L'on devine aisément la vie dans de telles conditions où l'intimité perd sons sens, la communication ses mots et le respect sa sacralité. Les ingrédients du mal de vivre étant réunis pour une coexistence empoisonnée. Construite au milieu des années 50 du siècle dernier, Diar El Mahçoul compte parmi les cités les plus populaires et populeuses de la capitale. C'est une réplique du quartier européen «Le Confort» datant de la même période avec toutefois des appartements plus spacieux et mieux dotés en commodités. Diar El Mahçoul est connue aussi pour avoir été un fief du nationalisme durant la guerre de libération, tout comme la commune d'El Madania dont elle dépend qui a vu naître entre autres les trois frères Madani tombés au champ d'honneur. Au lendemain de l'indépendance, la grande majorité des habitants est restée sur place et la cité a commencé à prendre de l'ampleur en matière de démographie. Avec le temps, les logements exigus, composés d'une à deux pièces, n'arrivent plus à suffire aux familles nombreuses. L'éclatement de ces dernières compliquera les choses davantage. On trouve souvent deux et parfois trois ménages sous le même toit. L'on devine aisément la vie dans de telles conditions où l'intimité perd son sens, la communication ses mots et le respect sa sacralité. Les ingrédients du mal de vivre étant réunis pour une coexistence empoisonnée. Prendre un repas ensemble, pour ces familles, pose déjà un problème de place. Comment faire quand vient la nuit ? Comment caser plus de dix personnes dans un F2 alors que le moindre espace est exploité y compris la minuscule cuisine ? A ce casse-tête chinois s'ajoute la question des valeurs et des traditions obligeant de facto les jeunes célibataires et de surcroît chômeurs à aller voir ailleurs. Chez beaucoup de familles, la solution n'est autre que de recourir à l'alternance pour le sommeil du juste. On dort à tour de rôle. Une pratique forcée qui fait partie de leurs habitudes. Et depuis longtemps déjà. Ne reste alors à ces familles que d'espérer un langoureux relogement. Cela fait des décennies, confie un vieillard, que tout le monde devait quitter l'endroit. « Lorsque le grand projet de Maqam Echahid et Riad El Feth allait être lancé du temps de Chadli Bendjedid, on nous avait promis de nous reloger rapidement. A l'époque j'avais 40 ans, j'en ai presque le double aujourd'hui !», ajoutera le grand-père. Une opération de relogement a été effectuée il y a trois ans au profit d'une centaine de familles avec la promesse de reloger un autre groupe dans les meilleurs délais. Revenant à la charge, notre pépé dira solennellement «Nous n'avons jamais osé construire une baraque pour avoir un logement. Nous sommes assez fiers pour le faire mais les autorités devraient comprendre notre patience.» A ce propos, il est opportun de rappeler la position du wali Zoukh exprimant son respect à l'égard de ces citoyens dignes qui refusent de recourir au bidonville pour mettre les autorités devant le fait accompli. Une raison de plus donc pour un geste envers ces malheureux.