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Les dessous de la misère
Des milliers de personnes, dont des enfants, tirent leur pitance des immondices de la décharge de Oued Smar
Publié dans Le Temps d'Algérie le 26 - 08 - 2009

Sur les lieux de cette décharge, la notion de misère et de déchéance prend son sens le plus large et le plus profond. Devant la révoltante réalité que nous découvrons en ces lieux, force est, pour nous, d'affirmer que les déclarations démesurées du ministre de la Solidarité, Djamel Ould Abbas sur la question de la pauvreté ne sont plus que de vaines déclarations sonnant comme le ventre creux d'un affamé.
Cohabitant en communauté au beau milieu des montagnes de détritus d'où ils puisent leur subsistance, les quelques milliers
de pauvres acceptent leur sort avec résignation. Située sur la route menant à l'aéroport international et plus exactement à proximité de la bretelle de sortie d'autoroute, cette décharge (la plus grande d'Alger) qui laisse échapper des odeurs pestilentielles est une source de nuisances pour les usagers de la route et pour les habitations avoisinantes, en raison des fortes émanations de méthane (gaz émanant de la décomposition des denrées et des produits périssables).
Elle est une sorte de stigmate que le ministère de l'Environnement veut endiguer à tout prix, et ce, depuis des années. Notre reportage sur les lieux de cette décharge coïncide avec la visite d'une commission composée de cadres du département de Cherif Rahmani, du DG de Netcom (organisme chargé de la récupération des ordures ménagères) ainsi que d'autres personnes concernées, nous dit-on, «par la mise en place des mécanismes à même de faciliter l'élimination de cette décharge dont les remblais ont atteint un peu plus de 60 m de haut et son remplacement par un immense jardin public dont la réalisation reviendrait à une entreprise turque».
Accéder au site n'est pas chose aisée et en attendant, nous assistons à une valse de camions dont chacun paye un droit d'accès délimité selon le tonnage (entre 500 et 1000 DA soit 1333 DA pour les camions de 2,5 t). Selon les estimations du flux de camions, cette décharge est visitée par quelques centaines d'engins, tous segments confondus. Ils y a les camions qui viennent décharger les détritus et ceux qui viennent barder leurs camions d'objets ou de matières récupérés.
Un recyclage sonnant et trébuchant
Ces derniers ressortent chargés de bouteilles en plastique ou autre ferraille récupérées. Certaines indiscrétions soustraites à un jeune nous apprennent que ces chargements sont revendus trois ou quatre fois le prix payé. Des sommes faramineuses qui, bien entendu, échappent au fisc, puisque ces derniers sont revendus, sans facture, aux usines de recyclage. En recyclant les produits récupérés, les artisans de la brocante, recyclent l'argent ainsi gagné.
Ce qui attire notre attention et nous révolte, c'est l'odeur nauséabonde qui empeste l'atmosphère du marché de gros des fruits et légumes, situé en face de l'entrée de cette décharge. Un marché où règne une insalubrité repoussante. A quelques mètres de la décharge, un chantier est en voie de construction.
C'est, nous dit-on, la société Türk qui sera chargée de l'éradication de cette décharge. Une éradication que les pauvres récupérateurs entendent comme une privation de leur seule source de subsistance.
La montagne qui cache la misère
«Dévoiler la pudeur et la décence de ces personnes peut être dangereux pour vous», nous prévient un des employés de Netcom qui nous accompagne sur les lieux. Sur place et hormis l'odeur intenable qui agresse nos narines et la poussière chargée de microbes qui nous irrite les yeux, nous sommes sidérés par le spectacle cauchemardesque que nous découvrons.
Nous sommes ébahis par le nombre de personnes qui y vivent mais surtout par l'âge de certains jeunes. «Je suis âgé de 12 ans et orphelin», nous révèle le petit Amine qui justifie son activité en déclarant : «La seule façon de survivre est de faire dans la récupération de plastique que je revends pour la bagatelle de 20 dinars le kg à des camionneurs, eux-mêmes employés au sein d'entreprises de recyclage».
Malgré notre insistance, nous n'arriverons pas à connaître le nom d'une de ces entreprises qui «capitalisent la misère» de ces personnes en récupérant le plastique (bouteilles, bidons d'huile, etc.) plutôt que de les acheter à des prix bien plus élevés. Des enfantss en lambeaux et des hommes de tous les âges s'agitent au sommet de cette décharge. Ils se ruent sur les camions qui déchargent leur cargaison, dans l'espoir de mettre la main sur quelque chose d'insolite.
«Vous savez, la décharge est impitoyable et il faut que vous sachiez qu'une cinquantaine de personnes ont péri depuis sa création en 1978», fulmine un homme, la trentaine à peine qui, sur un ton colérique, rage : «Certains journaux ont menti en affirmant que nous faisons des fortunes en puisant dans les poubelles» et rageant de plus belle, martèle :
«Par contre, ces journaux n'ont pas eu le cran de dire que nous sommes exploités par des entreprises qui rachètent à des prix aléatoires tout ce que nous récupérons des poubelles.»
Ainsi, expliquent ces récupérateurs, des tonnes de plastique, de cuivre, de fer, d'éponges et autres articles sont récupérés et rachetés par des entreprises dont les usines de recyclage n'ont jamais été connues par le grand public.
7000 personnes vivent sur les lieux
A notre arrivée, à bord d'un camion, nous avions le sentiment d'être indésirables car tous fuyaient l'objectif du photographe. Ayant compris le but de notre visite, les langues se sont déliées et les témoignages fusaient de partout. «Beaucoup de personnes se sont blessées lors des fouilles des poubelles, certaines sont mortes de maladies, ou des suites d'inhalation des odeurs, ou ensevelies par un éboulement», affirment-ils, en chœur, tout en nous montrant du doigt un endroit situé en contrebas de l'autre versant de la montagne où étaient construites des bicoques de fortunes ensevelies sous des tonnes de détritus.
«Sur les quelque 7000 personnes vivant au sein de cette décharge, environ 400 sont mineures», nous susurre une personne qui précise que «ces personnes viennent des quatre coins de l'Algérie et demeurent sur les lieux pour amasser de l'argent, ne repartant voir leur famille que lorsque leur pactole est suffisant». Le décor au moment de notre départ est horrifiant.
Il suscite en nous un sentiment à la fois de dégoût et de compassion pour cette frange de la société vivant dans un véritable ghetto. Des baraques construites à l'aide de planches ou de bâches en plein milieu des détritus où pullulent les rats, vecteur de transmission de diverses maladies ou infections. Une partie de la population qui accepte sa marginalisation mais qui ressent le devoir de survivre, quitte à baigner dans les ordures.
Des fœtus en décomposition dans les poubelles
«Si ce site est vraiment éradiqué, nous serons condamnés à trouver une autre activité ou nous déplacer vers d'autres décharges», finissent par dire la plupart des «récupérateurs». Munis de crochets dont ils se servent pour fouiller les poubelles, ils sont à l'affût et prennent d'assaut tous les camions qui viennent décharger leur détritus. Une vision apocalyptique nous choque.
Celle d'un homme qui ramasse des fruits avariés déchargés par un engin. «Je n'ai pas honte de le dire, je mange des poubelles au même titre que mes enfants», grogne cet homme au visage exsangue. «Beaucoup de gens comme moi mangent des poubelles et cela se passe même dans les marchés les plus réputés d'Alger», affirme-t-il avec force. En ce jour du Ramadhan, cette déclaration nous choque et, ne pouvant rester insensibles, nous exprimons notre compassion envers ces hommes et ces enfants.
Lors de ce reportage, nous apprendrons que les poubelles réservent bien des surprises. «On découvre bien des choses lorsque les poubelles sont déchargées», nous informe un des employés. Prenant le relais, un des ramasseurs affirme que «des cadavres, des corps de bébés et des fœtus, parfois en décomposition avancée, ont été découverts dans ces poubelles». Nous quittons les lieux de cette décharge tout en ressentant une forte répugnance et avec un grand respect pour ces hommes dont le seul mot d'ordre est la survie.
«Je vis de ma pauvreté»
Il est âgé de 13 ans et a le courage de reconnaître sa pauvreté. Pour le petit Hichem que nous avons rencontré aux alentours de la décharge, «il est préférable que je verse dans cette activité plutôt que d'aller voler ce qui ne m'appartient pas ou agresser des citoyens pour les délester de leurs biens».
D'une voix résonnant de révolte, il nous confie qu'il est issu d'une famille pauvre qui ne peut subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Il a 13 ans et pourtant, le petit Hichem raisonne en adulte. Très franchement, il affirme que « tous les métiers se valent et tout argent gagné honnêtement grandit son acquéreur».
Il nous fait part des conditions lamentables dans lesquelles il vit avec sa mère, son père et sa grande sœur. «Aucun membre de ma famille ne travaille et je suis obligé de gagner de l'argent de quelque façon que ce soit afin de nourrir mon père handicapé, ma mère et ma sœur», dit-il avec un soupçon de regret. Le courage de ce petit homme force le respect, et nous nous sentons obligés de fournir une aide.
Il refuse le billet de 100 DA que nous lui tendons et nous réplique : «Je ne sais pas vivre de l'aumône mais du travail.» Le petit Hichem nous quitte soudainement pour aller à la rencontre d'un camionneur à qui il propose son aide. Nous apprendrons plus tard de la bouche du camionneur qu'«en aidant les camionneurs, ces jeunes gagnent 500 ou 600 DA la journée». Maigre pitance mais «gagnée avec honneur», dira le petit Hichem que nous saluons avec respect. Avant de disparaître, il nous fait une réflexion qui nous laisse sans voix. «Je vis ma pauvreté en travaillant et non en acceptant l'aumône», dira-t-il avec fierté.


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