Azraïne Tayeb a été condamné en France. Chez lui, dans tamourth, il est acquitté... Menaouar Antar, le rugueux président du tribunal criminel de Blida, avait, ce dimanche, un drôle de dossier dont les faits remontent à 1985! Comme quoi, notre justice respecte le mandat d'arrêt. Ce dernier émane de l'ancienne Gaule. L'ancienne Gaule dont la justice avait lancé un mandat d'arrêt aux trousses de Tayeb Azraïne, 51 ans, un Algérien né en France qu'il avait quittée assez jeune pour le pays de Massinissa. Hélas! pour lui, il quitta la «douce» France, le pays de son enfance, pour celui de ses aïeux avec, par pure coïncidence, un crime commis la veille par un bandit des grands chemins dans un bar où une fusillade avait fait quatre blessés graves. Le criminel, un Français de pure souche, enfin supposé être de pure souche à qui on a «collé» un chauffeur au teint basané à la g... d'un originaire des «territoires outre-Méditerranée» selon des témoins oculaires qui auraient reconnu un Arabe, ou encore un Maghrébin. Et en France, un Maghrébin, un Arabe, un «basané», un «brun», c'est automatiquement un... Algérien! Comme la coïncidence n'était pas suffisante, il fallait une autre. Le basané, l'Algérien Tayeb Azraïne avait quitté Marseille au lendemain de la fusillade. L'auteur des coups de feu avait écopé de sept ans de réclusion et le «chauffeur arabe basané brun» de 20 ans de réclusion par contumace appuyée d'un mandat d'arrêt international! «Eh ben! pour un pays qui se targue de respecter les droits de l'homme et du citoyen, merci!» s'égosilla plus tard, Maître Ouali Laceb, l'unique défenseur de Azraïne. Revenons si vous voulez bien, chers lecteurs, au comment notre concitoyen s'est retrouvé en cellule, 27 ans après les faits qu'il ignorait jusqu'en juillet 2011: l'accusé a été interpellé à l'aéroport Houari-Boumediene de Dar El Beïda d'Alger, lors de sa présence au cours de la cérémonie funèbre de la réception de la dépouille de son frère! «Mais dites donc, vous, vous avez été condamné en 2008 par le tribunal criminel à 20 ans de réclusion pour complicité de tentative de meurtre avec «Biette» le Français qui voulait se venger des gars du bar de Lyon où est né Tayeb Azraïne que les gens avaient confondu avec le basané, un signe «raciste» cher aux Lepénistes de tous bords à l'affût de tout... Algérien suspect et dont la «tête» ne plaisait pas aux fachos de l'Hexagone. Maître Laceb, qui n'avait pas digéré les lourds demandes du procureur général, plus que glacial, avait répliqué face à Antar, le président du tribunal criminel, en s'écriant que «fâché» durant l'audience pénale de Lyon lorsque les juges français qui le jugèrent pour la fusillade qu'il avait déclenchée à son retour au bar qu'il avait quitté un peu plus tôt avec cette promesse faite devant des témoins consommateurs assis face à l'apéro du soir: «Vous ne me prenez pas au sérieux? Attendez alors au retour!» avait menacé le «Gaouri» Biette qui avait pris la résolution de claquer le battant du bar et revenir armé juste pour faire un carton. Et durant sa longue plaidoirie, qui n'a nullement gêné les membres du tribunal criminel, Maître Laceb s'était même amusé à rappeler les rudes et méchantes «ruades» de l'accusé de tentative de meurtre et de blessures volontaires par arme à feu qui n'avait cessé de s'écrier: «Qu'est-ce donc ce patronyme de Azraïne et ce prénom de Tayeb qui sonnent ´´arabe´´? Je n'aime pas les Arabes. Je hais ces types-là. Croyez-vous que je fusse aussi bête pour engager un Arabe pour prendre le volant de ma bagnole.» Et l'avocat de Tayeb d'ironiser: «Monsieur le président, convenez avec moi que cette «mini-plaidoirie» du «gaouri» vaut toutes les raisons de croire que mon client n'était pas devant le bar, attendant le tueur fou pour prendre le large dans le Lyonnais. Et ces affirmations nous apprennent donc que le type au volant avait pris la fuite dès les premières salves tirées. Et encore une fois, ce n'était pas Azraïne! «Maître Laceb avait visé juste et tapé dans le mille. Antar Menouar le président montrait des signes de compréhension pour ce qui est de la logique du plaideur lequel n'a rien inventé surtout qu'il a bâti son interrogation sur les copies des jugements des juridictions française dont on peut dire, pour ce qui est des audiences publiques et jugeant des «basanés» en fuite, que leurs magistrats ont la main lourde. Et la preuve viendra d'une autre intervention du défenseur de Koléa qui a estimé, à la lecture du verdict, que la justice française a certes fait son travail mais a vu l'accusé principal, le Français Biette écoper d'une peine de sept ans de réclusion criminelle alors que le chauffeur, le supposé chauffeur, qui attendait au volant de la voiture et pour tous, il ne pouvait s'agir que de l'Arabe Tayeb Azraïne, avait pris par contumace vingt ans! Les deux jurés, comme les deux assesseurs, en l'occurrence deux très aguerris magistrats, ont dû bien suivre le «film» balancé par Maître Laceb qui, il faut le reconnaître, a l'art de reproduire le drame vécu par ses clients. Et puis, profitant de l'intérêt soutenu des membres du tribunal criminel de Blida, il n'a pas hésité un instant à titiller la fibre patriotique en reprenant les exclamations de Biette dans lesquelles il montrait toute sa haine pour les Arabes. Et raconté par le conseil amazigh, vous comprenez aisément comment s'étaient tenues les délibérations du tribunal criminel qui ont finalement laissé l'intime conviction faire le reste et aller vers l'acquittement de Azraïne Tayeb. Et pour finir sur une note gaie, soulignons que dans tout l'univers, nos lecteurs retiendront que Azraïne avait été condamné en France mais acquitté en Algérie! Ce n'est pas beau ça? Allez, dites-le! Bonne fin de semaine à tous, Azraïne en tête qui est en pleine fête et joie légitime.