Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Algérie Poste explique les étapes à suivre pour bénéficier du service T@sdik    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Pluies orageuses mardi et mercredi sur plusieurs wilayas du pays    Hidaoui préside la réunion du bureau du CSJ dans sa session ordinaire du mois de septembre    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    L'Espagne appelle à l'adhésion pleine et entière de l'Etat de Palestine à l'ONU    Le charme turc sublime la 3e soirée du Festival du Malouf à Constantine    ONU: l'Algérie salue la tenue de la Conférence sur la solution à deux Etats issue d'un consensus international authentique    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    Football: Rabehi préside une cérémonie de distinction des clubs algérois sacrés pour la saison 2024-2025    Athlétisme : Djamel Sedjati marque les esprits    L'Algérie reprend sa place et confirme sa voie en athlétisme et en gymnastique    Défaite de la sélection algérienne face au Sénégal    Le Portugal annonce officiellement sa reconnaissance de l'Etat palestinien    Les armes du Hezbollah et les leçons à tirer de la Syrie, de l'OLP et de l'Algérie    Des dizaines de colons prennent d'assaut Al-Aqsa    212 112 élèves sur les bancs de l'école avec un dispositif sécuritaire renforcé    C'est parti pour 2 millions d'étudiants et 75.000 encadreurs pédagogiques !    Coup d'envoi de l'année scolaire 2025-2026 pour la catégorie des enfants aux besoins spécifiques    Rezig préside une réunion d'évaluation    Deux ministères pour mettre en œuvre les sept axes de la stratégie énergétique de l'Algérie    Nouveaux horaires de travail dans les établissements postaux    Célébration vivante d'un patrimoine musical    Duo posthume Whitney Houston-Callum Scott    L'Algérie, la Chine et la Russie au troisième soir    Tirer les leçons des expériences passées    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



C'est ma vie
Le retour de Akila
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 09 - 2017

Le jour où Mabrouk, un immigré, propriétaire d'une des plus belles demeures de son douar, était venu demander Akila en mariage et en la choisissant elle, la cadette de ses deux autres sœurs Salima et Kahina, elle était aux anges. Elle s'imaginait déjà vivre une vie de princesse à Paris.
La frustration qu'elle lisait dans les yeux de ses sœurs la peinait un peu, mais c'était le destin, avait-elle expliqué à sa mère. Elle ne voulait en aucun cas rater cette merveilleuse opportunité, quitte à piétiner les coutumes qui lui dictaient d'attendre son tour pour convoler et afin de ne pas compromettre les chances des plus âgées qu'elle. C'était une tradition qu'elle se devait de respecter, sa mère avait beau la supplier de ne pas humilier ses sœurs en acceptant cette demande ; elle lui répondit calmement : «C'était une aubaine qui ne risquait pas de se représenter. Si c'était un paysan d'ici, j'aurais pu patienter et attendre mon tour, mais refuser d'aller vivre au pays de mes rêves, ce n'était pas envisageable.»
Sous les désapprobations de l'ensemble des membres de sa famille, elle épousa Mabrouk et, quelques mois plus tard, prit l'avion pour Paris où son époux l'attendait. Elle pensait que les portes du paradis venaient de s'ouvrir devant elle. Hélas, elle déchanta dès son arrivée. Elle qui s'attendait à vivre à l'intérieur d'une résidence aussi luxueuse que celle que possédait son mari en Algérie, elle se retrouva dans un HLM sinistre et malfamé, qui n'a rien à voir avec les beaux rêves dont elle s'était nourrie durant des jours. En France, Mabrouk a troqué le beau costume avec lequel il paradait au village contre un bleu de travail qui dégage une désagréable odeur tenace et difficile à chasser et ce, malgré de multiples passages en machine à laver. Son époux changea très vite de comportement.
Ici, il se faisait tout petit, sa voix de ténor arrogante et tonitruante était devenue chevrotante et à peine audible. Il eut beaucoup de mal à lui avouer qu'il exerçait comme simple éboueur pour une société privée.
Elle comprit aussi, très vite, comment il a pu, avec un salaire aussi dérisoire, construire une résidence de luxe au bled : il ramenait à la maison toutes sortes d'objets hétéroclites qu'il trouvait durant ses tournées, les week-ends et ses jours de repos, puis bradait ses trouvailles sur les marchés. Il amassait ainsi pas mal d'argent. Leur appartement ressemblait plus à un dépotoir qu'à un logement décent. Afin de sauver les apparences et ne pas alimenter les commérages des mégères du village, elle accepta de se sacrifier et de rester avec Mabrouk, sans jamais éprouver le moindre sentiment amoureux pour lui. Ce qu'elle regrette c'est sa liberté perdue ; elle ne sortait presque jamais, elle qui était libre comme l'air, la voilà recluse entre quatre murs à préparer la popote et à laver quotidiennement le linge de son époux.
Cette union sans tendresse ni amour donnera naissance à deux garçons. La petite famille ne vivait pas dans l'opulence mais ne manquait de rien, il faut le reconnaître.
Le malheur s'abattit sur la tête de la villageoise, une douzaine d'années après le mariage. Par un soir d'hiver pluvieux, on vint lui annoncer que son mari, en sortant d'un café et en traversant la route hors d'un passage pour piétons s'est fait renverser par une voiture et qu'il se trouve à l'hôpital entre la vie et la mort. Elle arrivera auprès de lui juste quelques minutes avant qu'il ne décède.
Elle reçut un capital décès qui s'évapora très vite. N'étant pas en âge de toucher une pension de réversion, vivre uniquement du RMI de l'époque et des allocations familiales n'était pas suffisant pour nourrir et vêtir ses enfants.
Il lui fallait trouver du travail. Sans instruction ni qualifications, elle fut obligée d'accepter la proposition du patron de son défunt mari qui lui offrit un poste au sein de sa société de tri sélectif. Elle accepta ce métier peu valorisant, la mort dans l'âme, à se dire qu'une malédiction plane au-dessus de sa tête et qu'elle est condamnée à farfouiller dans les détritus le restant de ses jours. Elle qui folâtrait dans les montagnes kabyles sous un ciel bleu azur et un soleil radieux, qui se gavait de fruits mûrs et juteux, se retrouve, sous un ciel presque toujours gris et un climat qui vous glace le sang, à trier à l'intérieur d'un immense hangar lugubre et malodorant les déchets que les ménagères françaises jettent dans leurs poubelles.
Le salaire qu'elle percevait pour cette tâche ingrate était presque insignifiant, elle avait toujours des fins de mois difficiles. En allant faire les courses dans les supermarchés, elle courbait l'échine afin de dénicher les produits les moins chers qui se trouvent au bas des rayons.
Ses enfants avaient toujours un morceau de viande dans leur assiette alors que dans la sienne, pas l'ombre d'un os de poulet. Pour les vêtements, c'était pareil, ses petits sont vêtus exactement comme leurs camarades et n'ont jamais eu à rougir de leurs tenues, alors qu'elle s'accoutrait de robes d'occasion qu'elle trouvait dans les friperies.
Durant les vacances d'été, elle rentrait toujours en Algérie ; ses deux sœurs mariées et heureuses, pas rancunières, venaient la voir dans la luxueuse demeure qu'elle a hérité de son défunt mari ; elles étaient pleines d'admiration. Les louanges pleuvaient sur la tête le la Parisienne, Akila se disait intérieurement : «Ah ! si elles connaissaient mon triste sort, elles seraient moins envieuses et plutôt horrifiées.»
Elle jouait la comédie de la femme comblée par la providence et ne laissait rien paraître de son calvaire durant ses trente jours de répit. C'est le cœur serré et les larmes aux yeux qu'elle repartait à ce centre de tri qu'elle avait assimilé à un purgatoire où elle devait expier la transgression faite aux coutumes ancestrales.
Elle aurait aimé rentrer au bled, mais ses enfants étaient tous scolarisés.
Elle ne voulait pas briser leur avenir pour son propre confort. Ce sacrifice porta ses fruits puisque, intransigeante et dure avec eux, ils réussirent tous les deux à décrocher des emplois stables et bien rémunérés. Elle croyait son calvaire derrière elle, ils allaient, enfin, prendre soin d'elle et elle n'aurait plus besoin de côtoyer des ordures. Une nouvelle désillusion l'attendait. Egoïstes, ils la quittèrent chacun à son tour dès qu'ils purent voler de leurs propres ailes. Elle eut bien des difficultés à comprendre leur désertion, ils se sont conduits exactement comme leurs amis français qui ne rendent visite à leurs géniteurs que durant les fêtes. Elle comprit qu'ils n'hésiteront pas à l'abandonner dans une maison de retraite, «pour ne pas dire mouroir», quand elle deviendra une charge pour eux.
L'exil, le décès de son époux, l'obligation de subvenir toute seule aux besoins de ses petits très tôt, la répugnante besogne qu'elle était obligée d'accomplir, l'abandon de ses fils ingrats, le tout cumulé l'obligea à prendre une décision irréversible : quitter définitivement cette merveilleuse ville où elle n'a jamais croisé le bonheur et retourner au village, aujourd'hui qu'elle est en âge de prétendre à une retraite bien méritée.
La luxueuse résidence devenue sienne, la pension de réversion de Mabrouk, sa propre pension de retraite, le taux de change avantageux qui se pratique en Algérie étaient des atouts qui lui garantiront de vivre enfin la vraie vie de princesse dont elle a toujours rêvée. Quant à sa progéniture ingrate, s'ils souhaitent la revoir pour un dernier adieu, ils n'ont qu'à prendre l'avion. Jamais elle ne reposera ses pieds en France. Elle a encore du mal à digérer ce qu'elle considère comme une trahison de leur part, et elle n'est pas prête à pardonner.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.