Le ministre des Relations avec le Parlement, Tahar Khaoua, sort de sa réserve : dans une intervention à la chaîne de télévision Echourouk News, diffusée lundi dernier, le ministre, membre du comité central du Front de libération nationale, tire à boulets rouges sur son secrétaire général, Ammar Saâdani auquel il attribue tous les griefs que ce dernier avait retenus contre son farouche adversaire, Ahmed Ouyahia ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - «Monsieur Ouyahia est un grand homme d'Etat et il est très fidèle à Son Excellence, Monsieur le président de la République», lançait, entre autres, Tahar Khaoua une semaine à peine après que Ammar Saâdani surprit par sa fracassante sortie sur les ondes de la Radio nationale. L'actuel secrétaire général du FLN s'attaquait, ce jour-là, le 29 mars dernier, avec une rare violence à son homologue du Rassemblement national démocratique et également ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia. «Ouyahia ( il le cite nommément ndlr) n'est pas honnête avec Son Excellence le président de la République. Il veut se présenter aux élections présidentielles de 2019» ! Saâdani ne s'arrête pas là. Il s'acharnera sans retenue contre Ouyahia qu'il accuse d'avoir ruiné l'économie nationale, d'avoir emprisonné injustement des milliers de cadres, etc. Il ira jusqu'à lui dénier le droit de parler au nom de son propre parti, le RND. «Il ne représente que lui-même et sa décision de boycotter la rencontre de la coupole est individuelle car la base du RND est avec nous !» Sur sa lancée, Saâdani se permettra même de s'octroyer une prérogative présidentielle exclusive en demandant, publiquement, au ministre d'Etat, directeur de cabinet de la Présidence de... quitter son poste ! Cette sortie inouïe de celui qui passe pour l'homme politique atypique de toute l'histoire de l'Algérie sera toutefois «atténuée», immédiatement, par un coup de fil venu d'en haut ! Un coup de fil qui fera que, comme par hasard, l'émission de deux heures de Saâdani disparaît du site internet de la radio quelques minutes seulement après sa publication, que l'agence officielle APS n'en parle pas et, qu'enfin, la télévision nationale, le censure carrément ! Pourtant, Saâdani était l'invité des trois médias publics, à l'occasion. Pour censurer un Ammar Saâdani sur les médias publics et parapublics, il faut une intervention «d'en haut», c'est-à-dire de Bouteflika ou de son entourage le plus immédiat. Et il est fort à parier que ce soit ce même entourage immédiat de Bouteflika qui a commandité la sortie du ministre des Relations avec le Parlement, Tahar Khaoua ! Certes, les relations entre les deux hommes sont exécrables et cela, du temps où Khaoua était encore chef du groupe parlementaire du FLN. Mais ce dernier n'ignore pas, pour autant, l'influence de Ammar Saâdani, l'homme qui a sous «sa» coupe, pas moins de quatorze ministres depuis le dernier congrès du parti de juin 2015. Nous savons également de source sûre que Saâdani a saisi officiellement «qui de droit», pour écarter Tahar Khaoua du gouvernement. Mais le toujours ministre des Relations avec le Parlement ne se serait jamais permis, d'abord cette entorse à l'obligation de réserve , ensuite le luxe de s'attaquer frontalement à Saâdani sans en avoir été «inspiré» de là où il faut ! Khaoua livrera même deux ou trois messages codés à Saâdani lors de son intervention télévisée. «Je suis fier d'avoir été doublement honoré par Son Excellence Monsieur le président de la République qui m'avait nommé au gouvernement et qui m'avait chargé aussi de la lecture de son message personnel lors du congrès du parti en juin dernier», dira Khaoua, comme pour rappeler, comme l'avait fait Ouyahia avant lui, que le chef réel du FLN demeure Abdelaziz Bouteflika et non pas son secrétaire général. Puis cet autre message, sous la forme d'un avertissement à peine voilé : «Celui qui ambitionne de se présenter comme candidat aux présidentielles au nom du FLN, doit passer par le bureau politique et le comité central du parti» ! Khaoua parle, bien sûr de... Ammar Saâdani !
