Ils sont rentrés «chez eux», nos émigrés ici, immigrés là-bas...On les reverra, peut être, l'été prochain. Entre temps, ils gondolent, tels les voiles d'un navire, allant au gré de vents, contraires et incertains. Souvent stigmatisés, moqués et nargués pour leur «look», leur accent surjoué ou pas, ils restent néanmoins, attachés à l'air du bled, leur seul repère entre deux mondes... Là-bas, c'est une civilisation, une culture, minées et laminées par les extrémismes de tous bords, y compris ceux se revendiquant d'un Islam fanatisé à l'extrême. Ici, c'est le premier pays, la terre des aïeux, où ils rapportent sentiments et argent, leurs économies qu'ils placent pour les vieux jours. Partagés entre ces deux rives, ils souffrent moralement ou intellectuellement, sans le dire vraiment. En fait, ils restent hors repères, des déracinés économiques entre dinars et euros ! Leurs jeunes, souvent dévoyés et méprisés, entre plusieurs langues, sont pommés, ici comme là-bas. Là-bas où ils pâtissent des airs narquois, méprisants, suffisants et arrogants, qu'affichent leurs concitoyens autochtones, à qui suffit le préfixe (…). Fiers de leur identité franchouillarde, ils se considèrent, face à eux, comme des êtres supérieurs. Ne sont-ils pas les descendants richissimes et cultivés, de l'ère des colonies, qui gardent leurs attaches, diriez-vous ? Ne sont-ils pas les vainqueurs de la dernière Coupe du monde avec les Pogba , M'bappé, Matuidi ou Umtiti? Auto-flatteries, gargarismes et flagorneries, en fait ! Cet état de fait franchouillard, défie sans cesse nos émigrés, déçus de voir leurs jeunes devenir loubards, ou carrément extrémistes, à la recherche, souvent ratée, de repères identitaires. Cette recherche éperdue de racines perdues, entre autres passifs de la mal-vie là-bas, s'estompe ici quand ils se retrouvent au bled, en famille. Ils aspirent alors, l'espace de vacances mérités, à la vie simple, loin des dénis et de la lutte des classes. Ils auront partagé nos peines estivales, avec ce tableau noir de plages squattées par des loosers, d'enlèvements d'enfants, de craintes de fièvre aphteuse et pour finir, ça a été cette épidémie de choléra, que certains prédisait problématique, aux frontières, au moment de leur retour. Finalement, ils ne gardent à l'esprit que la joie qui aura prévalu, en famille ou entre amis, autour du mouton de l'Aïd. De quoi clore un été, somme toute, bien joyeux, malgré les échos stridents des grincheux. Ils sont rentrés, sains et saufs, pour affronter la dynamique de marginalisation, établie depuis belle lurette. Cette dynamique les humilie quotidiennement. Elle n'a pas attendu la récente crise migratoire pour les rabaisser, encore plus. Là-bas, au sein de ruines sociologiques, dans des champs péri-urbains et des bas-quartiers, où cumulent les sentiments crasses de répulsion et s'amoncèlent les lois du mépris, ils devront s'armer de patience. Considérés comme des envahisseurs relativement incultes, ils sont regardés comme des ignares, produit d'une sous-culture au teint basané. Une déviance instrumentalisée, par cet opium des peuples, qu'est la religion. Une religion qu'ils auront beau appeler «Islam de France», comme s'il pouvait y avoir un Islam par pays, rien ne leur évitera le rejet. Et ils auront beau partager les comptoirs de bar, les concerts de rap ou les faux semblants d'anti-pauvreté, d'anti-injustice,...etc. Ils resteront amoindris, ceux dont se méfient les yeux bleus, les blonds de la «race supérieure». Il est vrai que se sont là des clichés ratés, les antonymes d'une nation, éperdue et en peine, incapable de retrouver le «brillant» médiéval de sa civilisation passée, mais c'est la réalité qu'endure nos émigrés, là-bas. C'est en cela que nous aurons, toujours, une pensée pour eux, ces déracinés, heureux de retrouver les leurs au pays. Ils y extirpent, à chaque visite, des valeurs et des vertus, que nul autre pays ne pourra leur offrir en euros, à Noël, ou lors des flonflons de fin d'année...