Demain? Après-demain ou jamais? En attendant l'avènement du pluralisme médiatique, patientons dans l'espoir de lendemains meilleurs pour un espace médiatique algérien qui a fait de l'immobilisme son credo. Un espace médiatique? Allons donc! C'est beaucoup dire alors que l'Algérie est aujourd'hui le seul pays au monde à se suffire d'une chaîne unique. Une chaîne, au surplus, fâchée avec l'innovation et les initiatives et fermée aux champs politique, social, économique, culturel indépendants. Ce qui lui vaut ce sobriquet de «l'Yatima» qui a fait fuir vers d'autres horizons plus conviviaux les téléspectateurs algériens. De fait, la médiocrité de la chaîne nationale de télévision est aujourd'hui admise, y compris par les plus hautes autorités de l'Etat. En est-il ainsi de Nacer Mehal, ministre de la Communication, qui n'en finit pas de se désoler de la situation qui est celle de la Télévision nationale, pour laquelle il ne manqua, dit-il, de verser quelques chaudes larmes. On le comprend, si l'on excipe du fait qu'aujourd'hui, toutes choses égales par ailleurs, l'Entv est devenue le «cancre» de l'Afrique et du Monde arabe. Cela, d'autant plus désolant que notre «Unique» a, dans ses rangs, de grands professionnels de l'audiovisuel comme elle en a formé des dizaines d'autres qui, paradoxalement, portent haut son label à l'étranger et font le bonheur des chaînes satellitaires arabes. La preuve est donc faite - comme le montrent chaque jour les stars algériennes d'Al Jazeera, de MBC, d'Al Arabiya qui sont toutes passées et ont été formées par l'ex-RTA et l'Entv - ce ne sont donc pas les hommes et les femmes qui manquent à l'Entv, pour donner une information crédible et faire une télévision de qualité. Si la chaîne nationale de télévision est rébarbative et fait fuir les téléspectateurs vers les télés satelittaires, c'est bien parce qu'elle n'est pas en phase avec ceux qui la regardent, les Algériennes et les Algériens. Il y a quelques années, Mme Toumi, alors ministre de la Culture et de la Communication, justifia ce fait par les contraintes du cahier des charges «qui est propre à l'Entv» trouvant naturel que le JT, consacre sa plus grande surface aux activités du chef de l'Etat et du gouvernement. Justificatif, repris à leur compte par les gestionnaires successifs de l'Entreprise nationale de Télévision, imputant à ce cahier des charges, donc, ce décalage par son application à l'unique chaîne de télévision du pays. Sans doute, mais de là à transformer le JT de l'Entv, service public par excellence, en bulletin officiel, il y avait un pas que l'Entreprise aurait pu ne pas franchir tout en confectionnant des informations qui donnent à chacun son dû sans que «l'officiel» n'écrase tout autre information n'entrant pas dans ce cadre. Or, un cahier des charges n'est en fait qu'un outil technique assignant les droits et devoirs, en l'occurrence, des travailleurs de la télévision. Ce cahier des charges peut donc être très libéral, mais c'est en fait son texte d'application qui peut, selon le cas, favoriser l'ouverture ou imposer la fermeture du champ médiatique. C'est là que semble donc se situer le goulot d'étranglement du média public. Au moment où l'on parle de l'ouverture du champ médiatique national par la création de télés et radios privées, c'est là un paramètre qu'il convient de traiter d'autant plus que cette ouverture médiatique est devenue un impératif qui ne peut plus être ajourné. Il faut savoir enfin ce que l'on veut, plutôt ce que veulent les autorités du pays. Longtemps ces dernières légitimèrent cet état de fait par, selon elles, «l'immaturité» des Algériens. Il est patent que cette allégation se discute. Mais passons. Ce qui est vrai, en revanche, est le fait que les Algériens ne sont pas dupes et voient bien que la mainmise sur les médias lourds est loin de constituer le meilleur indice de l'Etat de droit et de la libre expression. En effet, cela ne rime à rien d'avoir les meilleurs textes législatifs du monde, que l'on exhibe comme un trophée, tout en édictant des décrets d'application restrictifs qui limitent la liberté de dire. Avec pour résultat, le verrouillage du champ médiatique.