Agressions verbales et physiques, prêches obscurantistes, «conversions» nouvelles: tout est là pour préparer «l'émergence» des nouvelles graines semées par le FIS. «Un air de déjà-vu.» C'est ce que s'évertue à dire l'ensemble des citoyens encore lucides dans ce climat de panique que vit le centre du pays depuis une dizaine de jours. Un climat mis à profit par certains courants islamistes que l'on pensait éteints sous nos cieux. Une petite virée dans les rues de la capitale renseigne sur l'ampleur de ce nouveau phénomène, pas bien différent de celui qui avait préludé puis accompagné la naissance de l'ex-FIS. Il est normal, indiquent de nombreux psychologues, que les gens, après avoir côtoyé la mort de si près, se cherchent des repères mystiques plus solides en redevenant ou devenant pratiquants. La quasi-majorité des mosquées du centre du pays, épargnées par le drame, sont prises d'assaut par les citoyens, comme du temps où le parti dissous faisait régner son diktat sur les citoyens, sur les institutions et même dans les rues, les marchés, les APC et les écoles. Même durant la prière de l'aube, les lieux de culte sont tout autant emplis de monde. Normal, disent les plus philosophes, puisque la plupart de ces «nouveaux convertis» passent la nuit à la belle étoile. Ces gens se trahissent eux-mêmes puisque tout en cherchant refuge dans les bras de l'Islam et en prétendant ne plus craindre la mort, ne trouvent rien d'autre à faire que d'errer toute la nuit de café en café et de «bivouac» en «bivouac» en attendant que l'aube vienne les délivrer de leurs mauvais cauchemars éveillés. Au niveau de la plupart des mosquées d'Alger et de Boumerdès, comme on a pu le constater sur place, des tracts sont distribués alors que d'autres sont affichés. Tous appellent les gens à pratiquer cette sorte d'islam situé à mi-chemin entre le wahhabisme et le salafisme, qui a déjà fait tant de mal dans notre pays, mais aussi un peu partout de par le monde. Il y est conseillé aux gens de porter le hidjab pour les et la barbe et le kamis pour les hommes. Les références, comme le montrent les tracts en notre possession, se basent sur des références douteuses et vagues, comme l'a toujours fait ce courant en Algérie. Les ne portant pas hidjab, désormais accusées de tous les maux, se font de plus agresser dans la rue, aussi bien verbalement que physiquement. Les exemples du genre tendent à se multiplier dangereusement aussi bien dans le temps que dans l'espace, rappelant «terriblement» cette même époque qui avait précédé puis accompagné la naissance de l'ex-FIS. Les tenants de ce «nouveau courant», ne se revendiquent d'aucun courant politique, comme le faisaient dans le temps les dirigeants du parti dissous avant que celui-ci ne se cristallise. Ils semblent jouir de fonds et de moyens trop importants pour ne pas supposer quelque origine douteuse, peut-être liée à la nébuleuse islamiste internationale. C'est, du moins, ce que supposent de nombreux experts et ob-servateurs de la vie politique algérienne qui pensent, entre autres, que «la principale réplique de ce terrible séisme dévastateur risque d'être une résurgence du courant islamiste obscurantiste avec lequel l'Algérie pensait en avoir fini». Les discours faisant état de ce qui attend l'homme après sa mort, de délices du paradis et des terribles souffrances de l'enfer refont surface alors que le commerce des cassettes et livrets colportant ce genre de choses est de nouveau florissant à la sortie de l'ensemble des mosquées, mais aussi dans la plupart des marchés algériens, littéralement au vu et au su de l'ensemble des autorités algériennes censées surveiller et empêcher ce genre de pratiques illégales à plus d'un titre. Ces gens, s'adonnant sans retenue au prosélytisme dans certains quartiers connus de la capitale, tels que Belcourt et Bab El-Oued, non loin des mosquées «Kaboul» et «Essounna», s'arrogent presque en détenteurs de la vérité universelle, en véritables prophètes accusant, notam-ment la société de subir la colère divine à cause de ses prétendus comportements et accoutrements immoraux. Dans le même temps, les habits islamistes ostentatoires, qui avaient eu tendance à se faire rares, voire à disparaître, refont, eux aussi, leur apparition même si les tenues afghanes ne sont pas encore de la partie, ce qui, au reste, ne saurait tarder, soulignent ironiquement des personnes au fait des milieux islamistes qui, entre autres, reprochent aux pouvoirs publics de ne pas assez s'assumer, en soustrayant les jeunes vulnérables et fragilisés par le séisme des griffes de ces «prêcheurs» passés maîtres dans l'art de bien enrober et présenter les choses. Même la réforme de l'école qui a trop tardé est montrée du doigt, puisque c'est cette institution qui a rendu les jeunes Algériennes et Algériens autant fragiles, peu aptes à résister aux divers chants des sirènes les appelant soit à quitter le pays, soit à se réfugier dans les bras de l'Islam pour trouver le bonheur éternel sans la moindre tracasserie...