Le Temps d'Algérie : Les entreprises et les banques s'échangent les accusations. Les entreprises trouvent des difficultés à mobiliser des crédits alors que les banques accusent les entreprises de présenter des dossiers incomplets. Qu'en pensez-vous ? Liès Kerrar : Dans le système financier nous avons bien avancé sur un point. Les Algériens n'ont pas peur de déposer leur argent dans des banques car le système bancaire est sécurisé. Mais le rôle des banques est de transformer l'épargne en crédit à l'économie. L'argent doit être dirigé vers les entreprises, or 40% des dépôts ne sont pas transformés en crédit. Si on travaille uniquement sur les crédits et les bonifications des taux d'intérêt ça ne suffira pas, c'est la moitié de l'équation. L'autre moitié c'est le marché boursier, le capital d'investissement. Dans les autres pays, notamment les pays voisins, la proportion entre les crédits bancaires et la capitalisation boursière est de 60-40. Si on néglige tout le travail à faire pour développer la bourse et les sociétés de capital risque nous ne réussiront pas à atteindre nos objectifs. La diversification des acteurs est indispensable pour répondre aux besoins de financement des entreprises. Mais pour que les banques puissent accorder des crédits, il faut mettre à leur disposition l'information financière relative aux états financiers des entreprises. Certes, ces dernières déposent leurs états financiers au Centre national du registre de commerce (CNRC), mais les données que comptent ces états ne sont pas facilement accessibles. L'objectif à atteindre c'est que ces états financiers puissent être consultés par tout le monde. Le travail de l'analyse financière se base sur les états financiers des entreprises. Aujourd'hui, cette base de données qui est comme de la matière première n'est pas disponible ou difficilement accessible. En Algérie, 91% des entreprises sont des TPE (Toutes petites entreprises), selon l'Office national des statistiques. Mais cet office n'a pas donné de détails sur elles. C'est le CNRC qui détient les informations sur le chiffre d'affaires et les charges de personnels notamment. Ces données ne sont pas, cependant, disponibles. Ainsi, nous ne disposons pas de base de données pour faire des analyses. L'absence d'une base de données est une véritable contrainte. Que faut-il faire à votre avis ? Il y a eu des progrès concernant les banques qui publient annuellement leurs états financiers dans les délais, mais les entreprises accusent du retard pour les publier. Il y a un travail de fond à faire. Il faut mettre en route la bourse. Pour diversifier le financement de l'investissement, il est indispensable d'encourager les fonds d'investissement. Le marché financier doit être une priorité.
