Les faits divers sont toujours tragiques surtout pour les gens qui les vivent, mais leur quotidienneté et leur fréquence leur confère une impression de déjà vu qui les enveloppe d´une apparence de banalité. C´est cette apparence de banalité qui rend les gens indifférents aux nombreux drames vécus par des inconnus. Mais il y a des faits divers qui interpellent, sinon la conscience du lecteur ou du téléspectateur du moins sa réflexion sur les choses de la vie et sur la fragilité de la condition humaine. Ce n´est pas un chien écrasé sur un passage non protégé ou un accident de la route qui raye de la surface de la terre une famille bien tranquille parce qu´un fils à papa a emprunté la voiture pour faire un petit tour et épater ses copains de quartier. Ce n´est pas non plus le geste désespéré d´un jeune qui, s´apercevant que l´horizon est de plus en plus noir et que la fin du tunnel n´est pas pour demain, se jette du haut d´un pont suspendu pour rattraper au vol ses rêves envolés ou celui qui choisit les eaux d´un barrage pour y noyer son chagrin, pas d´amour, mais son malheur d´avoir frappé à toutes les portes pour un emploi fantomatique qui se dérobe sans cesse. Ce n´est pas non plus le geste spectaculaire de celui qui s´arrose d´essence avant de craquer une allumette pour prendre les gens à témoin sur l´impasse où le confine sa condition de travailleur licencié... Le fait divers le plus saillant est ce jeune adolescent qui vit en France et qui est soupçonné d´avoir tué sa grand-mère. C´est un crime horrible en soi: assassiner sa grand-mère. Et pourquoi donc? Le motif serait simple. La terrible aïeule aurait menacé son héritier de l´envoyer faire un stage dans ce magnifique pays qui s´appelle l´Algérie, histoire de se frotter aux bonnes vieilles traditions qui ont poussé le grand-père à émigrer vers des cieux plus cléments. Le petit-fils n´aurait pas hésité: il aurait préféré occire (on emploie le conditionnel pour respecter le principe de la présomption d´innocence) sa tyrannique aïeule plutôt que de venir goûter à la douceur de vivre. Il ne sait pas ce qu´il a raté le malheureux ! Un magnifique soleil que les pieds-noirs chantent encore avec des larmes de sang, de splendides plages dont le sable a fait la fortune des pilleurs qui sont souvent chargés de protéger ces sites qui n´attirent plus les touristes. Il aurait pu connaître les vertus de l´école fondamentale qui a la capacité de transformer en quelques leçons bien retournées un angelot en un égorgeur de vieillards, en ébouillanteur de bébés ou en dresseur de faux barrages travesti. Si jamais il échappe ou passe à travers les balles assassines d´un gendarme en colère, il pourrait toujours réfléchir sur l´existence des coccinelles dans les champs de coquelicots en roulant un joint à l´ombre d´un mur déjà usé par d´autres dos. Il aurait pu, après avoir usé ses dernières cellules grises à essayer de suivre le vol des criquets qui ressemblent à des flamants roses surtout après un joint de bonne qualité, à décrypter les messages de l´illisible chaîne unique. Il aurait eu l´occasion de remercier le ciel d´avoir échappé aux inondations, à la peste, au choléra, à la fièvre typhoïde et au tremblement de terre. S´il lui reste encore quelque force et quelques neurones, il pouvait passer le plus clair de son temps pour trouver le moyen de gagner le pays dont il ne veut pas sortir.