ue retenir du passage du premier ministre, mardi soir, à l'Assemblée populaire nationale ? Abdelmadjid Tebboune, qui a honoré une obligation constitutionnelle lui imposant de présenter son plan d'action, a remis les pendules à l'heure. Il a fait des déclarations lourdes de sens qui méritent d'être rappelées et analysées. Pour la première fois, un haut responsable de l'Etat évoque devant des parlementaires fraîchement élus la question si complexe et si sensible du rapport entre le politique et l'argent. «L'Etat, c'est l'Etat, l'argent, c'est l'argent», a-t-il en effet clarifié, signifiant que la situation ne sera plus comme avant. Il fallait vraiment une telle mise au point, car les pratiques faites au vu et au su de tous ont découragé plus d'un. La domination de l'argent sale, ou de ce qu'on appelle communément dans la société, la «chkara», a non seulement discrédité les institutions républicaines, mais aussi encouragé la «démission» totale du citoyen qui refuse d'accomplir son devoir électoral, à défaut de se faire représenter par des élus intègres et incorruptibles. Le taux d'abstention de plus de 60% enregistré lors des dernières législatives est la meilleure illustration de la désaffection vis-à-vis de la chose politique. Ils sont nombreux aujourd'hui à juger que les «vénérables» élus qui accèdent aux mandats de représentation sont là pour se servir et non pour servir. Il existe aussi des industriels siégeant dans les assemblées populaires ou des institutions de l'Etat qui confondent, malheureusement, leurs fonctions officielles avec celles de patrons d'entreprise. Loin de défendre l'idée d'empêcher un homme d'affaires d'accéder à une fonction parlementaire, il y a lieu de définir explicitement les rapports entre la politique et l'argent, afin de lever tout amalgame et d'éviter des tentatives de corruption et de favoritisme. La déclaration du patrimoine pour toute personnalité politique élue devra être une règle scrupuleusement respectée et accessible aux électeurs. C'est le minimum d'un gage de transparence à l'égard de ses concitoyens. L'autre déclaration importante faite par le premier ministre concerne le caractère social et démocratique de la République algérienne. Ce rappel mérite d'être cité, étant donné l'inquiétude qui s'est emparée de la société depuis que le gouvernement a annoncé son intention de réviser sa politique de subvention en optant pour le ciblage des aides. Cette réforme, inévitable, faut-il le mentionner, au regard de la conjoncture financière difficile, ne devra pas se faire, selon lui, au détriment des nécessiteux. Le respect de cet engagement, s'inspirant selon lui des principes de l'Appel du 1er Novembre 1954, constituera une ligne rouge. La franchir serait donc une trahison des sacrifices consentis par nos martyrs.Quant à la troisième annonce concédée, c'est celle de la nature de la crise qui frappe le pays. «La vraie crise à laquelle est confrontée l'Algérie n'est pas tant la baisse des ressources que la capacité à travailler ensemble et la confiance en soi pour atteindre les objectifs fixés à travers de simples règles applicables à tout un chacun sans aucune exception et sans transgression de la loi», a-t-il jugé. Cette précision est incontestablement courageuse. Elle remet en cause le discours tenu jusque récemment, consistant à dire que nous n'y sommes pour rien et que la faute incombe à la chute du prix du baril de pétrole. En tenant un langage franc à ce propos, Tebboune envoie un message clair et net : il est temps de construire notre économie sur des bases solides et de ne plus suspendre le sort de la nation aux fluctuations des cours du brut.