Est-ce que l´affirmation de Maître Lazazi Brahimi Aziz selon laquelle son cadet «Maître Benouadhah Lamouri était plus à l´aise lorsqu´il défend des inculpés plutôt que les victimes», avait pris fin cette semaine? Oui, à en croire la violente et percutante plaidoirie de l´avocat de Dar El Beïda qui était là pour une victime d´un vol à l´arraché; une victime vraisemblablement préparée, tenez-vous bien, à la magnanimité, au pardon, à tout ce qui ne peut nuire à l´égaré au box. Farida portait son bébé dans les bras. Miloud lui arrache son collier. La maman crie. Son mari et les voisins s´en mêlent. Miloud en avait pour longtemps d´autant plus qu´il avait été neutralisé avec, sur lui, un canif qui deviendra «couteau» sur le procès-verbal! Farida M. 34 ans, portait un bébé pour une visite médicale à El Harrach. Ayant accouché il n´y a pas si longtemps par césarienne, la bonne femme n´avait pas encore quitté la cité où elle réside quand Miloud un voisin, s´approche d´elle, lui arrache violemment le collier et s´enfuit. «J´allais lâcher mon bébé, mais en deux secondes j´ai pensé que mon enfant valait bien plus que le collier», dit-elle face au président de la section-détenus du tribunal correctionnel d´El Harrach. Maître Lamouri, rusé comme d´habitude, tente une diversion: «J´aimerais évoquer le port d´arme évoqué.» Le jeune inculpé est debout à la barre. Il évite le regard de la victime, dont le corps est enveloppé dans une longue djellaba. Portant un foulard marron, les yeux cernés, le visage rouge d´émotion et les mains moites car elle s´essuyait les paumes sur sa djellaba tout au long de son témoignage, il lâche: «Je regrette mon geste. Je ne sais pas ce qui m´a pris», pleure le jeune à qui il est demandé sa fonction, car il a un sacré boulot: «Je suis fonctionnaire dans une APC», dit-il entre les dents avec beaucoup de difficultés. «Par-dessus le marché», remarque le juge qui perd quarante secondes à sermonner l´inculpé lequel n´écoute même pas car, à chaque fois qu´il tourne la tête vers la victime, «nous avons l´impression qu´il la suppliait de retirer sa plainte, et avec les yeux SVP. Dites donc, vous si Miloud, ne saviez-vous pas que voler était puni par la loi?» jette le juge visiblement pressé d´en finir avec cette affaire qui n´est pas la dernière du rôle: «Si! Je ne sais pas ce qui m´est arrivé...», ajoute Miloud subitement pris de panique. «Et en prison depuis trois mois où vous vous trouviez en détention préventive, aviez-vous su ce qui vous était arrivé?», interroge sévèrement le président qui demande à la victime de raconter de quelle manière le prévenu avait été neutralisé. Elle va presque reprendre mot à mot sa version débitée au commissariat. Maître Lamouri aura enfin l´occasion de revenir au...couteau: «Avec votre permission, Monsieur le juge, j´ai eu l´occasion de m´accrocher avec un représentant du ministère public qui avait exagéré en présentant un coupe-ongles comme étant une arme blanche et là, nous avons un canif. Alors, que va requérir l´honorable procureur?», et le président de répliquer sans prendre de gants: «Maître, selon l´angle où l´on se trouve, on apprécie les choses. Et il faut le faire avec beaucoup de lucidité. Il y a des confrères qui considèrent qu´un coupe-ongles utilisé méchamment, peut tuer.» L´avocat sourit, s´éponge le front, remercie le juge, pour ce constat et l´anecdote avant de demander l´éloignement du délit de port d´arme blanche. Entre-temps, le procureur avait fini de ricaner avant de baisser les yeux sur son registre, en attendant la suite lorsque le juge le priera d´effectuer les demandes telles que prévues par la loi. Effectivement, il ne se fera pas prier pour aller jusqu´à deux ans fermes et une amende arrondie. Ce dont profitera Maître Lamouri pour oublier cette fois-ci la fameuse arme blanche trouvée sur son client. Et c´est dans cette optique qu´il a très bien joué sur le pardon de la victime et la compassion de ses proches qui se sont mobilisés pour lui constituer un conseil. «Cette jeune personne mérite qu´on lui tende la main qui tient la perche de sauvetage. Ne le laissez pas devenir un haineux détenu. Libérez-le en lui accordant le sursis.» Miloud écopera de deux mois ferme. De quoi faire taire les mauvaises langues.