Il y a quelques mois, un haut responsable du tourisme algérien est venu parader fièrement au micro de l'ENTV pour annoncer l'ouverture d'un luxueux hôtel sur la côte ouest. Parmi les «innovations» de cet établissement censées frapper les esprits, une «piscine couverte pour femmes» ! Plus récemment, quelqu'un de particulièrement inspiré a décidé d'ouvrir un café «exclusivement réservé aux femmes» du côté de Batna. On ne sait pas si c'est une simple coïncidence de calendrier ou une conjoncture choisie pour le «symbole», c'est dans la foulée du 8 Mars, Journée internationale pour les droits des femmes, que le café a été inauguré… C'est fou ce que les hommes pensent à «libérer» nos femmes. En les enfermant un peu plus. On veut bien leur concéder quelques discrètes récréations, on leur crée des piscines réservées. Elles peuvent aller faire trempette sur les plages ? Oui, en attendant de leur attribuer des parcelles sablées en enclos, elles peuvent toujours être sur les plages… en hidjab. La plage est d'ailleurs définitivement fermée à leurs semblables qui oseraient le maillot de bain ou toute autre forme de détente liée à la liberté d'être… bien dans sa peau. On tient tellement à l'émancipation de la femme par le travail qu'on a songé à lui créer du travail… à la maison. Ce n'est pas une mauvaise chose qu'elle gagne de l'argent, qu'elle «contribue» au budget de la famille, mais il n'est pas question qu'elle s'épanouisse en défrichant d'autres champs, il est encore moins question qu'elle aspire à son indépendance financière. Ça donne des idées, l'indépendance financière. On tient tellement à leur confort, on veut tellement les voir voyager dans de bonnes conditions qu'on veut les isoler des hommes dans les transports publics. Le FIS n'était pas loin de créer des séparations dans les bus. Aujourd'hui, on a fait mieux, c'est-à dire pire, puisqu'un ingénieux Oranais a lancé il n'y a pas longtemps le «taxi rose» pour le bonheur de ces dames ! D'autres sont plus ingénieux. Ils ont inventé le restaurant, l'hôtel ou le café «familial». Et ça pousse beaucoup plus que les champignons. Entre l'arrière-pensée commerciale devenue une certitude même si elle n'est pas évidente et la reproduction du discours ambiant, on a décidé que la femme, même quand elle est dans l'espace public, ne peut s'arracher à la «famille» dont elle est en quête permanente de protection. Par protection, il faut entendre «tutelle», bien évidemment. On veut bien de leur argent dans le commerce, on leur concède même de petites sorties… en famille mais il n'est pas envisageable pour elles de siroter un café loin de l'ombre protectrice du papa, du mari ou de la fratrie. On leur veut tout le bien du monde, les femmes. Sauf l'essentiel. Alors on leur crée ce qu'on veut bien leur concéder. Et quand c'est rentable qui plus est… Slimane Laouari