Ils sont 300 travailleurs à avoir débrayé sur le chantier d'extension du métro d'Alger reliant la Grande-Poste à la place des Martyrs. On savait la désaffection populaire de plus en plus grande pour les grèves et ce n'est donc pas un hasard si dans les chaumières, les cafés et les bancs publics, il est plutôt question du «métro dont la fin des travaux sera renvoyée aux calendes grecques» que de solidarité «naturelle» entre gens de même condition. C'est que depuis quelques années, les Algériens sont plus habitués à subir les grèves qu'ils ne les vivent avec quelque réaction ou implication de citoyens. Ils ont eu ainsi à «subir» les récurrentes «grèves illimitées» des enseignants dont ils sont convaincus qu'elles enfoncent encore plus la scolarité déjà pas très brillante de leurs enfants. Ils ont eu à subir, parfois dans les pires douleurs, les... chroniques débrayages des médecins ou des personnels hospitaliers qui ont poussé vers le pire les structures de santé publiques déjà à l'état de mouroirs. Ils ont subi l'arrêt de travail démesurément prolongé de certains transporteurs privés qui avaient décidé tout seuls d'augmenter le prix du ticket ou de bouder des gares... situées en dehors des périmètres urbains. Ils ont même eu à souffrir du manque de pain et de lait lors de grèves déguisées des commerçants pendant les fêtes. Ils ont aussi souffert le martyre dans les aéroports d'Alger et de Navarre où personne n'est venu s'enquérir de leur état, prendre la température de leur calvaire. Pourtant, ceux qui font grève ne sont pas tous et tout le temps d'incurables égoïstes pour qui ne compteraient que leurs intérêts étroits et seraient prêts à débrayer pour un oui ou un non. Il y a toujours des raisons d'être en colère quand on gagne sa vie à la sueur de son front. Mais ça fait longtemps que l'équation n'est pas si simple. Ni le dialogue social, ni la sauvegarde de l'entreprise, ni la notion de service public ne sont désormais une vue de l'esprit. Même s'il arrive encore que la solidarité citoyenne s'exprime d'une manière ou d'une autre, les grèves sont perçues désormais comme une solution de l'extrême. Le problème est que les employeurs ont rarement les disponibilités nécessaires aux solutions intermédiaires et les syndicats ne vont pas toujours au bout des recours possibles avant l'ultime arme de combat. Trois cents travailleurs du chantier d'extension de la ligne du métro d'Alger reliant la Grande-Poste à la place des Martyrs sont en grève depuis presque un mois et déjà un chiffre : 60 milliards de dinars de perte sèche. Soixante milliards de dinars qui vont s'ajouter aux autres chiffres de «réévaluation» qui sont autant de fatales malédictions qui accompagnent nos projets d'envergure. Et ce qui gâte tout, c'est dans une réalisation emblématique de l'incurie, de la rapine et de la... durée que ça arrive maintenant ! Il ne manquait que la grève, étrangement longue et sans issue apparente, nous voilà donc servis. Trois milliards de dinars par jour de débrayage et c'est un syndicaliste qui en fait un argument de justesse de la demande des grévistes, puisqu'il précise que «la satisfaction de l'ensemble des revendications des travailleurs coûterait beaucoup moins que cela». On ne sait pas si c'est vraiment ainsi qu'il faut apprécier la justesse des revendications et l'ampleur des pertes, mais on sait qu'il devait bien y avoir des solutions avant d'en arriver là. Ne serait-ce que pour éviter que le métro d'Alger ne redevienne encore un fantasme après avoir vu un bout de... tunnel.