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«Notre Université est gangrenée par l'arrivisme»
LE PROFESSEUR CHEMS EDDINE CHITOUR À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 03 - 07 - 2012

Chaque année, le nombre d'étudiants croît en moyenne de 100.000 individus
Quand il parle du savoir, de l'université et de l'école, Chems Eddine Chitour, professeur émérite à l'Ecole polytechnique d'Alger, n'a pas besoin de prendre des gants, car il maîtrise parfaitement son sujet. Franc et direct et sans concessions, il crie basta et empêche de tourner en rond, n'en déplaise aux tenants des constats chauvins et à ceux qui distillent des jugements sans épaisseur. Cet ancien directeur de l'Ecole polytechnique - un fleuron en déperdition-, revient sur les fléaux qui gangrènent notre université. Il explique les raisons de la fuite en avant et, en scientifique averti, il ouvre des pistes, il esquisse des solutions. Appréciez plutôt.
L'Expression: Professeur, pensez-vous que les conditions de travail et d'épanouissement sont aujourd'hui réunies dans nos universités et centres de recherche?
Pr Chems Eddine Chitour: Avant de vous répondre, permettez-moi d'abord, de vous faire un état des lieux rapide. Le système éducatif algérien a, depuis l'indépendance, fait l'objet d'une attention particulière des différents gouvernements. Sans être exceptionnel, il arrive à scolariser plus de huit millions d'élèves avec un budget qui, bien qu'important, est marginal par rapport aux coûts internationaux de formation d'un élève, d'un lycéen, d'un étudiant. Il est vrai que c'est le premier budget du pays qui s'occupe du quart de la population. Le ministère des Moudjahidine vient en second - loin devant celui de l'Enseignement supérieur- avec un budget toujours en hausse. Ceci étant dit, nous avons toujours préservé la massification en tout. Chaque année, le nombre d'étudiants croît en moyenne de 100.000 étudiants, soit 10 universités de 10.000 places avec au minimum 2000 enseignants de rang magistral. Nous n'avons ni les moyens humains en qualité ni les moyens techniques. Ce qu'on inaugure ce sont des espaces, ce qu'on appelle des places pédagogiques ne correspondent pas à la dispense et à la garantie d'un savoir de qualité pour l'étudiant. Si on y ajoute la cacophonie dans les programmes, la fuite en avant du LMD, le canular des classes préparatoires, version algérienne, nous avons tous les ingrédients d'une fuite en avant qui fait qu'on lamine aussi les dernières défenses immunitaires en saccageant les rares îlots où l'on dispensait un enseignement qui, sans être exceptionnel, est d'une facture pédagogiques honnête. C'est le cas de l'Ecole polytechnique qui se meurt - en termes d'abandon d'un système qui a fait ses preuves d'une certaine éthique qui fait que, comme partout ailleurs, nous avons maintenant notre quota de mention excellente malgré les satisfecits de façade qui ne doivent pas tromper les décideurs.
Il fut une époque où nous avions beaucoup moins de moyens, mais nous avions la foi, et le sacerdoce chevillé au corps. L'université algérienne est gangrenée par l'arrivisme. Tout est bon pour gravir la hiérarchie, trafiquer un jury, revoir des notes malgré le jury,tout est bon pour l'administration qui s'immisce d'une façon scandaleuse dans le pédagogique pour plaire aux princes du moment. La gangrène commence à gagner les anciennes institutions, car il n'y a jamais eu de coup d'arrêt, tout a été camouflé, étouffé. Ce qui fait que l'impunité sévit et parmi les enseignants qui faillissent à leur tâche et monnayent d'une façon ou d'une autre pour certains, des avantages de tout ordre. Le plus grand drame est que tout s'achète. Tant qu'on n'aura pas appliqué la charte de l'éthique des droits et des devoirs des acteurs de l'université, les dérives seront de plus en plus criantes.
En tant que professeur qui a formé plusieurs générations d'universitaires, comment ressentez-vous le départ de nos étudiants à l'étranger?
Comment voulons-nous garder nos jeunes ingénieurs notamment les meilleurs, si des conditions appropriées ne sont pas réunies. Quand des responsables vous disent que «rana oukal oulad tis'a chouhour» (nous sommes tous nés au bout de neuf mois), il y a de quoi être désespéré. Non monsieur le ministres, vous n'avez pas le droit de laminer par le bas! Ceux qui ont souffert ont travaillé doivent être à l'honneur, ce n'est pas la rente qui va donner un destin à l'Algérie. Il nous faut former l'homme nouveau en lui donnant les meilleures conditions de travail et en lui donnant, à la sortie, un travail digne de son savoir. Ce n'est pas le filet social qui va arrêter le départ d'un jeune ingénieur pétillant, à 800 km de l'Europe. Il nous faut arrêter l'hémorragie et cesser d'opposer ceux qui sont partis à ceux qui sont restés, faisant comprendre indirectement que ceux qui sont restés sont «le bas de gamme. On ne construit pas un pays avec des coopérants. Ce qu'il nous faut, c'est une morale. Où étaient les donneurs de leçon à distance quand l'Algérie jouait sa survie? Quand nous allions enseigner pendant la décennie rouge sans être sûr de rentrer le soir et nous témoignions au quotidien que l'Algérie était debout. Nous entretenions fébrilement la flamme de la science pendant que certains- qui nous reviennent maintenant en tant «qu'experts» pour nous dire «il n'y a qu'à...» ensuite ils repartent après ces bonnes paroles chez eux comme ils le disent, qui au Canada, qui en France où ils rasent les murs pour l'immense majorité.
Cette fuite des cerveaux n'est-elle pas l'expression d'une crise sociale très profonde: celle de la dévalorisation du savoir dans notre pays?
A tort on pense que la rente nous dispense de former des cadres créateurs de richesses puisque tout est importé et qu'il suffit de savoir doser la répartition de la rente entre les classes dangereuses, les satrapes du système et les autres. L'école ne fait plus rêver, il vaut mieux être footballeur pour gagner en une fois le gain de toute une vie pour un enseignant. On pense que c'est comme cela- cela fait bien d'imiter les autres-, c'est le professionnalisme qui fait que des sommes vertigineuses passent au gré du mercato dans les poches de jeunes qui n'ont rien prouvé pour le pays, si ce n'est le soporifique éphémère d'un match gagné qui fait que la rue s'enflamme dans la plus pure tradition des pays sous-développés qui sont gérés à l'émotion. Il est une deuxième façon d'avoir une visibilité fulgurante, c'est être troubadour, notamment ces dix dernières années où tout est fait là aussi pour égayer le peuple qui travaille beaucoup, c'est alors une débauche sans compter des récitals d'anniversaires, de fêtes en tout genre où «on fête tout» dans l'ivresse du baril à plus de 100 dollars. Cruelle erreur, au lieu de récompenser les besogneux, ceux qui continuent à croire en ce pays, on fait dans le m'as-tu vu. Seuls ceux qui sont capables d'émeute seront écoutés. A titre d'exemple, le passage à la dignité de professeurs émérites pour une centaine de professeurs qui ont vu naître l'Université algérienne des temps modernes, qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes, est passé dans l'anonymat le plus strict. Par une véritable conspiration du silence, cet événement est ignoré. Pourtant, quel plus beau signal des gouvernants - à la veille du Cinquantenaire de l'Indépendance - que de leur dire qu'à côté des troubadours, la nation est reconnaissante et honore ces combattants du «grand djihad», qui ont donné à ce pays et qui n'attendent pas de pensions, mais de la reconnaissance du fait qu'ils ont eu un rôle majeur dans l'édification du pays.
Quelles solutions proposez-vous pour que ces éminences grises restent en Algérie?
Rien ne peut se faire sans un retour de la confiance, sans que le regard de nos gouvernants concernant l'université et les gardiens du temple change. Vous ne pouvez pas traiter comme un moins que rien, avec un statut social le plus bas possible, les enseignants qui forment l'élite du pays. Si l'Algérie décide de se mettre au travail, il faut qu'elle forme les cadres de demain sérieusement, la première chose à faire aussi est de réhabiliter les formations d'ingénieurs qui ont été supprimées dans le droit fil de la suppression tragique des baccalauréats mathématiques techniques. Il nous faut aussi tenter de freiner l'hémorragie, car un diplômé revient à environ 100 000 dollars pour sa formation. Le body shopping des pays étrangers vient du fait de notre impuissance à croire que c'est nous qui encourageons les jeunes à partir, pour les plus brillants. A contrario, on peut se féliciter du niveau des élèves ingénieurs de l'école, qui font le bonheur des laboratoires étrangers. Pourquoi alors vouloir à tout prix la casser, la laminer, la mettre sur le même plan que des écoles qui sont nées il y a quelques années, qui n'ont ni le potentiel, ni le savoir, ni la sédimentation de près d'un siècle d'expérience pédagogique. Cet acharnement doit avoir une explication. Chaque Algérien devrait être concerné par cette lente agonie sous des dehors trompeurs. Si j'ai un message à donner aux élèves ingénieurs, c'est de leur dire de se battre avec les armes de la science. Personne ne nous fera de cadeau. Nietzsche disait que «seuls les faibles et les ratés périssaient». Ne soyons ni faibles ni ratés! L'avenir se construit ici et maintenant Prenons le dur chemin de la science du savoir, de la sueur. Je nous félicite pour la Fête de l'Indépendance. Je dis aux jeunes, aux élèves ingénieurs et aux étudiants de tenir bon, que l'avenir est à eux et que dans dix ans, si Dieu le veut, l'Algérie sera définitivement un pays développé où il fait bon vivre. Mazal l'espoir clamait à qui veut entendre le regretté cheb Hasni. Je suis d'accord..


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