[email protected] On se surprend à reprendre les expressions des êtres qui nous sont chers, ceux que nous avons côtoyés une bonne partie de notre vie. Pourtant, de leur vivant, nous ne prêtions pas attention à tous les proverbes, citations et autres maximes qu'ils répétaient. Mais voilà qu'au fil des ans nous les avons emmagasinés et, à notre tour, nous les répétons, en citant ce père ou cette mère qui ne sont plus de ce monde. Des mots, des phrases qui en disent long sur les comportements, les attitudes des quidams que nous sommes. J'ai surpris l'autre jour une conversation entre deux dames qui évoquaient leurs défuntes mères. L'une des deux, visiblement affectée, racontait : - Tu te rends compte, après 25 ans de vie commune, maintenant que j'ai la cinquantaine passée, voilà qu'il me largue pour une minette. Comme disait ma tendre maman : «Celui qui me laisse tomber alors que je suis à la fleur de l'âge, il m'a rendu service, mais celui qui me lâche alors que je suis vieille, il m'a trahie.» - ça me rappelle aussi ma mère, qui, pour me consoler après une déception amoureuse, me répétait : «Celui qui m'échange avec des fèves, je l'échangerai avec ses épluchures.» ça m'apaisait et me faisait rire, je trouvais ces tournures plutôt originales et me demandais toujours d'où elle pouvait puiser ces images? - Ma mère n'avait pas besoin de faire des discours pour expliquer certaines situations. Je me rappelle quand je me suis mariée, elle n'était pas d'accord sur mon choix, elle me répétait sans cesse : «Ma fille, écoute ta maman, et c'est ma mère avant moi qui me l'exprimait, ‘‘celle qui est née une seule nuit avant toi est plus expérimentée''.» Je me rends compte désormais qu'elle avait raison, et c'est moi aujourd'hui qui fait pareil avec mes enfants. - Avec du recul, on s'aperçoit qu'elles étaient clairvoyantes. Je ne pourrai jamais oublier la réactrion de ma mère quand je lui ai dit que mon mari, qui n'avait ni l'instruction ni la fortune — il ne les a toujours pas, du reste —, a menacé de me répudier. Cela l'a révoltée et m'a sorti un proverbe qui restera à jamais gravé dans ma mémoire : «J'ai accepté la misère, mais celle-ci ne m'a pas rejetée.» Crois-moi, j'ai juré que jamais je n'accepterai des gendres infortunés. Des paroles mesurées qui n'ont pris aucune ride, même si elles ont traversé des siècles. Finalement, le monde change, mais en apparence seulement !