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LE POLITOLOGUE MOHAMED CHAFIK MESBAH AU "SOIR D'ALGERIE" "Le fort taux d'abstention, c'est l'illustration du foss� immense qui s�pare la soci�t� virtuelle et la soci�t� r�elle"
Quel commentaire vous inspirent les r�sultats des r�centes �lections l�gislatives ? Vous visez, je suppose, le taux d�abstention. C�est le param�tre le plus significatif, en effet. Il indique, d�une part, que le peuple alg�rien est bien dou� d�une conscience politique �lev�e, d�autre part, que le foss� est bien grand entre gouvernants et gouvern�s. Vous estimez, par cons�quent, que ce taux d�abstention n�est pas un accident et qu�il rev�t une signification politique ? Absolument. Je n�ai jamais partag� l�avis des partisans du suffrage censitaire qui, r�cusant au peuple alg�rien son droit � la libre expression et au libre choix de ses dirigeants, r�vaient d�accorder le droit de vote aux seules cat�gories ais�es ou instruites de la population. Quelle h�r�sie ! Quelle m�connaissance de l�histoire nationale ! Chaque fois que cela s�imposait, l��lecteur alg�rien a su mettre le bulletin qu�il convenait dans l�urne. Souvenez-vous, pour sanctionner les gouvernants, il pl�biscita l�ex-FIS, pour affirmer son adh�sion � la candidature du pr�sident Zeroual en 1995, il en fit le chef d�Etat le mieux �lu en Alg�rie. Cette fois-ci, c�est, principalement, le gouvernement qui est vis� par le taux d�abstention enregistr� ? Pas uniquement. C�est, en premier lieu, l�Assembl�e populaire nationale elle-m�me qui est d�jug�e et d�cri�e. Rappelez-vous que, pour ainsi dire, elle s�est dessaisie de ses pr�rogatives au profit de l�ex�cutif. Elle a servi de chambre d�enregistrement pour ent�riner des lois �labor�es en dehors de l�enceinte parlementaire. Qui plus est, les d�put�s se sont distingu�s par une �logique de rente� qui les a conduits � ignorer les aspirations de leurs �lecteurs au profit de leurs propres pr�occupations. Cela �tant, l�ex�cutif gouvernemental n�est pas en reste. Il est cens� �maner d�une majorit� parlementaire � l��coute de la population et appliquant une politique conforme aux attentes des �lecteurs. Si cela �tait, admettez que le taux d�abstention aurait �t� bien plus faible. Vous contestez la validit� du scrutin ? D�s lors que le raisonnement concerne la sph�re virtuelle de la soci�t�, rien ne sert de contester le scrutin. Sur le plan l�gal, l�Assembl�e nationale �lue pourra �tre install�e et fonctionner normalement. C�est sur le plan de la l�gitimit� que se pose le probl�me. Il est clair que cette nouvelle Assembl�e va souffrir d�un d�ficit de l�gitimit�. Comment expliquez-vous cette situation ? Par l�existence d�un large foss� qui oppose la soci�t� virtuelle � c�est-�-dire, les institutions, les partis, les associations agr��es � � et la soci�t� r�elle � c�est-�-dire la majorit� de la population, les jeunes Alg�riens d�class�s ou en voie de d�classement, exasp�r�s de voir le pays accumuler une manne financi�re qui ne leur profite pas. Quelles sont les causes de cette situation ? A mon avis, deux causes principales. En premier lieu, le niveau d�incomp�tence du syst�me. Il n�existe pas de secret. Les syst�mes comme les organismes humains ont une dur�e de vie d�termin�e. Au-del� du seuil final, ce sont la d�liquescence et la l�thargie qui prennent le dessus. En deuxi�me lieu, le niveau d�incomp�tence des hommes eux-m�mes. Comparez la qualit� de l��lite administrative, �conomique et politique en charge des affaires du pays avec les �lites qui sont aux commandes dans les pays voisins du Maghreb, voire les autres pays �mergents de mani�re g�n�rale. Vous mesurerez, alors, la perte de substance intellectuelle et le d�ficit en ressort moral qui affectent ces hommes qui dirigent l�administration et l��conomie en Alg�rie. Quelle solution ? La mutation du syst�me est une n�cessit� absolue. Si les hommes de bonne volont� qui se sentent interpell�s par le devoir national parviennent � pr�venir le choc frontal entre les soci�t�s virtuelle et r�elle, s�ils organisent, avec succ�s, cette mutation selon un mode rationnel, graduel et pacifique, le peuple alg�rien devra leur vouer une gratitude �ternelle. Autrement, c�est la rue, r�gie par ses propres r�gles, selon son code propre, qui imposera la mutation dont il s�agit. Le probl�me, dans ce cas de figure, c�est le prix co�teux de la mutation car la coh�sion sociale s�en ressentira forc�ment, peut-�tre m�me l�int�grit� territoriale... Dans toute cette situation inextricable, quel pourrait �tre le r�le de l�influence �trang�re ? Lorsque, avec certains responsables aux affaires, j��voque l�hypoth�se d�une ing�rence �trang�re dans les affaires int�rieures du pays, ils me rient au nez. Regardez, pourtant, la sph�re �conomique et, plus pr�cis�ment, le secteur sensible des services. Les Alg�riens ont pass� la main, ils sont devenus des sous-traitants au profit d�op�rateurs �trangers qui agissent � partir de l��tranger. Il ne s�agit certainement pas de s�enfermer dans une tour d�ivoire, mais il serait bon que l�Etat, comme dans les pays capitalistes, joue son r�le r�gulateur au profit des int�r�ts du pays. Il en va des rapports avec l��tranger comme de la situation int�rieure, la nature a horreur du vide. Pour d�fendre leurs int�r�ts strat�giques en Alg�rie, les puissances �trang�res ne s�embarrasseront pas pour profiter des signes d�essoufflement du syst�me. Il se trouve que ces puissances �trang�res ne souffrent de d�ficit ni de capacit� d�anticipation du futur, ni de moyens d�intervention op�rationnels.