A cause d'un malentendu, il attaque par derrière son adversaire et passe la lame d'une oreille à l'autre... Cinq ans fermes. Khaled Benyounès, le dynamique président de la section correctionnelle d'El Harrach (cour d'Alger) était visiblement scandalisé malgré la sérénité de sa mine joviale. Il était scandalisé au moment où l'inculpé de coups et blessure volontaires à l'aide d'une arme blanche (article 266 du Code pénal) s'avança de la barre venant des geôles du tribunal, avec un air pitoyable car les faits parlent. Après avoir pris connaissance verbalement des coordonnées du détenu coupable de coups de couteau sérieux au cou, le juge, sans trop montrer que le procès venait de débuter avec les détails lus et relus sur les procès-verbaux d'audition après qu'il fut maîtrisé, mâchonna des mots rugueux, durs, secs pour ce qui est de l'utilisation de la violence alors qu'il faut impérativement dialoguer, dialoguer et éviter de s'armer et se faire justice. Comme pour aller vite, il tourne l'oeil vers la victime dont le cou porte un bandage des films de «corsaires» et autres «pirates» des îles perdues dans le Pacifique ou les Caraïbes! «Je croyais sincèrement que mon adversaire allait venir me demander une réconciliation car tout compte fait, nous n'avions ni «chameau» ni «chamelle» pour nous opposer, nous haïr, nous séparer, voire nous battre. Oui, il y a eu un malentendu qui a abouti à un chapelet d'insultes réciproques. Oui, je reconnais l'avoir injurié le premier mais je ne pouvais pas m'attendre à ce qu'il surgisse par derrière, me prenne par les épaules et me passe la lame sur tout le cou. Ce qui m'occasionna trente jours d'incapacité avec une expertise médicale en fin du compte de l'arrêt de travail. Il m'a fait très mal, je vous l'assure. J'ai beaucoup saigné oui, j'ai eu mal et j'ai encore mal!» raconte Abdelhafidh. R. Benyounès hausse les épaules et s'adresse à l'inculpé qui sera alors entendu avec l'équité voulue par les faits têtus et clairs. L'inculpé, Abdelmadjid L. allait donner sa version avec une précision de métronome: «Vous savez, M.le président, tout individu à qui on insulte sa maman perd son sang-froid. Je ne pouvais pas supporter ces humiliations et je le regrette sincèrement. Vous aurez bien compris, M.le président la colère qui m'a envahi. Et il ne s'était pas arrêté là. Il a dépassé les injures, les insultes et les grossièretés. Il a même prétendu avoir couché avec ma frangine. Quel est l'être humain le plus solide qui serait resté de glace? Qui peut se taire devant ces provocations insupportables? -Oui, mais, l'agresser par derrière, lui faire faire cinquante points de suture avec un arrêt de travail de trente jours ne vous dit rien? Etes-vous conscient que vous auriez pu couper le cou et l'étêter? Nous ne serions pas ici ce lundi mais vous auriez comparu au Ruisseau, en criminelle, avec toute la sévérité d'un tribunal populaire» dit le juge, la bouche immobile, car les grosses mâchoires du magistrat du siège étaient serrées et pour cause. Ce qui est certain, comme pour Ahmed Menane le procureur, même silencieux, les faits sont inattaquables dans le fond et dans la forme, surtout que la victime qui était allée vers l'auteur a eu des mots pas gentils ni corrects. A propos de gravité des faits, il y a lieu de signaler que les termes de l'article 266 du Code pénal sont et demeurent plus qu'éloquents pour ce qui est de la sanction attendue, surtout que Menane n'avait pas pris de gants pour requérir durement en droite ligne avec l'usage du couteau et l'acte barbare commis sur le cou d'une oreille à une autre. d'autant plus que le parquetier avait en tête la loi n°06-23 du 20 décembre 2006 qui dispose: «Lorsque les blessures ou les coups, ou autres violences, ou voies de fait, n'ayant pas occasionné une maladie ou incapacité totale de travail personnel excédant quinze jours, ont lieu avec préméditation, guet-apens ou port d'arme, le coupable est puni d'un emprisonnement de deux à dix ans et d'une amende de 200.000 DA à 1.000.000 DA. La confiscation des objets qui ont servi ou pouvaient servir à l'exécution de l'infraction, sous réserve des droits des tiers de bonne foi, peut être ordonnée.» Voilà, en somme, tous les ingrédients réunis pour au moins, justifier les 5 ans fermes requis par le représentant du ministère public, sans haine ni passion. Et dans ce cas d'espèce, l'attaque par derrière à elle seule, mêlée au maniement du couteau, mène droit aux demandes du parquet. Et après une «contre-mise» en examen, l'auteur du coup de couteau par derrière écope de cinq ans et fermes. SVP. Comme quoi, la justice a le bras long!