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L�ALG�RIE AU MIROIR DE L�ART
Le banquet des yeux
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 06 - 2008


Quand les bl�s sont sous la gr�le
Fou qui fait le d�licat
Fou qui songe � ses querelles
Au c�ur du m�me combat.
La Rose et le r�s�da de Louis Aragon
Par Benamar Mediene
Cet exergue de Louis Aragon m�taphorise la magnifique exposition Les Artistes internationaux et la r�volution alg�rienne qui se tient au MAMA depuis le 28 avril, et ce, jusqu�au 19 juin 2008. Elle symbolise aussi la fraternit� des signes d�ploy�s, quand les bl�s d�Alg�rie se brisaient sous la gr�le et les orages de feu. Fou serait l�Alg�rien qui passerait par Alger sans la voir ; fou qui chercherait querelle � son voisin quand tant de beaut�s r�concilient ; fou qui ferait le d�licat ou le paresseux devant les plus grands noms de l�art moderne, repr�sent�s par leurs �uvres cr��es au c�ur du m�me combat. Deux moments ont symboliquement marqu� l�avant de cette exposition, mont�e d�une main professionnelle et d�un esprit ardent, par l�historienne Anissa Bouayed. Lundi 19 mars 2007, l�Alg�rie toujours nous rattrape, par l�esp�rance ou par la rage des �checs. Le 19 mars 1962 �tait aussi un lundi. Ce jour, la g�ographie du monde est devenue autre. Une autre humanit� surgissait de dessous les cartes. Biblioth�que de Vitry-sur- Seine. On se sent dans un autre 19 mars, intime et amical. La directrice de la Biblioth�que Nelson-Mandela nous ouvre les lieux pour une c�r�monie du don. Henri Alleg est l� avec le peintre Jean-Pierre Jouffroy et Anissa Bouayed, historienne et commissaire de l�exposition. Jacques Arnault, entour� de France, son �pouse, du Maire de Vitry-sur-Seine, du consul d�Alg�rie, de Nadia Issiakhem, de Jacques Couland, historien et arabisant, de Chantal- Chanson Jabeur, historienne du Maghreb, de Mansour Abrous, historien de l�art alg�rien, de journalistes, des �l�ves du coll�ge de la ville et d�autres amis. Jacques Arnault oublie un instant la maladie qui le cloue � son fauteuil roulant, il sourit de toute sa g�n�rosit� et de la joie d�offrir. Il l�gue aux Alg�riens, Alg�rie, la toile que lui avait offerte M�hamed Issiakhem en 1960. Ce 19 mars 2007 est vraiment un jour de paix. Le symbole en est un tableau nomm� A l g � r i e, annonciateur de proches retrouvailles. Jacques Arnault avait 86 ans. Il est d�c�d� en d�but de cette ann�e. Son existence et sa m�moire, transport�es par le tableau, se m�leront � l�histoire de l�Alg�rie. Que peut signifier un cessez-le-feu ? Pas encore la paix. Le sigle OAS ravageait. Une guerre honteuse faisait des heures suppl�mentaires. Les bl�s sont encore sous la gr�le, dirait Aragon. 19 mars 2008, journ�e comm�morative ou simple encoche dans le calendrier ? Une autre c�r�monie du don poursuit la pr�c�dente. Des peintres remettent au directeur du Centre culturel alg�rien de Paris, des �uvres qu�ils offrent au Mus�e des arts modernes d�Alger, r�cemment inaugur�. La donation est re�ue par l�ambassadeur Mohamed Moulessehoul, Yasmina Khadra pour les lecteurs, qui remercie les g�n�reux donateurs. 19 mars. Silence officiel des deux bords de la M�diterran�e. Le silence est d�autant plus pesant qu�une guerre des m�moires et de l�histoire se positionne sur le front d�une mauvaise querelle de religions, de d�bats h�riss�s de mots barbel�s. Les mots Pardon, Repentance r�sonnent comme une liturgie dans une nefd��glise ou d�un minbar de mosqu�e. Pascal Bruckner, philosophe, Max Gallo, �crivain, et Daniel Lefe�vre, historien, veulent tirer un trait sur l�histoire coloniale. Il faut �cesser de d�terrer les cadavres�, exigent-ils, arrogants et morbides. Que peut signifier pour eux le geste de J. Arnault, d�Erro, de Rancillac, de Gosselin, de Lebel, de Jouffroy, de Manessier... qui en cette journ�e de mars donnent une ou plusieurs �uvres � un mus�e alg�rien ? Eux n�ont pas la conscience malheureuse ; ils ne sont ni fossoyeurs ni profanateurs de tombes, pas nostalgiques non plus. Ce n�est ni de la repentance ni de la charit�, mais d�un acte politique d�artistes qui continue celui de la solidarit� manifest�e il y a plus de 50 ans par d�autres artistes. Cette exposition d�ment les serviteurs du culte de l�amn�sie. L�histoire ne gu�rit pas par la th�rapie incantatoire de l�oubli. Le peintre Ernest Pignon- Ernest, tout � sa col�re, refait le parcours de Maurice Audin supplici� � El-Biar. Ce que Gallo, Bruckner, Lefe�vre et d�autres oublieux ne comprennent pas, c�est que le nom de Maurice Audin est pass� � la post�rit� de l�histoire. Les mains de Jean- Jacques Lebel, de Lapoujade, de Matta, de Mohammed Khadda, de Pignon Ernest� ont cr�� sa pr�sence comme s�ils l�avaient ramen�e d�outre s�pulture. L�homme Audin est devenu une histoire humaine, une pr�sence se d�clinant � tous les pr�sents et dans le temps universel. Le Comit� Maurice Audin est toujours actif et le restera tant que le corps du supplici� ne sera pas remis � sa famille, tant qu�il n�aura pas une s�pulture que Colette Audin et ses enfants pourront fleurir, tant que la v�rit� restera au fond de l�obscure raison d�Etat.*
Alger, 27 avril 2008
L�histoire se d�plie, se r�incarne et vient se donner � voir aux Alg�riens. Les proph�ties du pass� se r�alisent, deviennent histoire visible, ici �tendue toile sur toile laissant � l�intelligence de l��il la libert� de d�rouler le fil rouge de son r�cit. Apr�s un silence d�cennal, un long voyage et un travail harassant, des dizaines d��uvres viennent loger sur les murs du Mus�e des arts modernes d�Alger. Jubilatoire rencontre entre l�art et l�histoire et dans cet entre-deux du temps et des hommes, les regards sont invit�s au festin. Les blancs et les opacit�s de l�histoire s�emplissent de formes et de couleurs et les cimaises se mettent � vivre par les tableaux qu�elles soutiennent. Les murs du mus�e s��largissent, disparaissent, laissant la gloire du tableau � sa gloire, unique ma�tresse de l�espace. Djamila de Picasso, aux yeux d�oc�an, aux sourcils en ailes de colombe, au sourire d�accueil, fait sa premi�re entr�e � Alger. Le bruit des pas et les murmures s�estompent. Les yeux s�abandonnent � leur somptueux travail. Le regard n�a rien � craindre de cette plong�e � rebours du temps ; il est libre de se poser sur une surface si propice � l��motion, d�en saisir les vibrations, de la creuser jusqu�� ce qu�il rencontre le regard de l�artiste qui l�a faite forme et sens. Volupt�, �tonnement, syncope du souffle, dilatation de la pupille devant l�image foisonnante, g�n�ratrice d��motion, de joie, d�intelligence et de questions. Devant tant d��uvres et de noms de peintres prestigieux, chaque spectateur exerce sa capacit� � lever les yeux, � choisir ce qui va nourrir son r�cit intime. Chacun se voit possesseur de cet extraordinaire don d�ubiquit�. Il est l� et ailleurs dans une autre temporalit�, dans une ancienne m�moire que ravivent des formes, des signes, un je-ne-sais- quoi cach� dans la toile que le regard d�busque et d�robe. Il voyage dans sa propre vision. Il op�re un retour sur l�accompli et le remet � la surface du jour, dans le d�j�-l� de l��uvre. L�empathie se d�cline � tous les temps pour s�achever toujours au pr�sent. Tout commence � chaque instant du regard. Fermer les yeux et le tableau est � soi. Chaque �uvre est le monde entier. Andr� Masson regarde son fils Diego derri�re les grilles du parloir de la prison Saint-Paul de Lyon ; d�risoire fronti�re et pourtant infranchissable. Diego le musicien, d��tre avec les Alg�riens, est fraternellement libre, pas seul. Andr� Masson d�fait les murailles, perce le secret des labyrinthes du bout de son crayon dessinant, notant sur un carnet. Par le verbe et par le dessin, il triomphe des douleurs partag�es et les m�tamorphosent en orgueil d��tre et de durer. Le fils est dans la filiation des combattants de l�Espagne r�publicaine o� le p�re �tait engag�. Histoire intime d�un p�re et d�un fils aujourd�hui �lev�e sur les hauteurs d�une histoire � nous tous. Regards donc crois�s, intrications d�instances et d�instants disparates : le voyant, l�histoire, les mots, l�image, et, furtive parfois, cette nappe d��moi submergeant le regard, le laissant d�sempar� face � la mise au jour de cette arch�ologie insoup�onn�e de racines d�form�es, de rhizomes en prolif�ration o� s��chafaudent, strate sur strate, mort sur mort, vie pass�e sur vie r�incarn�e� s��chafaudent l�armature d�un savoir et d�un magn�tisme de la joie d��tre dans cette complicit� muette. Savoir et joie qui se tissent, se disent et s��crivent, qui questionnent et s�insurgent. Toutes les larmes de son corps, le tableau de Jean-Pierre Jouffroy met en sc�ne une Djamila parmi des milliers d�autres dont la chair vive est saccag�e, le corps fouaill�, outrag� et les yeux grands ouverts fixant le tortionnaire tout � sa sinistre besogne. Picasso, Jouffroy, Issiakhem, Lapoujade, Youssef Chahine� font de toutes les Djamila, la m�tonymie imag�e de la libert� ontologique et en contrepoint, hors de la toile, renvoient les profanateurs des corps vivants et des consciences � l�imprescriptible d�ch�ance. Les Djamila ne sont pas que les h�ro�nes que l�histoire alg�rienne conna�t et honore. D�autres Djamila de l�Alg�rie d�aujourd�hui, parce que tout simplement femmes, ont subi de cruels supplices au nom d�un ordre religieux mortif�re et n�gateur. Bernard Rancillac leur dresse un magnifique m�morial. L�image de la mort est transfigur�e, les stigmates sont liss�s dans des aplats aux couleurs vives d�un rite nuptial.
Les ailes de la mort sauvage couvrent la supplici�e � la bouche carmin�e et l�artiste la couche dans son silence. L�art est une puissance de vie et Rancillac un d�miurge de bonne compagnie. Picasso, Masson, Jouffroy, Rancillac, Fougeron, Matta, Issiakhem, Lam, Khadda, Mesli, Ernest Pignon, Taslitzky, Cherkaoui, Lebel, Guttuso, De Maisonseul, Benanteur, Lapoujade et d�autres forment le grand cercle d�accueil fraternel. Tout Alg�rien, toute personne de passage � Alger est attendue au banquet des yeux, � la c�r�monie de l��change de cette chose immat�rielle et �ph�m�re que l�on appelle la beaut� de l�art. Le plaisir est double ; il est sur les cimaises et dans les volumes du Mus�e lui-m�me. Les p�r�grinations sont promises � une esp�ce de danse � la Matisse. Les visiteurs triomphent des distances et du temps. Ils peuvent marcher sur la cr�te du monde. L�architecture du nouveau MAMA tout en mouvements ondulatoires ascendants, en fines arcatures et spirales �l�gantes, en l�gers paliers ascensionnels, en galeries captatrices de lumi�re, donne l��trange impression d�avoir aboli le vide et de lib�rer chaque geste des lois de la gravitation. D�ambulations matissiennes dans une ziggourat de l�antique M�sopotamie. Ici la tyrannie de l�espace clos est vaincue. La sc�nographie de l�exposition est remarquable ; elle est ellem�me �uvre d�art au service d��uvres d�art et en rythme avec le site d�accueil. Son e fficacit� tient � sa subtilit� esth�tique, � sa mani�re de cr�er le sentiment de l��tendue en accord avec les limites g�om�triques bifurqu�es sur des angles, des cubes, des triangles, des colonnes. La ziggourat imaginaire interdit le cul-de-sac, elle encourage le marcheur � se faire explorateur. La sc�nographie rompt avec les lin�arit�s chronologiques et la raison th�matique, les hi�rarchies de la c�l�brit�, la simple juxtaposition d�un espace peint � un autre ou la juxtaposition du tableau � l�ensemble du volume architectural. Elle en rupture avec le diktat des continuit�s d�ambulatoires et de la p�dagogie d�monstrative. Chaque tableau, chaque ensemble de tableaux est une finitude et un commencement, sans qu�il y ait enclave ou fragmentation. L�exposition n�est pas une narration objective de l�histoire ni son illustration. Le sens du parcours comme celui de la lecture de l��uvre ne sont pas prescrits. Seul le regard fl�che la marche, avec le risque de tr�bucher. Un tableau est toujours plein d�obstacles, au regard d�inventer sa boussole. Jamais un �v�nement artistique de cette ampleur n�a �t� offert aux regards des Alg�riens. La grandeur et l�opulence, pas l�ostentation, tiennent de la qualit� et de la quantit� des artistes et des �uvres ; elle tiennent aussi � la g�ographie arpent�e par Anissa Bouayed, la commissaire de l�exposition pour rassembler autant de peintres et leurs �uvres. Le miracle n�a pas cours dans ce genre d�entreprise, la chance non plus et encore moins l�improvisation, les approximations ou les solutions palliatives. Identifier les �uvres en leurs contenus esth�tiques et en leurs lieux ; conna�tre les biographies des peintres ; ma�triser les lignes de force de la s�quence de l�histoire impliqu�e et des d�bats philosophiques, politiques et esth�tiques qui s�y menaient ; �laborer le cadre sc�nographique ; obtenir les accords de pr�ts ; assurer les �uvres ; pr�parer le catalogue� et rester sur le front tout le temps. Si l��chec est impensable, la r�ussite est tr�s difficile. Depuis le vernissage, chacun peut dire : la r�ussite est visible. Quinze ann�es d�enqu�tes et de qu�te pour r�installer dans la soci�t� alg�rienne contemporaine, des pans entiers manquants � son histoire, oubli�s dans les purgatoires des mus�es, absents de son patrimoine, du paysage de sa culture vivante, de sa litt�rature, de ses programmes scolaires et universitaires. L�obstination solitaire de l�historienne, port�e par la seule puissance de la passion, est aussi admirable qu��tonnante. L�exposition donn�e � voir au MAMA s�inscrit dans une filiation d�j� longue. Il y a 15 ans d�j�, Anissa Bouayed et Hamid Smaha ont amorc� une recherche pour raviver Les traces et l�oubli ou comment regarder l�histoire de l�Alg�rie en guerre � travers le regard d�artistes, t�moins et acteurs de leur temps. De la trame historique tiss�e par A. Bouayed, la cam�ra de H. Smaha s�investit dans un magnifique voyage imaginaire. Un voyage dans la peinture. Un livre d�art en trois dimensions. Artistes fran�ais, iraniens, libanais, tunisiens, turcs, marocains, belges, islandais, italiens, p�ruviens, hollandais, espagnols, cubains, mexicains, japonais� sont rentr�s de belle fa�on dans l�imaginaire alg�rien. Ne pourraient-ils d�sormais trouver une place dans la culture alg�rienne ? Le travelling saccad� sur des totalit�s ou des d�tails d��uvres que r�alise H. Smaha perturbe le regard, provoque en lui la captation al�atoire et fragile de cette plus-value de beaut�, de sens et de plaisir. Le g�n�rique de fin du film ne cl�ture pas le th�me. D�autres questions exigent d��tre pos�es et �lucid�es. Tout � sa t�nacit�, A. Bouayed �largit le paradigme illustr� aux peintres d'histoire et �aux modifications d'images produites par les peintres en Alg�rie et en France�. Elle �crit un article : Les Traces de l'�preuve, l'Alg�rie dans la guerre et ses peintres, publi� en 2000 dans les cahiers de l�Universit� Paris VII. En 2005, para�t aux Editions Enag d�Alger L�Art et l�Alg�rie insurg�e. L�historienne fortifie sa probl�matique dans une double extension : d�abord, par un recensement presque exhaustif de noms d'artistes impliqu�s dans la guerre d�Alg�rie et l�enrichissement du cr�dit iconographique ; ensuite, par une mise en rapport de l�iconographie avec les autres formes de production intellectuelle dans les sph�res du symbolique et du savoir : romans, po�sie, pamphlets, essais philosophiques. L�empathie revendiqu�e par l�historienne pour son sujet n�emp�che ni la lucidit� ni la mise � distance critique. L�art et l�Alg�rie insurg�e : les traces de l��preuve est une immense galerie d�art soutenue par un discours historien, �clair�e par de pertinentes analyses esth�tiques. C�est une internationale des peintres engag�s aupr�s du peuple alg�rien en guerre que l�historienne invite � des retrouvailles 46 ans apr�s l�ind�pendance. L�int�r�t d�un tel travail r�side dans le fait que la solidarit� des peintres internationaux avec l�Alg�rie s�est manifest�e dans toutes les �coles, mouvements, tendances ou manifestes artistiques. Surr�alistes, figuratifs, abstraits, expressionnistes, avant-gardistes, pop-art�ont d�un m�me �lan soutenu la cause alg�rienne. �Fou qui songe � ses querelles au c�ur du m�me combat !� proclamait Aragon. Arc-bout�e � ce capital de connaissances, l�historienne l�investit dans le montage de l�exposition dont le titre �Les Artistes internationaux et la R�volution alg�rienne� prend tout son sens historique et politique et sa valeur artistique. On peut l�gitimement s'�tonner de trop rarement lire ou voir dans l'historiographie r�cente portant sur l'Alg�rie quelques r�f�rences sur le r�le des artistes peintres parlant et agissant, en tant que peintres, de la guerre d'Alg�rie. L'action des intellectuels fran�ais qui ont pris, d�s 1955, des positions courageuses par leurs �crits et/ou par leurs actes et dont les noms, � l'exemple de Francis Jeanson, l�abb� Davezies, Pierre Vidal- Naquet, Robert Barrat ou le Manifeste des 121, sont pass�s � une post�rit� m�rit�e. Etrangement l�action du groupe de peintres qui compose en 1960 et expose en 1961 le Grand Tableau antifascistereste minor�e sinon ignor�e. Cette �uvre monumentale de 400 cmx500 r�alis�e � Milan par Robert Crippa, Jean-Jacques Lebel, Enrico Baj, Antonio Recalcati, Gianni Dova et Erro, est � la fois une �uvre d'art et un manifeste politique. Ce tableau cristallise par sa composition dramatique un moment de l'histoire pris dans les mailles d'une violence aveugle et aveuglante dont sont victimes les Alg�riens et qui par ses effets de reflux pervers et fascisants menace � terme la R�publique fran�aise. Le contenu politique est dans la toile, lisible dans l'outrage qu'un corps de femme ouvert subit pour le d�choir de son humanit�. C'est le bourreau non figur�, mais rendu visible par l'atmosph�re d�l�t�re, quasi agressive, qui se d�gage de la composition plurielle, qui est d�chu et avili et avec lui, le sont le syst�me politique qui le l�gitime et l'ordre religieux qui l'absout. Le Grand Tableau n'est-il pas le pendant ou une des incarnations plastiques de La Question d�Henri Alleg, livre �crit en 1957 ? Les r�sonances du livre d�Alleg se propagent dans l�histoire. Le br�lot litt�raire se d�multiplie dans la cr�ation plastique et au cin�ma. Des artistes s�en inspirent, le portent dans leur art. Quel regard peut se d�tourner de cette r�alit� qui offense un essentiel principe humain ? De quel masque la conscience peut se couvrir et se dire encore conscience humaine quand le mal, techniquement et d�lib�r�ment appliqu�, se d�roule dans des institutions r�publicaines ? Le texte d'Alleg et les tableaux : La Question de Matta, Avec toutes les larmes de son corps, de Jean-Pierre Jouffroy, La Torture de Khadda, La Cave d'Issiakhem... et toutes ces r�surrections d�outre supplice selon la m�taphore d�Anissa Bouayed, m�me s'ils sont en rapport avec la guerre d'Alg�rie, n'appartiennent plus � un temps et � un espace contingents et finis. Ils les d�bordent en amont et en aval des datations conventionnelles. La question, la torture, le meurtre, appartiennent � un ordre universel des tyrannies, un mode d'exercice de l'autorit� sur l'esprit et le corps de ceux, jug�s subversifs, qui d�sob�issent aux codes des tyrans. L�histoire n�est pas seulement �crite, elle est repr�sent�e, et ceux qui l�ont repr�sent�e sur la toile, le papier, le collage, ne vivaient pas dans le monde de la neutralit�. Si Les porteurs de valises sont reconnus par l�historien, qu�en est-il de Tazlitski, Kijno, Mireille Miaille, Lebel, Cherkaoui, Matta, Masson,
Erro, Jouff r o y, Lapoujade, Cremonini, Crippa, et d�autres encore ? Le Manifeste des 121 et Le Grand Tableau antifasciste ne sont-ils pas deux �v�nements aussi importants que le �J�accuse� de Zola ? La porte d�sormais ouverte sur cette histoire sur toiles par A. Bouayed ne doit plus se refermer. Il y a urgence � prendre l�art au s�rieux, � le banaliser dans le quotidien de la vie. Il y a urgence � initier les enfants aux choses belles pour qu�ils les regardent et qu�ils les fassent de leurs mains. Ils s��veilleront et grandiront mieux, s�ils ouvrent les yeux sur le monde. Des vocations na�tront, des talents aussi. Le 5 juin 2008


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