C'est à croire qu'ils tombent du ciel et sortent tous du même moule. Masse homogène, de couleur unie, marchant sur les mêmes sentiers, lancés sur la même trajectoire et partageant un destin fatal, les «jeunes» font toujours l'actualité en étant l'objet d'une «attention» particulière. Elle est plutôt singulière, cette attention qui extrait la majorité de la population algérienne à une minorité imposant ses normes et fait du reste des pans de société à part qui mérite donc qu'on s'en occupe sérieusement. Il y a pourtant des questions, pertinentes au moins pour leur évidence, et auxquelles on ne répond jamais. Parce qu'on ne veut pas y répondre ou parce qu'on ne se les pose jamais. A partir de quel âge est-on jeune dans notre pays et au-delà de quel seuil cesse-t-on de l'être ? Quelques exemples révéleront des énormités. Ils sont nombreux à avoir été au plus haut niveau de responsabilité de l'Etat la vingtaine à peine entamée qui trouvent normal aujourd'hui qu'on soit à la recherche de son premier emploi à trente ans. Ils sont nombreux à se trouver encore jeunes pour des postes occupés et prétendent à d'autres à soixante ans. Des Algériens sont trop jeunes pour y accéder et trop vieux pour attendre. La jeunesse est une idée qu'on peut proposer à la carte, quand ce n'est pas à la tête du client. On peut être jeune quand on demande du travail et vieux si on sollicite une formation. Quand on dérange par une idée novatrice, on est systématiquement renvoyé à nos couches. Quand on embarrasse par son parcours et son savoir-faire, on est grabataire. On ne saura jamais qui sont ces jeunes qui méritent autant d'égards. Les jeunes loups qui n'en finissent pas d'arriver ou les désespérés candidats au suicide et à la harga. Tout le monde sait que les jeunes ne sont pas tous logés à la même enseigne mais le regard se veut uniforme. Sur des promotions entières de diplômés sans perspectives et sur les processions dorées font joujou avec des milliards. Jeunes les renifleurs de tuyaux d'échappement, jeunes ceux qui leur fournissent la matière à partir de leurs bolides dernier cri. Ils ont le même âge et c'est suffisant pour les caser ensemble. Ceux qui veulent se battre contre le statu quo et ceux que le statu quo arrose généreusement. La jeunesse est un bel âge, on en fait un bel alibi. Pour l'illusion d'optique et l'illusion tout court. Tout le monde est toujours assez jeune pour voter, beaucoup sont trop jeunes pour être candidats. Le bel âge, c'est pour écouter, jamais, ou rarement, pour donner son avis. Ceux qui ont réussi ne peuvent pas avoir le même âge que ceux qui sont laissés sur le carreau. Mais on fera semblant que c'est le cas. Pour les commodités du discours et pour «l'unification de la jeunesse». Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir