L�histoire et l�historique de la Cour des comptes inspirent nos lecteurs, et c�est tant mieux. Aujourd�hui, c�est M. El Mir Mohamed, ancien membre du Conseil national de transition (CNT) de nous faire de l�histoire de l�ordonnance de 1995 relative � la Cour des comptes. Nous publions ci-dessous la premi�re partie de ce point de vue. Les grandes mutations qu�a connu le pays apr�s la crise de 1988, notamment avec l�adoption de la nouvelle Constitution 1989, d�ailleurs amend�e en 1996, qui va consacrer le nouveau r�le de la Cour des comptes en tant qu�Institution de contr�le des Finances publiques. La politique initi�e par la nouvelle Constitution apporte une orientation nouvelle, ax�e sur la s�paration des pouvoirs en mati�re politique et bien entendu une gouvernance dans la transparence. En raison du vide institutionnel de la p�riode de transition, l�Etat adopte une strat�gie de mise en application de r�formes dans le sens de la nouvelle vision constitutionnelle, qui a innov� sur le plan politique avec l�av�nement du multipartisme et la s�paration des pouvoirs l�gislatif, judiciaire et ex�cutif. Sur le plan du contr�le, le gouvernement de transition propose un projet d�ordonnance portant d�finition, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes. Le d�bat sera donc engag� pour d�terminer la place et le r�le que devait jouer la Cour des comptes dans l��re nouvelle de la soci�t� alg�rienne. Rappelons-nous que la vision politique avait �volu� d�un Etat nation vers un Etat d�mocratique, avec objectif la construction d�un Etat de droit. Une nette �volution d�un syst�me ferm� avec un pouvoir omnipr�sent vers un syst�me de multipartisme o� le jeu est librement permis aux tendances politiques. Les fonctions juridictionnelles � l'ordre du jour La Cour des comptes est une institution de contr�le sur le plan financier et sur le plan juridictionnel, tel que consacr� par la Constitution de 1996 notamment dans ses articles 152-160. Historiquement, la Cour des comptes a connu une �volution discontinue, puisque � l�origine, cette institution a assum� pleinement ses fonctions, aussi bien en tant que contr�leur sur le plan financier et a exerc� effectivement sa fonction juridictionnelle. Bien entendu, le contr�le des comptes publics se solde par un visa de r�gularit�, et donc est sanctionn� par un quitus mais dans le cas contraire, les gestionnaires devaient �tre jug�s pour �tre mis personnellement en �d�bat� et m�me, en cas d�infraction p�nale, le dossier est envoy�, apr�s qualification sur le p�nal, aux juridictions r�pressives pour jugement des auteurs de ces infractions. Il nous faut dire que la Cour des comptes a effectu� un travail laborieux sur le plan financier et m�me juridictionnel, qui a contribu� � la transparence de la gestion des finances publiques pendant quelques ann�es, mais cette institution a d� rencontrer d��normes difficult�s durant la d�cennie 1985- 1995. Rappelons-nous la crise politique qu�a connu le pays en ce moment qui d�ailleurs a abouti � la grave crise de l�Etat en 1988, suivie par la d�mission du chef de l�Etat et la dissolution de l�Assembl�e populaire nationale. Est-ce le travail de la Cour des comptes qui a suscit�, voire aliment� quelque peu la crise politique, comme il est connu, �le jugement des hommes notamment politiques, sur leur gestion n�est pas simple et peut d�g�n�rer vers un conflit au sommet�, quand il s�agit de hauts responsables. Dans le cadre des r�formes engag�es, en mati�re institutionnelle, le gouvernement propose un seul projet portant organisation et fonctionnement de la Cour des comptes. Le projet d�ordonnance, d�pos� par le gouvernement aupr�s du Conseil national de transition a, en effet, suscit� un d�bat serr� entre les deux parties de la �transition�. Ce d�bat portait non seulement sur le fond mais �galement sur la forme. - Un projet d�ordonnance unique est soumis � la discussion de l�Assembl�e l�gislative de transition, englobant et le statut du personnel de la Cour des comptes et son fonctionnement et son organisation. - Or ce sont l� deux domaines distincts, de par l�objet et de par la finalit�, suscitant un d�bat serr� entre les deux partenaires de la transition. - Il s�ensuivit un heureux compromis entre le l�gislatif et l�ex�cutif et a abouti � la s�paration du projet d�ordonnance en deux textes. - La divergence avait port�, �galement, sur la mission juridictionnelle de la Cour des comptes, occult� par le projet d�ordonnance en d�bat, qui ne faisait pas cas �galement de la qualit� de magistrat des cadres charg�s du contr�le. - Le projet d�ordonnance n�95-23 du 26 ao�t 1995 portant statut du magistrat de la Cour des comptes a �t� convenu et adopt� par le Conseil national de transition. - Le 2e projet d�ordonnance n�95-20 du 17 juillet portant missions, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes. Le statut de magistrat de la Cour des comptes Il nous faut souligner d�abord que la Cour des comptes, avec l�adoption de l�ordonnance susvis�e, avait repris ses attributions juridictionnelles qui lui avaient �t� retir�es par la loi n�90-32 du 4 d�cembre 1990, et disposait donc de personnel d�ment habilit� pour lui permettre d�accomplir ses v�ritables missions de contr�le, � savoir les �magistrats�. En effet, son article 1er dispose, je cite, �la pr�sente ordonnance portant statut particulier des magistrats de la Cour des comptes d�finit leurs droits et obligations ainsi que l�organisation de leurs caract�res�. L�innovation apport�e par l�ordonnance 20-95 r�habilite donc la Cour des comptes dans ses fonctions juridictionnelles notamment les magistrats qui sont r�ellement prot�g�s dans l�exercice de leurs ardues missions, compte tenu de leur statut juridique, de cadre sup�rieur de l�Etat. Aussi l�article 06 de ladite ordonnance stipule que la nomination en qualit� de conseiller ou d�auditeur intervient par d�cret pr�sidentiel, sur proposition du pr�sident de la Cour des comptes apr�s avis du Conseil des magistrats de la Cour des comptes, pr�vu � l�article 57 de la pr�sente ordonnance, proc�dure complexe de nomination qui fait de cette fonction, un statut privil�gi�. La loi le prot�ge �galement en lui assurant l�immunit�, tel qu�il ressort de l�article 8 et 9, puisqu�il n�est pas permis d�exercer sur lui toute forme de pression ou de man�uvre tendant � nuire � l�accomplissement de sa mission. Le magistrat b�n�fice aussi des privil�ges de la fonction qu�il exerce, � savoir que tout outrage commis sur sa personne est puni, � l�instar de ses coll�gues de la justice, article 9 de l�ordonnance. Il nous fait noter que le magistrat de la Cour des comptes b�n�ficie �galement du privil�ge de la fonction, compte tenu du r�gime particulier qui lui est accord� par l�ordonnance, dans le cadre du d�roulement de sa carri�re, � commencer par sa classification au rang de cadre sup�rieur de l�Etat, article 55 de l�ordonnance. Aussi, en mati�re disciplinaire, sa protection est pleinement assur�e, car il ne peut subir de sanction, notamment du 2e degr�, que sur avis du Conseil des magistrats, organe lui assurant l�autonomie, voire son ind�pendance du pouvoir ex�cutif, article 78 de l�ordonnance. Il est indiscutable que le Conseil des magistrats assure une ind�pendance r�elle au magistrat, car son avis sur le cas disciplinaire, qui lui est soumis obligatoirement par la pr�sidence de la Cour des Comptes est un avis conforme tel qu�il ressort clairement de l�article 78.2 de l�ordonnance, autrement dit toute sanction ne peut lui �tre inflig�e que par ses pairs. Notre r�flexion est ax�e sur deux volets, dont le premier a port� sur le statut du magistrat, pour r�server le 2e volet au statut propre � l�Institution m�me. Il ressort de ce bref expos� que la Cour des comptes a �t� r�habilit�e dans ses pleines fonctions tel que consacr�es par la Constitution de 1989 amend�e par la Constitution de 1996, pour lui permettre de jouer le r�le capital qui lui a �t� d�volu � l�origine. Je dirais, pour rassurer M. Derbal Ch�rif, auteur de la r�flexion parue r�cemment dans Le Soir d�Alg�rie, que la Cour des Comptes est une institution de souverainet� qui a �t� situ�e au sommet de l��difice de l�Etat et constitue une des pierres de fondation de l�Etat de droit. Je rappelle � cette occasion ce qui a �t� dit par le Proph�te Sidna Brahim El-Khalil � propos de la Ka�ba � Abraha. �La Ka�ba a un Dieu qui la prot�ge, quant � elle, mais quant aux d�g�ts mat�riels qui m�ont �t� occasionn�s, je demande qu�ils me soient r�par�s�. A l'abri des secousses politiques J�ajouterais que m�me si la Cour des comptes a subi momentan�ment les effets des secousses politiques qui ont d� freiner son activit�, celle-ci en a surv�cu et m�me �merg� pour reprendre �ses ailes et voler plus haut encore�, comme cela �t� le cas pendant la transition avec la promulgation des ordonnances n�95.23 et 95.20. Les ordonnances sus-vis�es, dont celle n�20.95, portent sur le mode d�organisation, de fonctionnement et les missions de la Cour des Comptes mais qui seront pr�sent�es ult�rieurement, nous rassureront davantage de la qualit� des m�canismes dont elles sont dot�es et qui leur permettront d�assumer pleinement leurs pr�rogatives dans le sens de l�efficacit� et la performance, et par cons�quent, de contribuer � la transparence dans la gestion des deniers publics, car le rel�chement du contr�le accus� par l�Etat durant la �d�cennie noire� est l�une des causes de la crise financi�re qu�a travers� et qui a entra�n� le pays vers la crise financi�re, avec un endettement de 26 milliards de dollars. La nouvelle l�gislation dote la Cour des comptes de m�canismes qui ont �t� pens�s avec une hauteur de vue puis�e tout d�abord dans l�exp�rience accumul�e en la mati�re des autres pays et qui sont � la mesure de la noble et haute mission qu�elle est appel�e � assumer. Il est permis de mettre en �vidence l�immunit� de l�institution � l�instar de celle du magistrat qui est garantie et en fait une v�ritable �tour d�ivoire� qui survivra aux diff�rents pouvoirs, comme elle l�a fait � ce jour. J�aborderais quand m�me bri�vement l�aspect de l�immunit� institutionnelle et la solidit� organisationnelle de la Cour des comptes. Sur le plan politique, la Cour des comptes est un acquis populaire dans la mesure o� elle constitue �la tour de contr�le� qui observe et veille sur la gestion des deniers publics, aspect qui a d�ailleurs �t� soulign� avec l�article 16 de l�ordonnance n� 20-95 qui permet la transmission d�une copie du rapport annuel de la Cour des comptes � l�Assembl�e nationale, et qui constitue une innovation qui va dans le sens des mutations qu�a connu le pays, depuis la crise politique. La Cour des comptes, institution de souverainet� consacr�e par la Constitution, demeurera, tant que survivra l�Etat de droit ; elle constituera d�ailleurs une de ses fondations, comment ne le serait-elle pas ? D�ailleurs sur le plan l�gal, le texte de loi qui r�git la Cour des Comptes notamment l�ordonnance 20.95 institue en amont une proc�dure complexe pour l�amender, et qui doit �tre vot�e � la majorit� des 2/3 des membres de l�Assembl�e, et implique en aval un ultime contr�le de conformit� par le Conseil constitutionnel, s�agissant de ce qu�on appelle �loi organique�. Pour toutes ces consid�rations, il est permis de croire que la Cour des comptes est pr�serv�e sur un double plan. El-Mir Mohamed, ancien membre du Conseil national de transition (CNT)