter deux sources potentielles pouvant être à l'origine du risque de contamination de l'eau potable par les eaux usées qui sont :
a - les fuites et les déversements en surface à partir des puits et des bassins de stockage ;
b - le traitement inapproprié avant le rejet. Toutefois, l'expérience montre que le taux des déversements ne dépasse guère 0,5% des puits en activité sur de grands sites connus pour leur forte densité en puits de gaz de schiste. Estimé à 3,8 milliards de mètres cubes par an, le volume d'eaux usées issu de l'exploitation des hydrocarbures constitue une préoccupation majeure dans le management de l'environnement aux Etats-Unis, mais les mesures mises en œuvre réduisent énormément les risques à tous les niveaux. Dès lors, si les procédures appropriées sont bien respectées par les opérateurs, il n'y pas de raison pour que les additifs chimiques se retrouvent dans les eaux souterraines.
Pour revenir au cas du Sahara algérien, il est évident que l'exploitation du gaz de schiste doit tenir compte de l'extension géographique et de la profondeur des aquifères du continental intercalaire, du complexe terminal et du turonien qui interférent avec celles des bassins visés par l'exploration du gaz de schiste. Pour rappel, le continental intercalaire dont les réserves sont estimées à 20 000 milliards de mètres cubes est l'aquifère le plus profond (jusqu'à 2 000 m ou plus) confiné dans les formations gréseuses de l'albien, surmonté par le complexe terminal moins étendu qui dépasse rarement les profondeurs de 500 m à l'est notamment et renferme plus de 11 000 milliards de mètres cubes. Ces deux aquifères à épaisseur variable et à configuration spatiale complexe surmontent en grande partie les formations du cambrien, de l'ordovicien, du silurien et du frasnien où gît l'essentiel des réserves des hydrocarbures non conventionnels (tight sand gas, ultra tight sand gas et shale gas) ciblées par le développement.
En général, la géologie montre une protection naturelle de ces réservoirs aquifères par la présence de murs et toits imperméables ou semi-perméables limitant leur vulnérabilité aux interconnexions et à d'éventuelles intrusions de fluides polluants, excepté bien entendu pour les affleurements en surface et les zones faillées pouvant constituer des voies potentielles. Il est évident que les énormes besoins en eau nécessaires au développement du gaz de schiste ne doivent exercer ni pression ni menace sur les capacités de ces principaux aquifères, en ce sens que les besoins en eau pour la fracturation peuvent être satisfaits par des puisages en nappes plus profondes telles que celles du néocomien, du jurassique ou du trias, moyennant probablement des traitements appropriées pour les rendre moins agressives et corrosives pour les équipements de forage et de fracturation. Cette condition doit être mentionnée comme exigence et obligation dans les cahiers des charges et les contrats d'exploration avec les partenaires retenus, même si cette clause risque d'induire une légère incidence sur les coûts d'exploitation. En matière d'impact sur les eaux souterraines, la traversée des formations aquifères par les forages verticaux, leur contiguïté verticale avec les formations de gaz de schiste moyennement profondes (frasnien et silurien) peuvent favoriser des croisements avec les fluides de fracturation ou de reflux et donc les risques de pollution par les additifs chimiques ou les eaux des formations ciblées. D'où la rigueur à observer dans le respect le plus total de l'intégrité des puits de forage par la mise en œuvre de travaux de cimentation et de tubage de qualité garantissant au mieux l'étanchéité des puits à tout moment. Ces opérations doivent faire l'objet de contrôles accrus par des organes d'observation et de surveillance indépendants dans le respect des normes et standards spécifiques rappelés dans les cahiers des charges et les contrats.
D'un autre côté, il est vrai que les formations à forte valeur de tight sand gas et d'ultra-tight sand gas du cambro-ordovicien et du dévonien se situent à de plus grandes profondeurs (4 000, voire 6 000 m) et les risques d'interférences avec les aquifères du continental intercalaire et du complexe terminal sont plus faibles, les voies de communication étant plus réduites, mais ce n'est pas le cas des formations siluriennes et frasniennes qui renferment des proportions importantes de minéraux argileux et nécessitent des précautions particulières pour l'encastrement d'agents de soutènement et de compatibilité des fluides de fracturation.
Dans tous les cas, les procédures appropriées de préservation de l'intégrité des puits, doivent être scrupuleusement observées, notamment dans les zones faillées pouvant constituer autant de voies de migration et d'intrusion des fluides et des additifs chimiques en cours de fracturation ou d'injection des eaux usées en profondeur.
L'exploitation du gaz des hot shales du frasnien et du silurien des bassins algériens étant plus délicate en termes de risque, en raison de leurs spécificités physico-chimiques et géologiques, leurs eaux de reflux doivent subir un traitement en conséquence et être réinjectées en profondeur afin d'éviter les risques d'épandage et de contamination en surface. Il en découle que des règlements et des normes spécifiques doivent être élaborés sous forme de cahiers des charges à respecter scrupuleusement par les différentes parties sous le contrôle d'organes de régulation indépendants ou mixtes, en fonction des particularités géologiques des formations ciblées et des aquifères en présence mais aussi des pratiques de fracturation et des chimismes en place et à utiliser lors des opérations d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste dans notre pays.
I. H. Z. 
(*) Géophysicien département STU, université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou.


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