[email protected] Le téléphone accroché à son oreille, elle questionne son amie à propos de la m'hiba, vous savez, cette tradition séculaire d'offrir des cadeaux à la fiancée durant les fêtes religieuses. La famille se déplace chargée de cadeaux et l'on célèbre l'évènement, car c'en est un, autour d'un café, dans une ambiance conviviale, presque festive. Et justement l'Aïd El-Fitr tombe à pic ! - Alors, ta m'hiba, tu l'as eue ? - Non, pas encore, c'est prévu pour ce vendredi. - Tu es prête ? - Justement je vais préparer quelques gâteaux, ceux de l'Aïd ont été tous consommés. - Et tu as prévu un accompagnement pour les jus et les sodas ? - Bien sûr, et comment ! Ma mère y veille. Elle veut que tout soit parfait. Elle aime les épater. ça me fait toujours rire. Il faut voir dans quel état elle se met. -Moi, j'ai dû reporter la visite. Tu te rends compte, ils voulaient venir le troisième jour de l'Aïd, alors que l'on n'était pas préparés du tout. Je n'ai pas récupéré, et je me sens encore fatiguée. Le manque de sommeil nous a bousillés. Moi, tous ces protocoles m'exaspèrent. J'ai proposé à mon fiancé de sortir prendre une pizza en tête- à-tête, sans tous ce tralala, il a refusé, sa mère y tient, il ne veut surtout pas la contrarier. Moi, ça m'embête plus qu'autre chose, on doit penser aux gâteaux, à la tenue à porter, aux membres de la famille à inviter. Je garde à ce propos un mauvais souvenir. Tu ne vois pas que l'année dernière, ma mère a oublié de convier ma tante paternelle, ça a provoqué un tollé. Elles ne se sont pas parlé pendant plusieurs mois. - Ce n'est pas du tout mon cas. Ma mère en fait un point d'honneur. La m'hiba, pour elle, c'est une preuve de considération. Elle veut que tout le monde sache. Ce jour-là, on a l'impression que c'est la fête, elle n'oublie personne, oncles, tantes, cousins, cousines, enfin toute la smala. Et crois-moi, elle scrute les cadeaux, les pèse et les soupèse. Elle est fière quand c'est des bijoux. Pour elle c'est une marque de respect pour la future belle-fille et sa famille. Elle m'a raconté une fois que des fiançailles ont été rompues parce que la fiancée n'a pas eu droit à sa m'hiba. Ils l'ont vécu comme une sorte de hogra. Figure-toi que la pauvre fille ne s'en est jamais remise. Elle est restée vieille fille toute sa vie. C'est un peu comme l'histoire du haïk. A l'époque, chaque future mariée y avait droit. Il faisait partie des présents que l'on disposait dans son tbeq. Il était d'une extrême importance, car la mariée quittait la maison de son père couverte de cette soie. Malheur à celle qui n'en a pas reçu !