«L'adolescence est une période de grande vulnérabilité et les facteurs de risques familiaux ne sont pas à négliger». Les chiffres concernant le suicide des adolescents sont vraiment effrayants. En effet, chaque jour dans le monde, on enregistre 1200 cas de suicide de jeunes traversant la zone très délicate et turbulente de l'adolescence. Ce chiffre a été rendu public cette semaine, à l'occasion d'une journée thématique qui s'est tenue à l'auditorium du centre hospitalo-universitaire «Nedir-Mohamed» de Tizi Ouzou. Les chiffres en question font ressortir qu'en une année, le nombre d'adolescents qui mettent un terme à leur vie dans le monde s'élève à près de 450.000 personnes. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le nombre de suicides n'est pas uniquement élevé dans les pays pauvres, c'est plutôt le contraire puisque dans les pays développés d'Europe et d'Amérique du Nord, les statistiques donnent également froid dans le dos. Notons par ailleurs, que selon les chiffres rendus publics lors de la même journée d'étude par le Dr H. Zeghib et le Pr A. Aouadi exerçant à l'hôpital psychiatrique «Errazi» de Annaba, il est également enregistré chaque jour, à travers le monde, 8500 tentatives de suicide touchant uniquement les adolescents. De ce fait, le suicide constitue la deuxième cause de décès chez les adolescents après les accidents de la circulation. D'après les mêmes intervenants, «les tentatives de suicide sont toutefois plus fréquentes que le suicide». En outre, concernant la situation dans notre pays et d'après l'expérience du centre médico-psychologique pour la prévention du suicide à Annaba, durant les dix dernières années, il y a eu 857 tentatives de suicide dont 643 sont des adolescents. Ce qui représente 75%. Par ailleurs, 488 soit 76% sont de sexe féminin. L'ingestion médicamenteuse est de loin le moyen le plus utilisé (75%). Le conflit familial est le motif le plus fréquemment rapporté par le suicidant (72%). Dans 23% des cas, il s'agit d'une récidive. La majorité des adolescents n'ont consulté qu'une seule fois, souligne-t-on. La journée thématique en question a été mise à profit pour répondre à plusieurs questions dont celle-ci: «Pourquoi et comment peut-on tenter de se suicider à cet âge?». Les spécialistes ont reconnu qu'il est difficile de répondre de manière précise à une telle question, car plusieurs types de facteurs sont en cause. En effet, l'adolescence représente une période de risques comportant de grandes inquiétudes et de nombreux changements, marquée par d'importantes transformations physiques psychiques et sociales. De ce fait, on y enregistre des tendances à agir de façon impulsive. «L'adolescence est une période de grande vulnérabilité et les facteurs de risques familiaux ne sont pas à négliger. C'est le cas de l'existence d'une psychopathologie parentale dont l'alcoolisme, la dépression chronique, la maladie mentale, le comportement suicidaire, la violence entre parents ou entre parents et enfants, les abus sexuels, la dissociation familiale et la faible qualité des relations entre les parents et leurs enfants», ont souligné les médecins spécialistes venus de Annaba. Ces derniers ont aussi évoqué d'autres paramètres de risques relevant de l'aspect psychologique et psychopathologique. C'est le cas des troubles psychiatriques et troubles de l'adaptation, la dépression souvent mal diagnostiquée chez les jeunes, le désespoir (impossibilité ressentie de résoudre les problèmes), les comportements violents et les violences physiques ou sexuelles subies. Il existe également des facteurs de risques comportementaux comme la consommation régulière de drogues, alcool et tabac, l'absentéisme scolaire, les redoublements multiples, les comportements violents... Les participants ont en outre mis en relief les facteurs précipitants. Il s'agit des événements stressants qui induisent une grande souffrance psychique, le conflit interpersonnel avec l'un de ses pairs, un problème disciplinaire avec les parents, à l'école ou avec la loi. La situation financière n'est pas en reste. Quant aux caractéristiques cliniques chez l'adolescent par rapport à l'adulte, les spécialistes expliquent que la tentative de suicide chez l'adolescent est plutôt impulsive et non mentalisée, souvent non préparée. «Le désir de mort est rarement présent, c'est plutôt un désir de vivre autrement, d'attirer l'attention de la famille et de l'entourage. Les tentatives de suicide s'inscrivent dans un contexte socioculturel de crise. Les adolescents cherchent une fuite dans le sommeil, un apaisement à leur culpabilité, une expression de leur pulsion agressive envers les parents et leur entourage...», ont indiqué les deux spécialistes sus-cités. Ces derniers ont conclu, en précisant que si le phénomène du suicide touche tous les âges et toutes les catégories sociales, il n'en demeure pas moins qu'il reste un phénomène particulier pour les adolescents, car l'adolescence par définition est une période où le jeune passe de l'enfance à l'âge adulte. Il est par conséquent dans une situation fragile où il perd ses repères pour en acquérir d'autres. «Afin d'éviter la tentative de suicide, il faut instaurer une atmosphère autour de l'adolescent qui soit propice à un bon équilibre psychologique. Pour ce faire, il est impératif que les différents services sociaux, médicaux et psychologiques, ainsi que la famille et les proches, s'accordent à établir un dialogue permanent avec l'adolescent», ont conseillé les participants.