La pénurie de petite monnaie est un fait incontestable depuis quelques années. La dévaluation du dinar a écarté du cycle commercial les plus petites pièces de monnaie. A chaque transaction chez un commerçant de proximité, il y a risque d'altercation, malheur à celui qui se présente avec un billet de grande valeur. Mais quelles sont les réelles raisons de cette pénurie ? Rafik Aïouaz - Alger (Le Soir) - Pharmaciens, transporteurs, épiciers pour ne citer qu'eux, tous pâtissent du manque de petite monnaie. Chaque journée de travail est également synonyme de quête désespérée de pièces de petite valeur. Certains tentent de s'adapter en arrondissant leurs prix ou en offrant des bonbons en guise de monnaie. Un vendeur informel de la rue Ben-Mhidi à Alger nous a même confié qu'il s'était «associé» à un mendiant du coin pour une sorte d'échange de bons procédés. Pour les transporteurs privés de voyageurs, l'annonce courant février du ministère des transports de l'augmentation des tarifs est inapplicable. L'augmentation de 1, 2 ou 3 dinars dans le but de compenser les pertes des transporteurs privés engendrées par la hausse générale des prix des hydrocarbures est impossible à mettre en place, selon les concernés. L'incompréhension est totale. «On nous dit d'augmenter les prix de deux à trois dinars, quand avez-vous vu une pièce de deux dinars pour la dernière fois ? Déjà qu'on trouve toutes les difficultés à avoir un fonds de caisse conséquent en terme de pièces de valeurs supérieures...», s'égosille un receveur de la station Aïssat-Idir à Alger. Une difficulté accentuée, selon un chauffeur de bus de la capitale au niveau de la station du 1er-Mai. «Certains voyageurs sortent un billet de 1 000 DA, voire 2 000 DA, il nous arrive de nous séparer de toute notre monnaie dès le premier voyage de la journée», peste-t-il. Seuls quelques corps de profession parviennent à s'en sortir dans cette pénurie. «Pour moi, heureusement, je n'ai pas de problème de ce côté-là, c'est même moi qui fais de la monnaie aux clients et aux commerçants du coin. Les petits écoliers d'en face viennent acheter des bonbons régulièrement, ce qui fait d'eux de sûrs pourvoyeurs de petite monnaie», s'amuse le gérant d'un kiosque à tabacs. Une politique conjoncturelle inefficace Selon l'analyste financier Ferhat Aït Idir, parmi les causes de cette pénurie figure le manque de vision à long terme de la Banque centrale d'Algérie. «Depuis les années 2000, la Banque centrale nous a habitués à une politique de réaction au cas par cas liée à la conjoncture du moment et non à une stratégie forte de production de monnaie pour remédier à ce type d'aléas», affirme-t-il. Initialement, l'émission de monnaie doit obéir à une règle pyramidale : s'il est émis un billet de 2 000 DA, doivent être émis deux billets de 1 000 DA, quatre billets de 500 DA, et ainsi de suite jusqu'à la pièce de plus faible valeur. «L'Algérie n'obéit pas à cette règle, ce qui n'est pas forcément une si mauvaise chose quand on sait que les billets de 1 000 et de 2 000 DA ont tendance à intégrer moins souvent le cycle commercial et se retrouvent plutôt dans les coffres-forts des épargnants», tente d'expliquer l'analyste financier pour qui l'émission en grande quantité de billets de 2 000 DA est irrationnelle, c'est aussi une cause inflationniste. Les responsables de la Banque d'Algérie doivent impérativement présenter les solutions nécessaires pour mettre fin à ces difficultés auxquelles fait face quotidiennement le citoyen algérien.