Né en 1950 en Haute-Kabylie, Abdenour Si Hadj Mohand est un enfant de la guerre et il a la mémoire insomniaque. Cela s'est traduit par la publication de plusieurs ouvrages sur la guerre de Libération. Son dernier livre, Les maquisards de la première heure, est une autre contribution à enrichir la mémoire collective. Ici encore, nulle prétention à faire œuvre d'historien ni à fournir un travail académique fouillé. Plus modestement, l'auteur y a rassemblé quelques pages d'une histoire événementielle avec son cadre et ses acteurs, le tout charriant son lot de déchirures, de violence, de mort, mais aussi de courage, de sacrifice de soi et d'actes héroïques. Il raconte le combat de la vie et de la mort tel que mené par des hommes et des femmes «dans la région d'Imessouhal, partie intégrante de la commune mixte du Djurdjura qui regroupait, à cette époque, les actuelles daïras de Aïn El Hammam et d'Iferhounène». Abdenour Si Hadj Mohand y «a vécu sa prime enfance entre bombardements et crépitements des armes. Très jeune, il connut l'expulsion du village, la privation, car issu d'une famille que les colonisateurs français avaient classée dans la catégorie fellagha». La mémoire vive a gardé intactes les images de la guerre et de la tragédie au quotidien. Des scènes et des visages ont peuplé l'imaginaire de l'enfant. Bien plus tard, Abdenour Si Hadj Mohand s'est lancé dans l'écriture. C'était devenu pour lui une thérapie, un traitement curatif par excellence, en même temps qu'un hommage renouvelé au combat des hommes libres. Dans Les maquisards de la première heure, l'auteur continue de faire œuvre utile en revisitant des fragments historiques d'une région montagneuse qui avait vécu, dans sa chair, les atrocités de la guerre. L'armée française était présente avec le 6e BCA ( bataillon des chasseurs alpins), la 10e DP (Division de parachutistes) et leurs supplétifs. Face à ces troupes suréquipées, des hommes dotés de moyens militaires dérisoires, mais braves, résolus et prêts pour le sacrifice suprême. Ce sont principalement ces maquisards que l'auteur met en lumière dans son ouvrage, qu'ils soient morts en héros ou encore en vie. Abdenour Si Hadj Mohand a mis à contribution sa mémoire et, surtout, recueilli beaucoup de témoignages pour écrire ce livre. Bien sûr, certains lecteurs pourraient lui reprocher une vision manichéiste de l'histoire, mais lui aura cet argument imparable : tout ce qui est raconté dans le livre est vrai ; du vécu que ne pourront jamais produire les imposteurs qui squattent la mémoire collective. Oui, la mémoire est forcément sélective. Pourtant, l'auteur a le mérite de nous replonger dans un passé rendu vivant par la complexité et la motivation des personnages, par l'atmosphère et les détails authentiques, la variété des scènes, ainsi que par des anecdotes qui rendent leur humanité à ces hommes que le discours officiel a tant sacralisés. Les dix-huit chapitres qui composent Les maquisards de la première heure sont d'abord un hommage à des maquisards comme Fellahi Mohand Saïd, Benelhadj Ouamer, Marzouk Ath Voukhouyaf, Aroua Mohand Oussalem et d'autres patriotes sans grade. L'auteur y met également en relief les exactions de l'armée française, devenues «à partir de novembre 1954 des faits quotidiens banalisés». Sur la base de témoignages, il revient sur le parcours et les circonstances de la mort des maquisards, dont le martyr Amar Aït Cheikh, très connu dans la région. Des batailles, attentats et accrochages jalonnent le récit, sans omettre la participation active des femmes, ou encore le rôle joué par les supplétifs, les collaborateurs et les indicateurs de l'armée coloniale. Pour dire que le livre contient beaucoup d'informations sur cette région de Haute-Kabylie durant la guerre de Libération. Surtout, il se lit avec émotion et d'une traite. Hocine Tamou Abdenour Si Hadj Mohand, Les maquisards de la première heure, éditions Média Index, année 2015, 162 pages.