La simultanéité des attaques montre bien que Mohammed VI cherche à déterrer la hache de guerre. Il s'appelle Abdallah Lomani. Sujet marocain, il aurait passé 23 années de détention dans des camps du Front Polisario. Il prétend ne pas faire partie des forces marocaines et avoir été enlevé et séquestré à la suite d'un barrage dressé contre un car aux frontières algéro-marocaines le 20 août 1980. Libéré, comme il le prétend, au mois de septembre de cette année, il était déjà devenu célèbre pour avoir réussi à exfiltrer une sorte de livre, intitulé la Terreur, retraçant ses «dures années de détention». Grandement aidé par une ONG très hostile à notre pays, France Liberté, Abdallah Lomani était, sans le savoir peut-être, l'auteur d'un «best-seller» selon les bons voeux de la DST marocaine, aidée en cela par des officines politico-médiatiques hexagonales assez influentes. En effet, le livre a été traduit en un temps record pour être édité, en juillet passé, en même temps au royaume de Mohammed VI et dans l'ancien royaume de Dagobert. Loin d'être amateur dans le domaine de l'intrigue, avec les conseillers que l'on suppute, le Palais royal a laissé le soin à un obscur parti gauchisant le soin de publier ce livre. De même qu'il avait, la veille, chargé un mouvement de tendance similaire, de reformuler les revendications marocaines sur une partie non négligeable de notre territoire national. Véritable brûlot contre certains services de militaires algériens, il accuse l'Algérie de tous les maux possibles et imaginables, pouvant se résumer en ceci: «Elle contrôlerait intégralement le Front Polisario en la personne de Mohamed Abdelaziz, président de la Rasd (République arabe sahraouie et démocratique) dans le but de garder son contrôle sur le Sahara Occidental et de se venger régulièrement de la fameuse guerre des sables de 1963.» Entre assassinats, tortures, conditions de détention inhumaines, le livre, qui ne peut avoir été écrit que par quelque obscur électricien, suggère très subtilement que le Sahara n'existerait pas en tant qu'Etat, de même que le peuple sahraoui, à commencer par son Président, reconnaîtrait volontiers sa «marocanité» n'étaient les pressions exercées sur eux par les services secrets algériens. Que de pareilles «élucubrations» puissent être écrites, et surtout éditées, y compris outre-mer, prouve amplement que Rabat a décidé de rechercher la voie de l'affrontement avec l'Algérie, quitte à ce que cela dégénère en conflit armé. Il faut dire que le Palais royal est encouragé par les nombreuses déclarations pro-marocaines faites par le président français à maintes reprises. La diplomatie française a également beaucoup fait pour empêcher le plan Baker d'être adopté par le Conseil de sécurité de l'ONU. Ce livre semble répondre à la même logique d'escalade, dont un pic avait été atteint ce lundi lorsque Alger et Rabat ont frôlé la rupture dans leurs relations diplomatiques. Notre ministère des Affaires étrangères avait convoqué l'ambassadeur marocain à Alger pour lui demander des explications sur les «velléités territoriales» nouvellement exprimées par certains cercles décisionnels au Maroc. Notre diplomatie avait, dans le même temps, chargé notre ambassadeur basé à Rabat, de prendre langue avec le Palais pour exiger officiellement des explications. C'est dire que la crise, qui a longtemps couvé entre les deux pays depuis Amgala, risque d'éclater de nouveau au grand jour à la faveur de ces «incidents» et provocations à répétition. Comme le soulignent des sources diplomatiques sous le couvert de l'anonymat, «il semble que le Maroc ait décidé de profiter de la crise qui secoue le sommet de l'Etat algérien pour tenter de revenir à la charge et décrocher ce qu'il n'avait pas réussi à obtenir en 1963, quand notre armée sortait d'une guerre épuisante, manquait de tout, sauf de patriotisme, de volonté et de bravoure». Les manoeuvres de Mohammed VI, estiment les mêmes sources, «peuvent aussi servir de diversion par rapport aux pressions que fait subir sur lui le Conseil de sécurité de l'ONU depuis qu'une décision ferme a été prise de se conformer au droit international en faisant jouer celui du peuple sahraoui à l'auto-détermination». Que cherche à obtenir Mohammed VI en ouvrant la boîte de Pandore?