Bien avant les «heures les plus longues», celles qui avaient précédé, dans la journée d'hier, le moment où devait débuter le match, le (faux) suspense était à son comble. Puisque la généreuse subvention du voyage à Ouagadougou n'avait pas suffi parce qu'elle n'a pas enthousiasmé beaucoup de monde, il fallait bien trouver quelque chose qui puisse «booster» la passion autour de cet événement qui, visiblement, avait beaucoup de peine à décoller. On s'est finalement rendu compte que quarante mille dinars, ce n'est finalement pas «donné» pour le peuple du foot qui, même un peu fou, ne roule généralement pas sur l'or. En plus du prix qui n'était donc pas à la portée de n'importe quelle bourse, il y avait le rapport qualité-prix du voyage au Burkina Faso où les prestations sont ramenées à leur plus simple expression. Le strict minimum : un aller-retour en avion, une navette en bus entre l'aéroport et le stade et un ticket d'entrée dans l'espace le moins confortable - comprendre le plus pénible - du stade. Hier matin, l'envoyé spécial de la Chaîne III rapportait déjà l'angoisse des premiers supporters algériens arrivés dans la capitale burkinabé. Mis au courant de leur transfert direct de l'aérodrome aux tribunes du stade, ils s'inquiétaient pour la santé, avec la perspective de passer quelque six heures dans des gradins découverts, avec un soleil tapant impitoyablement au- dessus de leurs têtes. Qu'on ne s'y méprenne pas, dans ce genre de «générosités», il n'y a pas que l'élan patriotique et la passion pour le football qui motive ceux qui y vont. Il y a aussi l'irrésistible attrait du voyage et l'envie de découvrir un autre pan de ciel. Et en la matière, les opportunités d'y accéder sont plutôt rares pour la majorité des jeunes algériens qui évoluent dans ces sphères sociales-là. La foule ne s'étant donc pas bousculé aux portillons des agences de voyages missionnées, on a donc trouvé autre chose pour bousculer cet enfièvrement tant souhaité et qui ne venait pas. Autant le faire pour le plus grand nombre, ceux qui sont censés attendre dans la ferveur et l'optimisme, l'instant magique où ils allaient s'installer face aux petits et aux grands écrans pour suivre les Verts qui, une fois n'est pas coutume, seront habillés de… vert, le blanc étant réglementairement choisi par la sélection locale. Le suspense devait être à son comble : allait-on pouvoir regarder Algérie-Burkina Faso sur une chaîne «nationale» ? Il n'y avait pas grand monde pour s'en stresser outre mesure mais on nous disait que si, pour pouvoir nous convaincre qu'on s'en occupait sérieusement, pour notre plus grand bonheur. Il paraît que les négociations étaient «serrées» avec Al Jazeera, la chaîne des frères sadiques qui achète tout et ne veut rien nous revendre pour qu'on aille tout voir chez elle. Les négociations étaient serrées mais s'il existe encore des algériens pour angoisser pour si peu, ils devaient être tout de même bien optimistes. Il s'agissait d'argent et ils ont depuis longtemps compris que l'argent ne manque jamais pour ces choses-là. Ils ne vont tout de même pas nous faire ça pour quelques… millions de dollars ! Mais suspense toujours, on nous a fait vivre toutes les péripéties. Du niet le plus ferme aux exigences financières les plus décourageantes, en passant par le «compromis» de la diffusion en clair sur Al Jazeera. Puis cette entourloupette qui consiste à vendre les droits, puis diffuser en clair ! Astucieux, les frères qataris ! Pas plus astucieux que nos indétrônables génies du piratage. On devait quand même bien le voir, ce match, mais pour ça, personne n'en doutait.