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LETTRE DE PROVINCE
La r�publique des cancres et la litt�rature Par Boubakeur Hamidechi
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 10 - 2005

Heureusement, dit-on, qu�il y a la litt�rature pour �chapper aux tracts politiques, interpr�ter mieux le pays puis confondre ses dirigeants. C�est parce que des livres majeurs parlent sans fard de la douleur de la soci�t� et d�crivent avec justesse le d�senchantement collectif qu�ils constituent la parfaite th�rapie contre le charlatanisme du discours politique.
Les praticiens de la d�magogie du pouvoir savent bien qu�ils ne peuvent pas rivaliser dans le domaine de la v�racit� avec ce qui s��dite en dehors de leurs officines et de leurs clercs de service, ou de ce qui s��crit contre eux dans le plus modeste des opus. La mise � nu dont est capable la litt�rature d�range les hommes du pouvoir surtout lorsqu�elle est �tay�e par l�aust�rit� des diagnostics et des audits et que ceux-l� ont l�autorit� des institutions internationales. Bien qu�ils ne veuillent pas l�admettre, nos ma�tres ne seraient finalement que de tristes cancres que l�on vient d��pingler par quatre fois. D�abord par le Pnud au sujet de la gravit� du retard accumul� dans la politique du d�veloppement humain. Puis, c�est autour de l�Observatoire international de la corruption qui affublera le pays d�un indice peu glorieux et d�un classement terrifiant. Ensuite, il y eut Reporters sans fronti�res qui mettra le hol� sur le harc�lement judiciaire de la presse et rel�guera l�Alg�rie parmi les nations despotiques. Enfin l�ultime coup de pied de l��ne sera l��uvre de la FIFA ! Parfaitement, m�me ce suppl�ment d��me qu�est le football traverse la plus douloureuse des crises et ne loge d�sormais qu�au 82e strapontin de la hi�rarchie. Triste tropique et d�solante gouvernance... Apr�s une telle vol�e de bois vert, comment oserait-on, en haut lieu, contredire autant d�expertises et vouloir, contre le bon sens et l�humilit�, avoir raison tout seul ? Ce pays qu�ils dirigent sans partage n�est-il pas d�j� entr� dans la spirale de l�effondrement ? Malgr� l�embellie financi�re qui permet � ces ma�tres d�avoir la mainmise sur une rente �valu�e en milliards de dollars, ils ne sont pourtant pas capables de rendre perceptible l�esp�rance � ce pays. Apr�s avoir �puis� tous les subterfuges pour camoufler de si lamentables �checs, les voil� contraints de re-activer la vieille incantation de �l�ennemi ext�rieur� et son complice, �l�anti-patriote�. On devine sans peine que ce dernier ne peut agir qu�au sein d�une certaine presse irr�v�rencieuse ou bien s�exile pour �diter des pamphlets et de la litt�rature �hostile�. En cette saison des livres pr�cis�ment, des �crivains comme Boualem Sansal et Nina Bouraoui donnent la pleine mesure du d�sastre national � travers, certes, des fictions romanesques, mais qui puisent bien mieux dans le v�cu de ce peuple que ne le fait le commandeur et son s�rail pour le diriger en l��coutant d�abord. �Ma terre s�en va, �crit N. Bouraoui dans un pr�c�dent roman, (...) je deviens un corps sans terre.� Avec Harraga, Boualem Sansal annonce d�autres ruptures. Son personnage, une femme d�Alger, qui, pour vaincre les fl�aux qui �l�agressent, se pr�pare � un d�racinement int�rieur. Elle se �console (d�abord) de tout� gr�ce � sa �solitude� avant de r�futer en bloc, �la violence ambiante, les foutaises alg�riennes, le nombrilisme national et le machisme d�g�n�r� qui norme la soci�t�. La noirceur totale de cette litt�rature jure �videmment avec le mensonge r�current du discours politique qui, depuis au moins six ann�es, d�roule en boucle la m�me promesse et falsifie les bilans. Dans cette contr�e du paradoxe, ce n�est pas le pouvoir qui use ceux qui l�exercent mais le peuple qui s�use, lui, � attendre, avant de renoncer. Sur cette terre bless�e qui n�a jamais eu que des petits ma�tres, il semble que l�espoir ait disparu sit�t l�ind�pendance acquise. Le souffle �pique de Novembre 54 s�est �teint sous la chape des complots au sommet, si bien, comme le souligne un critique, que son souvenir m�me semble s��tre perdu. Cette grande geste d�un peuple alors en qu�te d��mancipation n�avait-elle pas enfant� de talentueux prosateurs et de sublimes po�tes dont les �crits surv�curent � tous les enfouissements ? Textes qui t�moignent de nos jours encore d�une grandeur que l�on a dilapid�e et accusent � la virgule pr�s tous les pr�dateurs de pouvoir d��tre � l�origine de l�abaissement moral de ce pays. Kateb Yacine fut certainement le plus repr�sentatif de ces auteurs. Charnellement patriote, il se fit publiciste et journaliste pour la grande cause, sans pour autant verser dans la connivence politicienne. D�autres, plus qualifi�s que nous, sauront certainement mieux �crire sur son �uvre. Aussi, nous suffit-il pour notre part d��voquer son exemplaire contribution journalistique que les �crivains majeurs que sont Boudjedra et Djaout relay�rent dans les moments de trouble et de doute (1). Autant dire que si ce pays continue � survivre aux m�faits des pouvoirs et leur inquisition il le doit en partie � un certain affranchissement de quelques clercs talentueux qui se sont toujours rang�s du c�t� de la d�ontologie et la morale, et ont ignor� les honneurs officiels. Et c�est peut-�tre ainsi que l�on peut aujourd�hui traduire le testament d�un Kateb Yacine que fructifie avec bonheur cette vigoureuse litt�rature sans concession pour la repr�sentation officielle par nature mensong�re. C�l�bration ou comm�moration ? Qu�importe le qualificatif. Il faut juste rappeler que c�est un 28 octobre 1989 que le po�te tirera sa r�v�rence et qu�il devint � son tour une dette � honorer pour tous les intellectuels �inorganiques� qui continuent � tenir en pi�tre estime les petits notaires de la politique r�gentant ce pays. C�est que le g�niteur onirique, de Nedjma, le porte-plume du Cadavre encercl� et le transcripteur de l�h�ritage des �anc�tres� fut un quart de si�cle durant la conscience des lettres nationales et en m�me temps la mauvaise conscience des pouvoirs politiques. Po�te de la douleur d�une patrie perdue, il sera par la suite, dans un pays retrouv�, le procureur des saltimbanques de la r�volution confisqu�e. Homme libre, on l�accusait d��tre libertaire dou� pour le �d�sordre�. En v�rit�, il n��tait, comme tous les po�tes, qu�un �corch� vif qui n�aimait gu�re marcher au pas, pr�f�rant son propre rythme, sa propre respiration, autant dire son... inspiration. Sa po�sie largement diffus�e au sein du lectorat de qualit�, contrairement � sa dramaturgie qui a touch� un plus large public, l�a d�finitivement p�trifi� dans l�unique r�le de parangon de la po�sie. Or, c'est son talent de journaliste et de pol�miste qui lui attira le plus de �malentendus� avec le r�gime. Pour les biographes, sa filiation journalistique est vite circonscrite � Alger R�publicain, ce qui, � l��vidence, est r�ducteur. Certains de ses �crits ont paru dans l�hebdo fran�ais T�moignage chr�tien et dans Afrique Action. Billettiste d�une rare f�rocit� et d�rision, il �tait �galement un d�batteur retors. Ainsi en avril 1959, il publiera une longue chronique dans T�moignage chr�tien � travers laquelle il tentait de d�ciller le regard des Fran�ais en se situant en tant qu��crivain alg�rien au c�ur de la r�volution. Texte d�une rare rigueur dont l�extrait qui suit constitue un passage travers� par le lyrisme dont seule la passion de la patrie peut accoucher. �... La d�flagration s�est enfin produite et elle n�a pas tout aboli. Bien au contraire, elle ouvre au-del� des ruines de nouveaux horizons. Explorer ces ab�mes, scruter ces horizons, c�est l� l��uvre exaltante de l��crivain alg�rien. S�il �crit en fran�ais, �dans la gueule du loup�, il n�est pas pour autant coup� de sa langue maternelle. Sa situation entre deux lignes de feu l�oblige � inventer, � improviser, � innover, � retrouver sa voix perdue dans le fracas des armes et � s�offrir en cible parmi les fr�res ennemis (...). Il avance comme un visionnaire. Il sent en lui la d�chirure et cependant il entrevoit d�j� la confluence. Il sait aveugl�ment que l�Alg�rie est un creuset o� s��labore une nation sans pareille qui pr�figure dans ses charniers toute une humanit� � venir. Les yeux ferm�s, s�il peut imaginer dans les replis de l�Aur�s, sur les hauteurs du Djurdjura, de cr�te en cr�te, de village en village, toute une infinit� de r�publiques, bien plus r�elles (...). Les missionnaires d�empires venus en Alg�rie au nom de Rome, de l�Islam ou de la France n�ont pas manqu� de caresser ce r�ve ; int�grer l�Alg�rie � leurs syst�mes contradictoires. Et que s�est-il pass� ? Il s�est pass� que nous avons assimil� nos assimilateurs. Ma g�n�ration, et celles encore plus ardentes, qui ont pris place au combat, le plus souvent � l��ge tendre, ne seront jamais m�res pour �l�int�raction des �mes� ; ce s�nile euph�misme de pieux th�oriciens en uniformes... �Enfin, si l��crivain est �l�ing�nieur des �mes� ma mission est de vous dire, messieurs les �missionnaires�, qu�il n�y a rien en nous � int�grer. Tout ce qui reste, en Alg�rie, apr�s toutes les agressions, c�est l�ironique int�grit� de nos montagnes.� En cherchant bien aujourd'hui, trouvera-t-on encore d�aussi lumineux talents ayant la m�me force et cette amplitude dans le propos pour �clairer une r�publique (la n�tre cette fois-ci) afin de balayer cette mal�diction qui a r�duit en zombies des citoyens ? Sait-on jamais. Car il ne faut jamais d�sesp�rer de la litt�rature et ceux qui la font, mais seulement craindre que les politiques redoublent de f�rocit�.
B. H.
(1) Citons l�essai de Rachid Boudjedra Le Fis de la haine paru en 1994 et les quelques num�ros de l�hebdo Ruptures, dont Djaout �tait le directeur de la r�daction.


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