Il faut t´attendre à voir d´autres tronçons de route en chantier. C´est devenu actuellement la spécialité du pays. On trace des routes pour faciliter le transport. Le nombre de kilomètres bitumés fait toujours bonne impression dans un bilan chiffré. D´ailleurs, le pouvoir colonial, quand il voulait, lors des années de braise, argumenter sa présence sur ce territoire, présentait toujours le nombre d´écoles créées, de lits d´hôpitaux installés et de routes carrossables réalisées. Mais au bout du compte, n´allaient à l´école que ceux dont les parents étaient financièrement aisés, du moins jusqu´à une certaine école, ne fréquentaient les rares hôpitaux que ceux qui avaient la chance d´être pris en charge par la sécurité sociale, et ne circulaient sur les étroites routes goudronnées que les rares privilégiés qui possédaient des voitures. Il y a des villages, chez nous, qui n´ont vu la première piste qu´après le Premier Novembre 1954: il fallait que les convois motorisés de l´armée coloniale arrivent le plus vite possible sur le théâtre des nombreuses opérations menées dans ces endroits inhospitaliers. Le pouvoir colonial ne réalisait les routes que dans les régions économiquement rentables, là où existent des entreprises agricoles ou industrielles. Les voies de communication permettaient aux exploitants d´évacuer les richesses, qu´elles soient d´origine minière, agraire ou manufacturière. Il y a eu même des voies ferrées spéciales qui ont été faites à l´Est pour évacuer le minerai de fer du Kouif vers la Métropole et sur les Hauts-Plateaux pour transporter les énormes cargaisons d´alfa de M.Blachette. Blachette n´est plus, la voie ferrée non plus et le matériel qui a servi à créer un empire, rouille. Quant à l´alfa, ce n´est plus qu´un souvenir que certains tentent de ressusciter. Alors, pour les routes, c´est la même chose: on les réalise pour faciliter les échanges économiques entre les régions ou vers les ports. Mais, hélas, on nous rappelle chaque année que la structure de nos échanges avec l´étranger n´a pas changé et que le pipe-line et le gazoduc sont les principaux vecteurs de nos exportations. Des routes larges et modernes peuvent séduire les investisseurs qui n´auront pas remarqué les nombreux barrages routiers aux portes de la capitale et les innombrables guérites construites sur les collines avoisinant les agglomérations ou jalonnant les routes sinueuses des campagnes. A mon humble avis et au regard de ce que je sais d´après ce que je lis, les routes Est-Ouest, ou Nord-Sud ne facilitent la vie qu´aux importateurs. D´ailleurs, ne serait-il pas plus judicieux de créer des emplois qui seront source de richesses qui emprunteront ces routes. Il faut d´abord, fixer les populations et faire circuler les richesses, ensuite. Il n´ y a que les produits agricoles algériens qui y trouvent leur compte, quand l´ail n´est pas importée de Chine, la patate du Canada. Il faut fixer les priorités et ne pas mettre la charrue avant les boeufs.