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Reportage : LES CARNETS DE VOYAGE
TAMANRASSET Par Arezki METREF
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 04 - 2006


2. Mokhtar, slameur des escales
Mokhtar se rappelle de cet �accident�, le pire moment de sa jeune vie. Il vient d�avoir le permis et il a d�croch� une place de guide. Il conduit une Toyota Land Cruiser vers un lieu-dit, El Djera, ignor� de toute signal�tique. En crue, l�oued Tazrouk d�vore la piste. Les touristes fran�ais paniquent dans le v�hicule qui tangue comme un bateau tourment� par la temp�te, se penchant du c�t� du chauffeur, perdant tout �quilibre. �Je ne savais pas comment redresser la Land, comment lutter contre la force de l�eau et de la boue. Mais il ne fallait pas que je perde mon sang froid�, se souvient Mokhtar.
Ce jour-l�, il se met � croire en cette puissance bienfaisante qui doit, quelque part sur le parcours des errants, veiller sur les cic�rones qui prot�gent les touristes. Il ne peut expliquer autrement le miracle. Au moment o� tout semble perdu, une roue accroche la terre ferme et, rapidement, la voiture se stabilise. Il contemple alors l�imp�tuosit� du torrent et, en une fraction de seconde, il �value sa chance. Toutes les histoires de crue d�vastatrices racont�es aux bivouacs d�filent en acc�l�r� dans sa frayeur. �a survient si vite que �a laisse rarement une possibilit� de s�en sortir. Combien de guides rod�s aux caprices du r�veil brutal des oueds de l�Ahaggar se sont-ils laiss� surprendre ? Mokhtar m�rit d�un trait. Il d�cide que, d�sormais, il appr�ciera, en souvenir de ce moment o� tout faillit s�arr�ter, chaque instant de cette vie pr�cieuse et fragile. Une le�on existentielle retenue comme si elle avait �t� prodigu�e par un �clair ind�l�bile. Autour de cette table blanche pos�e sur la terrasse d�un tout nouveau caf� du Mouflon, Mokhtar Hamdaoui me raconte cette histoire en r�ponse � ma question concernant son plus mauvais souvenir de guide. N� en 1977 � Sersouf, dans le quartier populaire d�El Hafra, Mokhtar a d�j� pas mal bourlingu�. Il travaille pour l�agence Maha Tours. Son meilleur souvenir ? Un nouveau chaque jour et c�est toujours le m�me : le bonheur de parcourir le d�sert ! �Une libert� que tu ne trouves nulle part ailleurs�, clame-t-il. Ce bonheur de chaque instant, Mokhtar l�inaugure par un voyage initiatique dans le Tassili N�ahaggar. Encore aujourd�hui, il �gr�ne le nom des �tapes comme autant de haltes �d�niques : Ghraghar, Tahagart, Tagrera. Puis il y eut ce voyage par route avec son p�re : Libye, Niger, Mali. Le destin, qui conduit Mokhtar toujours plus bas vers le Sud, a le visage de l�accomplissement. C�est ce qu�il aime. L�errance, l�espace et la parole quand elle vient mettre en partition le silence, c�est toute sa vie. Quoi de plus logique qu�il ait ressenti le besoin d��crire ? Il compose des vers auxquels il essaye de mettre des accords sur une guitare offerte par Michel, un touriste allemand : �Il est revenu une fois avec l�instrument et il m�a dit : tiens, il est � toi. Je lui ai promis que, � sa prochaine visite, je saurai en jouer�. Quand je suis arriv� � Tam, Mokhtar a �t� l�une des premi�res personnes que j�ai rencontr�e. Extraverti, disert, la parole interrompue seulement par la stridence de rires francs, il favorise le contact. On monte dans sa Land. D�j�, il cause. Et il fredonne au volant. Non point du Bay Dana, ce Targui rehala qui fait fureur, mais du Francis Cabrel : �Ces mots humides de pluie/ Qui meurent aussit�t dits�, r�p�tait-t-il, l�accent inond� de soleil. �C�est une chanson qui a pour titre : �Le�la et les chasseurs�, ajoute-t-il � ma culture g�n�rale. Mokhtar est un cingl� des chansons de Cabrel qu�il d�couvre gr�ce aux touristes fran�ais qu�il balade dans la montagne. S�il a h�te que ses doigts se d�placent avec maestria sur le manche de la guitare, c�est autant pour chanter les chansons qu�il compose que pour jouer celles de Francis Cabrel. �J�aimerais un jour l��couter chanter pour de vrai�, r�ve-t-il. Il me demande si �a ne me d�range pas qu�il fasse un d�tour avant de me d�poser chez Nadir. Nous traversons la rue Emir- Abdelkader. Des hommes discutent dans la cour de la maison de Hadj Moussa Akhamokh, amenokal des tribus berb�res de l�Ahaggar, un Kel Rela, fils d�amenokal lequel �tait lui-m�me fils d�amenokal. L�amenokal qui vient de dispara�tre forme une exception, la succession n��tant pas dynastique. Il faut faire face � la c�r�monie fun�bre et � la grande r�union des tribus pour le tobol, l��lection du nouveau chef coutumier, qui doit �tre Kel Rela par sa m�re. Le d�funt, � 84 ans, �tait sorti, il y a cinq ans, de sa r�serve olympienne pour pr�venir que les injustices dont p�tissent les Touaregs (touch�s par le ch�mage et la crise du logement) finiront par mettre le feu aux poudres. Moins de trois ans apr�s ce signal d�alarme, presque simultan�ment, Djanet et Tam s�embrasent. Plus loin, nous longeons un palais � moiti� effondr�. Mang� par les sables, il subsiste cependant suffisamment de pans de murs pour pouvoir le reconstituer en imagination dans ses fastes d�antan. Un grillage entoure les ruines, mais on peut y p�n�trer sans difficult�. Les murs, qu�on croirait sortis de terre, sont en briques de terre rouge. En les matifiant, la palette du temps les fait davantage ressembler � la roche. C��tait le palais de Moussa Ag Amastan, amenokal des tribus touar�gues de 1905 � 1920. Po�te � ses heures, Moussa a laiss� ces mots d�di�s � la m�lancolie : �Le d�sert de mon c�ur, qui agrandit le d�sert de sable, avec ses mains d�air et de sable, ajoute un voile � mon voile�. Construit vers 1910/11, c�est une des rares traces d�une civilisation qui en laisse d�ordinaire si peu. La force d��rosion est en train de l�ensevelir. Depuis les gravures rupestres, les berb�res des Tassilis, ceux des Ajjers comme ceux de l�Ahaggar, n�ont pas particuli�rement dress� de monuments. La transhumance a fait d�eux des errants qui ne peuvent s�arr�ter pour construire. Alors, ils existent par la parole qui permet la transmission de g�n�ration en g�n�ration. C�est gr�ce � elle qu�ils ont subsist�, comme les autres imazighen, face � toutes les adversit�s, en laissant, � l�escale d�avant, frapper le destin des Atlantides. ��a devait �tre quelque chose�, r�alise Mokhtar qui a grandi avec cette demi-ruine dans son champ visuel. Du sable fulminant aux quatre points cardinaux, il devait appara�tre comme surgi du n�ant ou une illusion d�optique form�e dans les vapeurs de l�aridit� �cras�e de chaleur. Il reste un mirage, mais un mirage � moiti� tangible. L�autre moiti� est d�sormais terre de sienne ajout�e � la terre brune du plateau. Un pan de mur, trou� de meurtri�res comme autant d�alv�oles, se superpose au mont de l�Hadriane dont il est la r�plique en minuscule. Personne, � vue d��il, ne s�occupe de la restauration de ce monument. Pourquoi sa sauvegarde est-elle le cadet des soucis des pouvoirs publics, des autorit�s municipales, culturelles, des descendants ou de tout ce monde en m�me temps ? Le bordj et l�ermitage de Charles de Foucault, contemporains du bordj de Moussa ag Amastan, sont parfaitement conserv�s. Mais eux� Bon ! On descend de voiture. Mokhtar desserre le ch�che kaki et le tissu s�affaisse sur ses �paules. Son visage appara�t. Un filet de barbe noire se dessine sur un menton juv�nile. Une dent cass�e accentue son caract�re enfantin. Il me fait visiter le palais en ruines en me d�crivant la fonction de chacune des pi�ces qui s�encha�nent en chicanes labyrinthiques. Nous repartons vers la ville. Il a encore une course � faire. Il doit repasser chez lui. Nous p�n�trons dans le quartier Hafra par une venelle. Il m�explique que son p�re a �t� l�un des premiers habitants � construire en dur. Ici, autrefois, il n�y avait que des zriba, des cases en roseaux. C�est donc dans une vraie maison que na�t Mokhtar, au sein d�une fratrie de 7 fr�res et s�urs. Originaire d�In Dalagh, �fa shari�, dans les aridit�s, le grandp�re se fixe � Tam. Une zriba au Sersouf, qui vaut une zriba ailleurs, c�est la volont� de Dieu. Kacem Hamdaoui, le p�re de Mokhtar, lui, est presque un enfant de la ville. Il ouvre un garage de m�canique dans le quartier. Apr�s l��cole Ibn- Khaldoun, Mokhtar entre au coll�ge Ben-Badis. A 12 ans, il taquine la muse et, les �tudes abr�g�es, il est pris comme apprenti dans le garage paternel. Les mains dans le cambouis et la t�te d�j� dans l�infinit� des monts fracass�s, interrompue par des clairi�res d�o� fusent des piliers et des aiguilles ciselant un chaos min�ral d�une absolue coh�rence, Mokhtar compose des vers qu�il transcrit, apr�s le travail, dans de petits carnets qu�il cache dans la poche int�rieure de son ekerbey, cette tunique au col brod� de signes tifinagh. Plus tard, nous nous retrouvons pour prendre un th� en infusion sur cette terrasse du Moufflon. Il arrive avec son cousin et un ami d�enfance. Le cousin d�barque � peine d�Alger o� il vient de finir ses �tudes � Bab Ezzouar. Dipl�me en poche, il va essayer de se d�nicher un travail. L�id�e de rester � Alger ne lui a m�me pas travers� l�esprit. Et quand bien m�me il en aurait eu l�intention, comment trouver un travail et un logement ? A Tamanrasset d�j�, o� il a ses marques, o� les choses restent � taille humaine, ce n�est pas gagn�. Mokhtar aussi conna�t Alger pour y avoir fait son service national en 1997-98. Il n�avait qu�une h�te : en partir ! �Les gens d�ici vivent une affectation � Alger aussi mal que ceux d�Alger une mutation � Tam�, dit-il en d�crivant, avec des gestes catastrophistes, les inextricables bouchons de la capitale. Le th� en infusion est servi froid. Double sacril�ge. Nous engageons, � partir de ce constat, une discussion sur le rituel du th�. Mokhtar et moi ne sommes pas d�accord sur la d�composition du rituel de la pr�paration du th� chez les Touaregs Kel Rela, dont il n�est pas. On m�a toujours dit que le th� ne rencontre jamais le feu, sinon par l�entremise de l�eau bouillante dans la th�i�re. Il a suffisamment c�toy� les Touaregs pour pouvoir affirmer qu�il n�y a pas qu�une fa�on de pr�parer le th�. Le cousin et l�ami d�enfance, qui �coutent cette dispute m�thodologique sans broncher, affichent leur neutralit� par un sourire goguenard. La musique arrive tr�s vite dans la discussion. Je veux expliquer � Mokhtar et � ses compagnons ce qu�est le slam. Mais ils ont un rythme d�avance sur moi. D�ailleurs, Mokhtar essaye de progresser vers cette forme po�tique urbaine sans pour autant d�laisser l�ivresse des grands espaces. Cette synth�se de g�n�ration spontan�e r�sume le choc de l�urbanisation de Tam, encore d�sert, et d�j� ville ! On �voque encore une fois Baly. Il est n� dans les ann�es 1980 et il mixe le tindi � la guitare �lectrique. M�me cocktail. Tous les jeunes de Tam, quelle
que soit la caste � laquelle ils appartiennent dans l�organisation hi�rarchis�e de la soci�t� touar�gue qui se dissout de plus en plus dans la s�dentarit�, vibrent aux m�mes pulsations. C�est le cousin de Mokhtar qui remarque, � un moment o� la discussion roulait sur la p�rennit� des traditions touar�gues, que c�est peut-�tre le dernier tobol et qu�apr�s le d�c�s du successeur d�Akhamokh, il n�y aura plus d�amenokal. Mokhtar fume des Gauloises qu�il allume avec un briquet jetable sur lequel est grav� une publicit�. Sur la table, il a pos� � c�t� du cendrier en plastique les cl�s de sa voiture et un t�l�phone mobile qui, en vibrant, fait tinter le trousseau. Il pr�cise qu�il cherche � acheter un terrain pour construire sa propre maison avant de se marier. D�j�, � cette �g�rie qu�il n�a pas encore rencontr�e, il d�die des po�mes enflamm�s par le soleil qui tape vertical sur les guelta. Des po�mes de citadin qui a encore un pied dans la vastitude �th�r�e de ces espaces de libert�, voire de lib�ration.
A. M.
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