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LE PERE DE SAMY AMIMOUR, L'UN DES ASSAILLANTS DU BATACLAN, SE CONFIE AU SOIR D'ALGERIE :
I. Jours tranquilles à Drancy ou le calme avant la tempête
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 05 - 2016

Fin mars, j'ai rencontré Azzedine Amimour, un ami qui fut également mon voisin de palier, du temps où il venait en vacances en Algérie, avec toute sa famille, y compris le petit Samy, regard d'ange et condensé de générosité... Dans le silence d'un restaurant de la corniche annabie, il m'a raconté la longue et douloureuse histoire d'une radicalisation qui a commencé dans une mosquée de Blanc-Mesnil pour se terminer dans le sang à Paris. Il m'a dit qu'il avait tout fait pour sauver son fils et notamment ce voyage de l'impossible au cœur de Daesh avec un plan d'évasion digne de James Bond... Mon récit sera celui du frère solidaire de ce courageux père de famille et non la story exclusive empruntée à un journalisme froid et commercial...
En cette fin mars et au bout d'un hiver absolument déboussolé, l'un des plus doux que nous ayons jamais connu, les nuits sont pourtant fraîches et le vent souffle très fort dehors. De la baie de ce restaurant qui ressemble à l'intérieur d'un bateau, on a une vue impressionnante sur la mer. Sous la lueur de l'astre, les vagues qui hurlent de toutes leurs forces avant d'éclater au bas de la bâtisse, semblent encore plus enragées que d'habitude. Giboulées de mars...
Mon regard quitte le monde extérieur dévasté par le vent et se pose sur l'homme qui me fait face, dans cette table, la seule occupée dans ce restaurant totalement vide. Azzedine, mon ami, est de retour à Annaba pour quelques jours et, comme j'étais également de passage dans cette ville, j'ai tenu à le rencontrer.
Azzedine fut mon voisin à l'époque où il tenta de ramener sa famille pour l'accoutumer au bled qu'il comptait rejoindre pour de bon. Mais les nombreuses affaires qu'il monta ici ne tournèrent pas comme prévu et, quand il me proposa de me vendre l'appartement qui faisait face au mien, ainsi que son magasin au rez-de-chaussée de notre immeuble, pour une bouchée de pain, je ne voulus pas l'«aider» à se débarrasser de ce petit lien qui le retenait encore au sol natal. Mais sa décision était prise... Il vendit le tout et retourna en France, à Drancy... Une tentative à Dubaï. Infructueuse. Retour en France. Puis, une petite affaire à Liège... Un magasin dans une rue commerçante... Il y est toujours.
«C'est Samy, papa ! Samy notre voisin...»
Azzedine fut un bon voisin. Chaque été, on savait qu'il allait débarquer avec sa smala. Un petit bout de femme, pleine de gentillesse et de générosité, et des bambins adorables. Deux filles belles comme le soleil et un garçon affable. Un môme bien éduqué, souriant mais peu bavard car d'une timidité excessive. Il venait souvent à la maison pour jouer à des jeux vidéo avec mon fils qui venait d'acquérir sa première PlayStation.
Samy. On l'appelait tous comme ça. L'autre jour, en voyant les scènes de carnage du Bataclan à la télévision, un portrait et un nom nous firent accourir devant le poste. Samy Amimour était l'un des assaillants supposés ! On ne voulait pas croire qu'il s'agissait du même Samy le gentil, celui qui ne ferait pas du mal à une mouche... Mais mon fils le reconnut, bien qu'il ait beaucoup changé. C'est lui, il n'y a pas de doute. Les filles appellent de loin. Elles le reconnaissent : «C'est Samy, papa ! Samy notre voisin...»
Azzedine a quelque chose sur le visage qui ressemble à toutes les tristesses du monde. Toutes les calamités, tous les drames et les tragédies de cette vaste planète semblent avoir choisi ce corps frêle, abattu, pour y habiter à jamais. Il y a trop de questions qui tournent dans ma tête mais je n'en pose aucune. Je veux les poser toutes d'un trait mais je n'arrive pas. Je me tais. C'est ce que je fais toujours. On me l'a déjà dit : j'ai beaucoup de défauts mais une qualité rare : je sais écouter les gens... Il y a un nombre incroyable de personnes connues pour ne pas se livrer facilement mais qui me disent tout, même des choses inavouables ! Peut-être que je les mets en confiance et qu'ils savent que leurs paroles resteront à jamais enterrées. Le journalisme ne me trotte pas toujours dans la tête comme une espèce de seconde nature nuisible, tirée par la sournoise prétention du scoop ou du gain facile. J'ai rencontré Azzedine parce que j'avais envie de le revoir, de le soutenir après tout ce qui lui est arrivé et je ne pensais pas que cette entrevue allait donner un article. Je n'y pensais même pas d'ailleurs jusqu'au moment où Azdy, comme on l'appelle entre nous, me lance : «Et pourquoi ne ferais-tu pas un papier sur tout ça ?» Il me dit qu'il a été sollicité de partout, en Algérie et ailleurs. Je lui conseille fraternellement de ne pas trop se livrer dans la presse qui a des intérêts soit idéologiques, soit commerciaux dans ces affaires-là et de garder son histoire pour un livre. Il me dit alors que c'est son projet... Tant mieux alors, pas besoin d'un article dans Le Soir d'Algérie, d'autant plus qu'il risque de porter atteinte aux autres membres de la famille dont je connais la droiture, une honnêteté presque maladive... Non, ajoute-t-il, j'ai des choses à dire...
L'hôtellerie, la musique, le cinéma, le journalisme, le transport, l'imprimerie, la restauration...
Son père fut un grand imam respecté par tous car empreint de cet esprit de pardon et d'humanisme qui sont la marque de notre islam à nous. Sa mère était la petite-fille d'un compagnon de l'Emir Abdelkader, née en Palestine et qui a grandi au Caire. C'est dans un climat de tolérance qui laissait à chacun la liberté de choisir sa vie, qu'il vécut sa tendre enfance. Azzedine et les autres enfants Amimour s'épanouirent au milieu de la poésie, de la littérature engagée, de la belle musique et des merveilleuses choses de l'esprit révolutionnaire.
Il sera d'ailleurs toujours attiré par la musique. Dans les années 1970, il était l'un des animateurs des groupes rock qui foisonnaient à Annaba. Sa guitare ne le quittait jamais. Il composa paroles et musiques, anima des dizaines de galas et enregistra même des «45 tours»... Mais il n'alla pas jusqu'au bout.
A quoi rêvait l'enfant de Joannonville, ce quartier étalé à l'est de l'embouchure de la Seybouse, à l'époque où elle côtoyait les ruines d'Hippone, avant d'être détournée vers Sidi Salem pour se jeter dans la Méditerranée, près des pistes de l'aéroport des Salines (actuellement Rabah-Bitat) ? Un quartier à l'italienne ou à l'espagnole, totalement tourné vers la mer, avec ses ruelles animées et ouvertes sur le grand bleu. Le meilleur poisson et les meilleures «kemias», c'était à Joannonville où l'on prenait l'apéro en écoutant la belle musique de Charles Trenet et d'El Kord, le maître local du malouf.
Azzedine est connu pour ses projets qui s'arrêtent au beau milieu de la route. Est-ce une malédiction ou cette recherche de l'irréalisable «parfait» qui le stoppe à chaque fois ? Ni l'une, ni l'autre. Le gars n'est pas du genre à faire longue route avec ceux qui le trahissent. Je suis convaincu d'une chose : Azzedine ne cherche pas que l'argent dans tout ce qu'il entreprend. Il cherche à s'accomplir et, dans cette quête d'une œuvre qu'il voudrait parfaite, il y a toujours des couacs. Il en supporte tous ceux qui proviennent du caractère aventurier de certaines réalisations; il supporte la bureaucratie, les difficultés; il supporte tout sauf la fausseté et la tricherie... Quand il fait la route avec un mauvais associé, quand il se sent trompé, il ne cherche pas la confrontation, il abandonne tout et va sur autre chose. C'est son caractère entier, tranchant qui lui interdit les demi-solutions et les replâtrages. Quand ça se fissure, il faut casser et passer à autre chose. Le bricolage n'est pas son genre.
A son actif quand même, de brillantes carrières dans l'hôtellerie, la musique, le cinéma, le journalisme, le transport, l'imprimerie, la restauration, la fabrication d'articles de sports... Il a créé la première équipe de foot féminin (HAMR Annaba), organisé le premier match de boxe professionnelle. Je ne compte plus le nombre de fois où il dut réduire ses objectifs avant d'abandonner carrément. Parce que, à chaque fois, des vautours se mettaient sur son chemin. C'est pourquoi, un beau jour, il brada tout et partit à l'étranger. Ces désenchantements accumulés, ces désillusions répétées auraient abattu n'importe qui, mais pas lui. A peine remis de ses émotions, il récidive... mais loin d'Algérie !
Quand il s'installe à Liège, il ne se fait plus beaucoup d'illusions. Le dernier projet a été remisé. Il restera dans les cartons ! Il s'agissait d'une ligne de prêt-à-porter baptisée «Azdy» et qui n'attendait que son feu vert pour démarrer. Mais tant de drames dont passés par là : il n'a plus aucune envie de lancer quoi que ce soit...
Entre-temps, le jeune Samy, l'enfant prodige au sourire continuellement figé sur les lèvres, n'est plus le Samy que nous avons tous connu. Cela fait quelques années que la famille ne vient plus à Annaba. Il est vrai que, même lorsqu'elle venait les dernières fois, on ne se voyait pas beaucoup puisque les Amimour n'habitaient plus en face de chez nous. Je rencontrais Azzedine furtivement et il n'avait pas eu le temps de me raconter ses déboires. Mon épouse avait vu, une fois, sa femme qui lui fit part d'une situation inhabituelle à laquelle nous n'avions pas prêté attention alors qu'elle indiquait clairement le début d'un cheminement totalement suicidaire. Elle lui dit que Samy avait changé. C'était le premier signe d'une radicalisation qui va le mener à sa perte et causer la fracture d'une famille tellement unie, tellement solidaire que l'on avait du mal à imaginer une telle issue...
Chauffeur à la RATP
Samy Amimour nait à Paris (15e) en 1987. A Drancy, où il grandit, il bénéficie d'un climat familial chaleureux et tolérant. Samy est brillant à l'école, fait du sport, fréquente des «potes». Une vie banale comme celle de tous les enfants des banlieues. Quelques voyages en Algérie, à Annaba, pour les plaisirs de la mer, les rencontres familiales et un peu de ressourcement.
Samy réussit son bac. Littéraire comme son père qui l'encourage à persévérer dans ses études. Education parfaite et parcours scolaire exemplaire. A mi-chemin d'une licence en droit, il arrête pour financer ses études en arabe. Il se fait recruter à la RATP comme chauffeur de bus. Les passagers de la ligne 148 Bobigny-Dugny se souviennent d'un jeune homme affable et souriant et l'on ne signale aucun écart de conduite ou événement particulier. Nous sommes en 2011...
La famille est peu pratiquante mais ne fait pas attention, au début, au poids grandissant des mosquées intégristes et à leur influence néfaste sur son enfant. Un jour, il suggère le port du voile à sa mère et à ses sœurs. Son père observe avec inquiétude cette mutation mais n'y peut rien. Il sait pourtant que cette transformation n'est pas bonne et qu'il faut y mettre un terme avant qu'il ne soit trop tard. Mais Samy devient de plus en plus radical et sa fréquentation assidue des sites djihadistes n'est pas faite pour arranger les choses. L'impact de la mosquée du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) laisse des traces...
M. F.
Prochain article : II. L'affolement d'un père, l'indifférence de la France


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